L’introduction en bourse représente une étape décisive pour la croissance d’une entreprise, mais le chemin vers les marchés financiers peut sembler complexe. Pour de nombreuses petites et moyennes entreprises (PME), les exigences des marchés réglementés constituent un obstacle majeur. Heureusement, des alternatives existent : les systèmes multilatéraux de négociation (SMN), conçus pour offrir plus de souplesse. Parmi eux, Alternext et le Marché Libre se distinguent comme des voies d’accès privilégiées au financement. Comprendre leurs mécanismes et leurs conditions respectives est essentiel pour tout dirigeant envisageant cette démarche stratégique. Ce processus s’inscrit dans un guide juridique complet de l’introduction en bourse, mais mérite une attention particulière pour ses spécificités.
Alternext : un système multilatéral de négociation organisé
Lancé en 2005, Alternext a été spécifiquement conçu pour les PME en quête de financement, en créant un pont entre le capital-investissement et le marché réglementé traditionnel. Il est qualifié de « système multilatéral de négociation organisé » (SMNO). Cette désignation n’est pas anodine : elle signifie que, bien que n’étant pas un marché réglementé au sens strict, ses règles d’organisation sont approuvées par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette supervision garantit un niveau de protection pour les investisseurs supérieur à celui du Marché Libre, notamment en ce qui concerne la lutte contre les abus de marché, tout en maintenant des contraintes d’admission allégées par rapport à Euronext.
Conditions d’admission (titres, états financiers, ouverture effective du capital)
Pour être admise sur Alternext, une société doit satisfaire à plusieurs conditions fondamentales qui assurent un minimum de transparence et de sécurité pour le marché. D’abord, les titres présentés à la cotation, qu’il s’agisse d’actions ou d’autres titres donnant accès au capital, doivent être librement négociables et transférables. Ils doivent aussi être éligibles aux opérations d’un dépositaire central, comme Euroclear France, afin de permettre le traitement automatisé des transactions.
Ensuite, sur le plan financier, la société candidate doit fournir un historique de ses comptes. Elle doit avoir déposé ses états financiers annuels, sociaux et consolidés le cas échéant, pour les deux exercices précédant sa demande. Une certification par un commissaire aux comptes est exigée au minimum pour le dernier exercice. Si la clôture de ce dernier exercice remonte à plus de neuf mois, la présentation de comptes intermédiaires devient nécessaire. Cette exigence, bien que réelle, est moins lourde que les trois années de comptes audités requises pour une admission sur un marché réglementé.
Enfin, contrairement au seuil de 25 % du capital à diffuser dans le public sur Euronext, Alternext impose une condition plus souple d’ « ouverture effective du capital ». Cette notion n’est pas définie par un pourcentage strict, ce qui laisse une marge d’appréciation et permet des admissions sans offre au public, par exemple suite à un placement privé significatif. Cette flexibilité est l’une des caractéristiques les plus attractives du marché pour les PME.
La demande d’admission et le rôle du listing sponsor
La procédure d’admission sur Alternext se distingue par le rôle central et obligatoire du « listing sponsor ». Cet acteur, qui doit être agréé par Euronext Paris, est un partenaire essentiel pour la société candidate. Sa mission est double : il conseille et accompagne l’entreprise tout au long du processus, mais il engage aussi sa responsabilité vis-à-vis de l’entreprise de marché. Le listing sponsor est un coordinateur permanent entre l’émetteur et Euronext.
La demande d’admission doit être présentée conjointement par la société et son listing sponsor au moins vingt jours de bourse avant la date d’admission envisagée. Le sponsor doit remettre à Euronext une attestation confirmant qu’il a effectué les diligences nécessaires. Il doit notamment s’être assuré que la société remplit les conditions d’admission, que le document d’information destiné aux investisseurs est complet et ne comporte aucune omission significative, et que l’entreprise a mis en place les moyens nécessaires pour respecter ses futures obligations d’information. Ce « parrainage » par un professionnel agréé constitue une garantie de sérieux pour le marché et les investisseurs, compensant en partie l’allègement des contraintes réglementaires.
Les procédures d’admission : offre au public, placement privé, admission directe
Pour réaliser l’ouverture effective de son capital, une société candidate à Alternext dispose de trois voies principales :
L’offre au public est la procédure la plus classique. Elle consiste à lever des fonds directement auprès des investisseurs, particuliers comme institutionnels. Cette opération doit aboutir à la souscription d’un montant d’au moins 2,5 millions d’euros. Puisqu’il s’agit d’une offre au public, l’établissement d’un prospectus visé par l’AMF est indispensable. Ce document fournit une information complète et vérifiée sur la société, ses activités, sa situation financière et les risques associés.
Le placement privé préalable constitue une alternative plus rapide. La société peut être admise si elle a réalisé, dans les deux ans précédant sa demande, une augmentation de capital d’un montant minimum de 2,5 millions d’euros auprès d’investisseurs qualifiés (des professionnels de la finance). Dans ce cas, un prospectus visé par l’AMF n’est pas requis. Il est remplacé par un document d’information, souvent appelé « offering circular », établi sous la responsabilité de la société et de son listing sponsor. Une fois les titres admis, ils peuvent être négociés par tout type d’investisseur, mais leur commercialisation initiale est réservée à un public averti.
L’admission directe est une procédure accélérée destinée aux sociétés dont les titres sont déjà négociés sur un autre marché, qu’il soit réglementé (comme Euronext) ou un autre système multilatéral reconnu (comme le Marché Libre ou l’AIM de Londres). Pour être éligible, l’émetteur doit justifier d’une diffusion de ses titres dans le public sur son marché d’origine pour une valeur d’au moins 2,5 millions d’euros. Les obligations d’information sont alors allégées, le document requis pouvant se limiter à la publication des derniers rapports financiers et à un résumé des communications passées.
