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Quand le secret bancaire s’efface : obligations de vigilance et lutte contre le blanchiment

Table des matières

Le secret bancaire, souvent perçu comme un pilier de la relation entre une banque et son client, n’est en réalité pas une forteresse impénétrable. Bien qu’il protège la confidentialité des informations financières, la loi française prévoit de nombreuses situations où ce secret doit céder le pas devant les exigences des autorités. Comprendre ces exceptions au secret est essentiel, notamment dans le contexte de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, où les obligations de vigilance du banquier sont particulièrement scrutées.

TRACFIN et les obligations déclaratives des banques

Les établissements bancaires jouent un rôle central dans la détection et la prévention des flux financiers illicites. Ils sont soumis à des obligations de vigilance strictes, notamment vis-à-vis de TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins).

Un cadre législatif exigeant pour la lutte anti-blanchiment

La législation française, largement influencée par les directives européennes successives (dont la 5ème directive anti-blanchiment transposée par l’ordonnance n°2020-115 du 12 février 2020), impose aux banques un devoir de surveillance constant. L’article L.561-15 du Code monétaire et financier les contraint à signaler à TRACFIN toute opération ou somme qui leur paraît suspecte. Cette obligation prime sur le secret bancaire.

L’article L.561-22 du même code protège d’ailleurs les déclarants de bonne foi : aucune poursuite pour violation du secret professionnel ne peut être engagée contre eux. Cette garantie est indispensable pour assurer l’efficacité du dispositif. Les [obligations de TRACFIN](cite: 2919) sont donc au cœur du système de prévention.

Les différents types de déclarations à TRACFIN

Les signalements à TRACFIN peuvent prendre deux formes principales :

  1. Déclarations ponctuelles (ou déclarations de soupçon) : Elles sont déclenchées lorsqu’une opération ou les fonds utilisés semblent provenir d’une infraction punie d’une peine de prison supérieure à un an. Cela inclut explicitement la fraude fiscale, pour laquelle l’article D.561-32-1 du Code monétaire et financier détaille 16 critères pouvant justifier un signalement.
  2. Déclarations systématiques : Introduites par l’article L.561-15-1 du Code monétaire et financier, elles concernent des opérations jugées à haut risque en raison de facteurs objectifs : pays d’origine ou de destination des fonds (notamment ceux listés comme non coopératifs ou à haut risque), nature spécifique de l’opération, ou utilisation de structures juridiques complexes (trusts, sociétés écrans, etc.). Les critères précis sont définis par décret.

Le volume de ces déclarations est considérable, témoignant de l’implication active des banques dans ce dispositif.

La confidentialité des informations transmises

Si la banque doit déclarer, elle doit aussi préserver la [confidentialité](cite: 2946) de sa démarche vis-à-vis du client et des tiers. L’article L.561-18 du Code monétaire et financier interdit formellement de porter à la connaissance du client ou d’autres personnes l’existence et le contenu d’une déclaration de soupçon, sous peine d’une amende de 22 500 euros (article L.574-1).

Cependant, TRACFIN n’est pas une boîte noire. Le service analyse les informations reçues et peut les partager avec d’autres autorités compétentes si l’enquête le justifie (article L.561-29 et L.561-30-1). Parmi les destinataires possibles figurent le procureur de la République, les services de police judiciaire, l’administration fiscale, et d’autres services de l’État comme les Douanes. Ces [dérogations](cite: 2951) à la confidentialité sont strictement encadrées et nécessaires à l’efficacité de la lutte contre la criminalité financière. Si vous êtes confronté à une situation où vos obligations de vigilance sont questionnées, l’assistance d’un avocat pour l’obligation de vigilance peut s’avérer précieuse.

Les prérogatives de l’Administration des douanes

L’Administration des douanes est une autre autorité publique disposant de pouvoirs significatifs qui lui permettent de contourner le secret bancaire dans l’exercice de ses missions.

Un droit de communication très étendu

Fondé sur l’article 65 du Code des douanes, le [droit de communication](cite: 2960) permet aux agents des douanes (ayant au moins le grade d’inspecteur ou d’officier) d’exiger la communication de tous documents, quel qu’en soit le support, relatifs aux opérations intéressant leur service. La jurisprudence (notamment Cass. crim., 11 juin 1979) interprète largement cette prérogative : il suffit que les documents demandés aient un lien, même indirect, avec une opération relevant de la compétence douanière.

Les banques peuvent ainsi être amenées à fournir des relevés de compte, des copies de chèques, des contrats, ou toute autre pièce jugée utile par les agents. Il n’est pas nécessaire que la demande soit liée à une infraction déjà caractérisée ; une simple vérification ou un contrôle de routine peut justifier l’exercice de ce droit.

La Douane judiciaire : des pouvoirs d’enquête spécifiques

Il faut distinguer le droit de communication général de l’action de la [Douane judiciaire](cite: 3001). Depuis la loi du 23 juin 1999, certains agents des douanes (officiers de douane judiciaire – ODJ) sont habilités à mener des enquêtes judiciaires sous l’autorité du procureur de la République ou d’un juge d’instruction (article 28-1 du Code de procédure pénale).

Leurs compétences sont limitées à certaines infractions spécifiques (infractions douanières, blanchiment, contrefaçon, trafics divers, etc.). Lorsqu’ils agissent dans ce cadre judiciaire, les ODJ disposent des pouvoirs classiques de la police judiciaire (perquisitions, saisies, gardes à vue) et le secret bancaire leur est évidemment inopposable au même titre qu’aux autres enquêteurs. Les banques doivent donc collaborer pleinement à leurs investigations.

Des sanctions dissuasives en cas de refus

Le refus de coopérer avec l’Administration des douanes dans l’exercice de son droit de communication est lourdement sanctionné :

  • Une amende de 3 700 euros est prévue par l’article 413 bis du Code des douanes.
  • Le tribunal peut également condamner l’établissement récalcitrant à une astreinte d’au moins 150 euros par jour de retard pour la production des documents (article 431 du Code des douanes).
  • La jurisprudence constante (depuis Cass. crim., 23 novembre 1987) précise qu’aucun sursis n’est possible pour l’amende douanière, soulignant son caractère mixte pénal et fiscal.

Face à ces prérogatives étendues et aux sanctions encourues, les établissements bancaires ont mis en place des procédures internes pour traiter les demandes des douanes avec diligence. Pour les clients, cela signifie que la confidentialité de leurs informations bancaires est loin d’être garantie face à cette administration. L’équilibre entre la protection de la vie privée et les nécessités de la lutte contre la fraude et les trafics divers penche ici clairement en faveur des pouvoirs publics.

Si vous êtes confronté à une enquête douanière ou à une demande d’information de TRACFIN via votre banque, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse de votre situation et un conseil adapté.

Sources

  • Code monétaire et financier, articles L.511-33, L.561-15, L.561-15-1, L.561-18, L.561-22, L.561-29, L.561-30-1, L.574-1, D.561-32-1
  • Code des douanes, articles 65, 413 bis, 431
  • Code de procédure pénale, article 28-1
  • Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018
  • Ordonnance n°2020-115 du 12 février 2020
  • Ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016
  • JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 141-5 (Secret bancaire – Personnes publiques)

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