Un entrepreneur français ou un particulier examine des documents officiels de procédures collectives. Il réfléchit à ses droits de créancier.

L’impact des procédures collectives sur l’exécution forcée : guide complet et stratégies pour les créanciers

Table des matières

L’ouverture d’une procédure collective, qu’il s’agisse d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, souvent consécutive à un état de cessation des paiements, bouleverse les règles du jeu pour les créanciers. Le droit commun de l’exécution forcée, qui permet de contraindre un débiteur défaillant, est mis entre parenthèses au profit d’une discipline collective stricte. Comprendre les mécanismes qui paralysent, voire anéantissent, le droit de poursuite individuel est donc fondamental. Face à la complexité de ces règles, l’assistance d’un avocat expert en procédures collectives est souvent déterminante. Cet article a pour but de synthétiser les impacts majeurs de ces procédures sur vos droits et d’éclairer les stratégies possibles, en survolant des thématiques approfondies dans nos guides dédiés.

1. Le cadre général de l’arrêt des poursuites individuelles

Le jugement d’ouverture d’une procédure collective déclenche un mécanisme fondamental et immédiat : la suspension de toute action en justice et de toute procédure d’exécution de la part des créanciers dont la créance est antérieure à cette décision. Cette règle, dictée par la nécessité de préserver le patrimoine du débiteur et de garantir une égalité de traitement entre les titulaires de créances, met un coup d’arrêt à l’exercice des droits individuels.

A. Définition et fondements de l’arrêt automatique

Le mécanisme de l’arrêt des poursuites individuelles, posé par l’article L. 622-21 du Code de commerce, est une mesure d’ordre public. Son effet est immédiat dès le prononcé du jugement d’ouverture, avant même que celui-ci n’acquière force de chose jugée, sans qu’aucune notification spécifique aux créanciers ne soit requise. L’objectif est double : geler le passif de l’entreprise pour évaluer les chances d’un redressement et instaurer une discipline collective. La règle du « premier arrivé, premier servi » est écartée au profit d’une procédure unifiée où tous les créanciers antérieurs doivent se soumettre à des règles communes pour faire valoir leurs droits.

B. Portée et créanciers concernés par la discipline collective

Cette suspension vise un large éventail de procédures. Sont concernées toutes les voies d’exécution forcée, qu’elles portent sur des biens meubles ou immeubles, comme les saisies-ventes ou les saisies immobilières. Les mesures conservatoires sont également paralysées. Cette discipline collective a une incidence directe sur les mesures d’exécution en cours, et il est essentiel pour un créancier de comprendre ce qu’il advient et quel est le sort d’une saisie conservatoire de créances lorsque le débiteur fait l’objet d’une telle procédure. Seuls les créanciers dont la créance est née avant le jugement d’ouverture sont soumis à cette interdiction. Quelques exceptions existent, notamment pour la saisie-attribution qui, en raison de son effet attributif immédiat, peut conserver ses effets si elle a été pratiquée avant le jugement.

2. Les obstacles majeurs à l’exécution forcée : déclaration des créances et inopposabilité

Au-delà de la suspension temporaire, la procédure collective impose aux créanciers une démarche active fondamentale, dont l’omission peut avoir des conséquences quasi définitives sur leur droit à recouvrer leur dû. La déclaration de créance est la pierre angulaire de leur participation à la procédure.

A. L’obligation de déclaration des créances : un impératif procédural

Tous les créanciers antérieurs, à l’exception des salariés, doivent déclarer leur créance auprès du mandataire judiciaire (ou du liquidateur judiciaire, selon la nature de la procédure), désigné par le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire compétent. Cette déclaration doit être effectuée dans un délai strict de deux mois dont le point de départ est la publication du jugement d’ouverture au BODACC, qui fait souvent suite à la cessation des paiements. Elle doit préciser le montant de la créance due au jour du jugement, avec indication des sommes à échoir, la nature du privilège ou de la sûreté dont elle est éventuellement assortie, et les éléments de calcul des intérêts.

B. Sanction de l’inopposabilité : implications pour les créanciers négligents

Le non-respect de cette obligation dans les délais est lourdement sanctionné. Une créance non déclarée est dite inopposable à la procédure. En pratique, cela signifie que le créancier est privé du droit de participer aux répartitions et dividendes versés dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement. En cas de liquidation, il ne pourra pas prendre part aux procédures de distribution des deniers et du prix de vente des actifs, perdant ainsi toute chance de recouvrement. Si la loi, notamment depuis la grande réforme par ordonnance de 2008, prévoit une possibilité de relevé de forclusion, ses conditions d’obtention sont strictes.

3. La perte définitive du droit de poursuite après clôture pour insuffisance d’actif

L’issue la plus fréquente de la liquidation judiciaire est la clôture pour insuffisance d’actif. Cette décision a un effet radical sur les droits des créanciers, qui se heurtent alors à un obstacle qui n’est plus temporaire mais, sauf exceptions, définitif.

A. Le mécanisme de la purge des dettes : une seconde chance pour le débiteur

La clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif entraîne en principe l’extinction du droit de poursuite des créanciers. L’article L. 643-11 du Code de commerce leur interdit de reprendre leurs actions individuelles. Cette « purge » des dettes vise à favoriser le rebond de l’entrepreneur personne physique, en lui permettant de démarrer une nouvelle activité sans être accablé par le passif de son échec précédent.

B. Les exceptions à la purge : fraude, faillite personnelle et rétablissement professionnel

Ce principe de purge n’est pas absolu. La loi prévoit des exceptions permettant aux créanciers de retrouver leur droit de poursuite individuel. C’est notamment le cas lorsque le dirigeant a été sanctionné pour des fautes de gestion graves engageant sa responsabilité (faillite personnelle) ou des infractions pénales (banqueroute), ou s’il est prouvé qu’il a commis une fraude. Pour les créanciers disposant de garanties sur des biens immobiliers, il est primordial de maîtriser l’articulation entre la saisie immobilière et les procédures collectives pour évaluer les limites de cette règle.

4. Stratégies et enjeux spécifiques en matière de surendettement des particuliers

Le régime du surendettement des particuliers, bien que distinct des procédures collectives, organise également une paralysie des voies d’exécution. Destiné aux personnes physiques de bonne foi, il offre des mécanismes de suspension et d’effacement des dettes non professionnelles qui constituent un obstacle majeur pour les créanciers.

A. Suspension et effacement des dettes : mécanismes et conditions

La simple décision de recevabilité du dossier, qui n’est pas encore une décision de justice mais un acte administratif, par la commission entraîne la suspension automatique et l’interdiction des procédures d’exécution pour une durée maximale de deux ans. La suspension des poursuites est l’un des effets les plus immédiats, illustrant l’interaction cruciale entre le surendettement et la saisie immobilière, qui peut être stoppée net. Selon la situation, la commission peut élaborer un plan conventionnel ou imposer des mesures de rééchelonnement. Si la situation est jugée « irrémédiablement compromise », une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire peut être mise en place, aboutissant à l’effacement des dettes.

B. L’importance de la bonne foi du débiteur et ses limites

La bonne foi est la condition essentielle pour bénéficier de la procédure. Ce caractère essentiel, pilier du droit civil des obligations, est apprécié au moment du dépôt du dossier mais aussi tout au long de la procédure. Un débiteur qui aurait organisé son insolvabilité, dissimulé des actifs ou fourni de fausses déclarations s’expose à un rejet de son dossier ou à la déchéance de la procédure. Une jurisprudence constante de la Cour de cassation examine avec attention le comportement du débiteur pour déceler toute manœuvre visant à abuser du dispositif, distinguant la simple imprévoyance de la déloyauté caractérisée. La mauvaise foi suppose un comportement actif et conscient du consommateur qui aggrave son endettement en sachant qu’il ne pourra y faire face.

5. La protection des actifs titrisés : une niche d’expertise face aux procédures collectives

La titrisation est une technique financière qui bénéficie d’un régime juridique dérogatoire, créant une exception aux principes du droit des procédures collectives. Les actifs logés au sein d’un organisme de titrisation jouissent d’une protection quasi absolue contre les mesures d’exécution.

A. Le statut particulier des organismes de titrisation et l’exclusion du livre vi du code de commerce

Les organismes de titrisation, qu’ils prennent la forme d’un fonds commun ou d’une société, sont explicitement exclus du champ d’application du Livre VI du Code de commerce (C. mon. fin., art. L. 214-48, III). Ils ne peuvent donc faire l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. De plus, le principe d’étanchéité des compartiments assure que les actifs d’un compartiment donné ne répondent que des dettes de ce même compartiment.

B. Les mécanismes de protection des actifs titrisés contre l’exécution forcée

La loi va plus loin en affirmant que les actifs d’un organisme de titrisation ne peuvent faire l’objet de mesures d’exécution forcée que dans le respect des règles d’affectation prévues dans ses statuts ou le contrat d’émission. L’utilisation de comptes bancaires à affectation spéciale permet d’isoler les flux financiers des créances titrisées du patrimoine du recouvreur, les rendant insaisissables par les créanciers de ce dernier, même en cas de faillite. Ces mécanismes sophistiqués s’inscrivent dans le cadre plus large du droit des sûretés mobilières, qui régit les différentes manières de garantir une créance.

La paralysie de l’exécution forcée par une procédure collective est un domaine complexe qui exige une analyse précise de la situation. Pour naviguer ces procédures et défendre efficacement vos intérêts de créancier, de la déclaration de créance auprès du mandataire ou du liquidateur jusqu’à la vérification du passif, notre cabinet d’avocats expert en procédures collectives se tient à votre disposition.

Foire aux questions

Qu’est-ce que le principe de l’arrêt des poursuites individuelles ?

C’est une règle fondamentale déclenchée par le jugement d’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement, liquidation). Elle suspend ou interdit automatiquement toute action en justice et toute voie d’exécution (saisies) de la part des créanciers dont la créance est née avant ce jugement, afin de geler le passif et de traiter tous les créanciers de manière égale.

Suis-je obligé de déclarer ma créance si mon débiteur est en procédure collective ?

Oui, c’est un impératif. Tout créancier dont la créance est née avant le jugement d’ouverture doit la déclarer au mandataire ou liquidateur judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement au BODACC. Ne pas le faire entraîne l’inopposabilité de la créance, ce qui vous empêche de participer aux paiements.

Toutes mes dettes sont-elles effacées après une liquidation pour insuffisance d’actif ?

En principe, oui. La clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif entraîne la « purge » des dettes, interdisant aux créanciers de poursuivre le débiteur. Cependant, des exceptions majeures existent en cas de fraude, de faillite personnelle du dirigeant ou de banqueroute, situations dans lesquelles les créanciers peuvent retrouver leur droit de poursuite.

Comment une procédure de surendettement personnel affecte-t-elle les saisies ?

La simple décision de recevabilité d’un dossier de surendettement par la commission suspend automatiquement toute procédure de saisie en cours et interdit d’en engager de nouvelles pour une durée pouvant aller jusqu’à deux ans. Cela inclut les saisies sur compte bancaire et les saisies immobilières, bien que pour ces dernières des règles spécifiques s’appliquent si la vente forcée est déjà ordonnée.

Que se passe-t-il si un créancier ne déclare pas sa créance à temps ?

Si un créancier ne déclare pas sa créance dans le délai légal de deux mois et n’obtient pas de relevé de forclusion, sa créance devient inopposable à la procédure. Il ne pourra donc pas être payé dans le cadre d’un plan de redressement ni participer à la distribution des fonds en cas de liquidation, perdant ainsi quasiment toute chance de recouvrement.

Un créancier peut-il encore agir individuellement contre un débiteur en procédure collective ?

Non, c’est le principe même de la discipline collective. Une fois la procédure ouverte, les actions individuelles des créanciers antérieurs sont gelées. Le seul cadre d’action est la procédure collective elle-même, via la déclaration et la vérification des créances, sauf pour les créanciers postérieurs dits « utiles » à la procédure, qui bénéficient d’un droit de paiement à l’échéance.

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