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Règles déontologiques bancaires : entre soft law et obligations légales

Table des matières

Les banques jonglent aujourd’hui avec différentes normes. D’un côté, les lois et règlements stricts. De l’autre, des règles déontologiques aux contours parfois flous. Cette zone grise entre obligation et recommandation mérite qu’on s’y arrête pour comprendre comment s’articulent ces exigences et quelles en sont les implications pour les clients.

Introduction aux règles déontologiques bancaires

Les règles déontologiques bancaires ont émergé progressivement, notamment à partir des années 1990. Ces normes professionnelles s’intercalent entre la réglementation étatique et les simples obligations contractuelles liant une banque à son client. Elles visent à encadrer les devoirs professionnels du banquier au-delà du strict respect de la loi.

Selon le Code monétaire et financier, notamment l’article L. 612-1, II, 3°, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) veille au respect des « bonnes pratiques de leur profession qu’elle constate ou recommande ». Cette formulation souligne bien la nature hybride de ces règles, oscillant entre la recommandation (soft law) et l’obligation quasi réglementaire.

Il est important de distinguer morale et déontologie. Comme l’explique P.-F. Smets, la déontologie, initialement limitée à des devoirs moraux généraux comme la loyauté ou l’intégrité, est devenue « plus détaillée, plus prescriptive, plus autoritaire », émanant parfois des organes représentatifs de la profession ou même du pouvoir public. La déontologie bancaire n’impose donc pas des principes moraux immuables mais des règles pratiques adaptées à un secteur en constante évolution. Elle vise à établir des « règles du jeu » professionnelles cohérentes et à garantir un certain niveau de conduite attendu des acteurs du secteur.

L’évolution et les limites des règles de bonne conduite

Historiquement, les premières règles déontologiques bancaires visaient principalement la sécurité des opérations. La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 17 février 1989, a par exemple considéré l’obligation de vérifier l’identité et le domicile d’un client comme une mesure de prévention des fraudes, relevant ainsi d’une bonne pratique professionnelle.

Ces règles ont ensuite évolué vers une protection accrue des clients. J. Moret-Bailly décrit cette progression comme traduisant « une aspiration profonde à la loyauté et à l’équité dans les relations des professionnels entre eux, mais aussi avec leurs clients et leurs usagers, et plus largement avec le public. » Cette évolution a été fortement influencée par le droit européen, qui a encouragé l’adoption de « codes de conduite » pour amorcer une unification des pratiques bancaires malgré les disparités des réglementations nationales. Un exemple notable est la transparence des conditions bancaires pour les transactions transfrontières : d’abord simple recommandation en 1990, ce principe s’est progressivement transformé en directive puis en règlement, aboutissant à l’alignement des frais pour les paiements transfrontaliers en euros.

Cependant, cette autorégulation a ses limites. Le recours aux chartes et codes de conduite ne suffit pas toujours à garantir les résultats escomptés. La Charte des services bancaires de base de 1992 en est une illustration : malgré son existence, les pouvoirs publics ont dû intervenir législativement pour consacrer le droit au compte et définir précisément le contenu du service bancaire de base par décret (Décret n° 2001-45 du 17 janvier 2001).

Un autre risque inhérent à l’autorégulation est le potentiel conflit d’intérêts. L’élaboration de règles par la profession elle-même peut parfois viser à prévenir une réglementation étatique jugée trop contraignante. Comme le note F. Osman, le sentiment corporatiste conduit rarement à l’adoption de codes de conduite plus stricts que le droit étatique existant.

Articulation entre autorégulation et réglementation étatique

Face aux limites de l’autorégulation pure, un système hybride s’est développé. Les règles déontologiques bancaires sont souvent élaborées par les professionnels eux-mêmes, via leurs associations (comme la Fédération Bancaire Française – FBF), mais en concertation avec les autorités de régulation.

L’intervention de l’État ou d’autorités indépendantes comme l’ACPR est devenue une nécessité pour garantir l’effectivité et la légitimité de ces normes. Le rapport Delmas-Marsalet de 2005 recommandait ainsi que les codes de conduite professionnels soient approuvés par les pouvoirs publics pour leur conférer une portée plus large.

Cette hybridation se manifeste concrètement par :

  • L’homologation de certains codes de conduite par arrêté du ministre de l’Économie, leur donnant une force quasi réglementaire (mécanisme introduit par l’ordonnance n° 2008-1271 et étendu par la loi n° 2010-1249).
  • L’approbation de codes de conduite par l’ACPR, les rendant obligatoires pour les adhérents des associations professionnelles concernées.
  • La formulation de recommandations directement par l’ACPR pour définir des bonnes pratiques.

Ce système mixte permet de combiner la souplesse et la technicité de l’autorégulation avec la légitimité et la force contraignante apportées par la validation ou l’impulsion des autorités publiques. Le contrôle des règles déontologiques est ainsi partagé.

Les avantages et inconvénients de la déontologie bancaire

La déontologie offre une souplesse appréciable. Elle permet d’élaborer rapidement des règles adaptées aux spécificités techniques et à l’évolution rapide du secteur bancaire, là où le processus législatif ou réglementaire serait plus lourd et plus lent. Comme le souligne François Schwerer, citant Dominique de la Garanderie, la multiplication des codes d’éthique répond à l’insécurité juridique née de la mondialisation et de la complexité croissante des systèmes juridiques.

Néanmoins, les inconvénients persistent. Outre les limites déjà évoquées (efficacité variable, risque de conflit d’intérêts), la valeur juridique de ces règles de déontologie peut être ambiguë pour les non-initiés. La distinction entre une simple recommandation, une bonne pratique constatée et une norme homologuée n’est pas toujours évidente, ce qui peut créer une certaine confusion quant au caractère réellement contraignant de la règle.

En définitive, la déontologie bancaire représente un outil précieux pour encadrer les pratiques professionnelles, mais elle ne peut se substituer entièrement à une réglementation étatique claire et à un contrôle rigoureux exercé par les autorités compétentes. Son efficacité repose sur un équilibre subtil entre l’initiative des professionnels et la supervision publique.

Si vous rencontrez des difficultés avec votre établissement bancaire et suspectez un manquement à ses obligations, qu’elles soient légales ou déontologiques, l’assistance d’un avocat en déontologie bancaire peut s’avérer déterminante pour faire valoir vos droits. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse de votre situation.

Sources

  • Code monétaire et financier, notamment article L. 612-1, II, 3°.
  • Ordonnance n° 2008-1271 du 5 décembre 2008 relative à la mise en place de codes de conduite.
  • Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.
  • Décret n° 2001-45 du 17 janvier 2001 relatif au service bancaire de base.
  • Smets, P.-F. (2002). Éthique ou cosmétique, le retour des valeurs dans un monde paradoxal. Bruylant.
  • Moret-Bailly, J., & Truchet, D. (2010). Déontologie des juristes. PUF.
  • Osman, F. (1995). Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. : réflexion sur la dégradation des sources privées du droit. RTD com., 509.

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