Transfert depuis un marché réglementé vers Alternext
La loi a spécifiquement encadré la possibilité pour une société cotée sur un marché réglementé de transférer ses titres vers Alternext. Cette option est ouverte aux entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à un milliard d’euros. La décision doit être approuvée par l’assemblée générale des actionnaires. Le transfert effectif ne peut intervenir qu’après un délai de deux mois suivant cette assemblée, période durant laquelle le public est informé des modalités et des conséquences de l’opération. Pour protéger les investisseurs durant cette transition vers un marché moins régulé, la loi impose une période de survivance de trois ans des règles applicables sur les marchés réglementés en matière d’offres publiques et de déclarations de franchissements de seuils. Ce mécanisme assure une transition en douceur et préserve les droits des actionnaires minoritaires.
Le Marché Libre : simplicité et flexibilité pour les jeunes entreprises
Le Marché Libre, anciennement hors-cote, est un système multilatéral de négociation géré par Euronext Paris, mais qui, à la différence d’Alternext, n’est pas qualifié d' »organisé ». Il représente le premier échelon d’accès aux marchés financiers, destiné aux jeunes entreprises et aux start-ups qui ne sont pas encore en mesure de satisfaire aux critères d’Alternext. Sa principale caractéristique est une très grande simplicité, tant dans les conditions d’accès que dans les obligations post-inscription. C’est un marché où les transactions sont organisées, mais avec un cadre réglementaire minimaliste.
Conditions d’inscription minimales
La flexibilité du Marché Libre se manifeste par l’absence quasi-totale de conditions préalables. Aucune ancienneté des états financiers n’est exigée, une société nouvellement créée peut donc y être inscrite. De même, il n’y a aucune exigence de diffusion minimale des titres dans le public ou d’ouverture effective du capital. Le flottant peut être très faible, voire inexistant au moment de l’inscription. Cette accessibilité en fait un outil de financement pertinent pour des projets en phase d’amorçage ou de premier développement.
La demande d’inscription : auteurs et contenu
Une des particularités du Marché Libre est que la demande d’inscription peut émaner non seulement de la société émettrice elle-même, mais aussi d’un actionnaire détenant une partie du capital. Dans ce second cas, l’actionnaire doit informer la société de son intention, laquelle ne peut s’y opposer. Quelle que soit l’initiative, la demande doit être présentée par un membre des marchés d’Euronext Paris. Le dossier à fournir est relativement simple : il comprend les statuts, un extrait K bis, les comptes des deux derniers exercices si la société n’est pas nouvelle, et une note succincte justifiant le prix proposé. Le membre présentateur doit également attester que les titres sont librement négociables et que la société ne fait pas l’objet d’une procédure collective.
Les procédures d’admission : cotation directe et offres centralisées
L’inscription sur le Marché Libre se fait très majoritairement par la procédure de cotation directe. Il ne s’agit pas d’une offre de titres au sens strict, mais de la simple inscription des titres existants à la négociation, permettant ainsi aux actionnaires de disposer d’un marché pour les échanger. Les ordres d’achat et de vente sont centralisés par Euronext Paris qui établit un premier cours. Pour des opérations de plus grande envergure, bien que cela soit rare, il est possible de recourir à des offres centralisées (offre à prix ferme, minimal ou ouvert). Si une telle opération constitue une offre au public, elle nécessite alors l’établissement d’un prospectus visé par l’AMF, rapprochant temporairement le formalisme de celui des autres marchés.
Comparaison et choix entre marchés réglementés et non réglementés
Le choix du marché pour une introduction en bourse est une décision stratégique qui doit être alignée avec la maturité de l’entreprise, ses besoins de financement et sa capacité à assumer des obligations réglementaires. Alors que les exigences des procédures d’admission aux marchés réglementés (historique de trois ans de comptes certifiés, flottant d’au moins 25 % du capital) peuvent être un frein, les marchés non réglementés offrent un parcours progressif. Le Marché Libre constitue le point d’entrée le plus accessible, idéal pour une première expérience de cotation avec des contraintes minimales, mais offrant une liquidité et une visibilité potentiellement limitées. Alternext se positionne comme une solution intermédiaire robuste, offrant une crédibilité accrue grâce à la supervision de l’AMF et au rôle du listing sponsor, tout en conservant une souplesse appréciable pour les PME de croissance. Le marché réglementé reste, quant à lui, la référence pour les entreprises de plus grande taille, cherchant la liquidité la plus importante et l’accès à un large panel d’investisseurs internationaux, au prix d’un formalisme et de coûts plus élevés.
Solent Avocats : optimiser votre accès aux marchés non réglementés
La réussite d’une introduction en bourse, même sur un marché non réglementé, repose sur une préparation rigoureuse et une maîtrise parfaite du cadre juridique. L’accompagnement par un cabinet d’avocats compétent est déterminant pour structurer l’opération, préparer la documentation requise (prospectus ou document d’information), et coordonner les relations avec les différents intervenants comme le listing sponsor ou l’Autorité des marchés financiers. Notre cabinet met à votre service notre expertise en droit bancaire et financier pour évaluer la pertinence de chaque marché au regard de votre projet, sécuriser juridiquement le processus d’admission et vous conseiller sur les obligations post-cotation.
Le choix d’un marché et la préparation d’une introduction en bourse sont des décisions complexes aux conséquences engageantes. Pour une analyse approfondie de votre projet et un accompagnement sur mesure, prenez contact avec notre cabinet.
Sources
- Code monétaire et financier
- Code de commerce
- Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF)