Un commissaire de justice français explique un document à un citoyen. Scène de conseil juridique sur la saisie-vente de petites créances.

Saisie-vente mobilière et petites créances (<535€) : régime du principe de subsidiarité et commandement avec injonction

Table des matières

Alors que la saisie-vente mobilière constitue une procédure d’exécution courante, un régime dérogatoire s’applique lorsque la créance est inférieure à 535 € et que les biens se trouvent dans le local d’habitation du débiteur. Cette procédure spécifique, encadrée par le principe de subsidiarité, vise à privilégier des mesures moins intrusives avant de recourir à la saisie des biens personnels du débiteur. Face à la complexité de ces règles, l’assistance d’un avocat expert en recouvrement de créances est souvent indispensable pour naviguer entre les obligations du créancier et les droits du débiteur, chaque partie ayant un rôle à jouer.

Comprendre le principe de subsidiarité pour les petites créances (<535€)

Le recouvrement forcé d’une créance n’est jamais un acte anodin, surtout quand il implique de pénétrer au domicile d’une personne. Le législateur a par conséquent instauré un mécanisme juridique protecteur pour les dettes de faible montant, fondé sur une logique de proportionnalité. L’objectif est clair : éviter le caractère potentiellement traumatisant d’une saisie des meubles pour des sommes modestes lorsque des alternatives moins attentatoires existent, et ce, à n’importe quelle heure du jour.

Définition et cadre légal du principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité en matière de saisie-vente découle de l’article L. 111-7 du Code des procédures civiles d’exécution (CPC exéc.). Ce texte dispose que si le créancier a le choix des mesures d’exécution, celles-ci ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour obtenir le paiement de son obligation. Pour les petites créances, cela se traduit par une hiérarchie des voies de recouvrement. Avant d’envisager la saisie des biens meubles au domicile du débiteur, le commissaire de justice doit s’assurer qu’il est impossible de recouvrer la somme par des moyens jugés plus doux. Ce principe de proportionnalité impose de privilégier des mesures moins attentatoires aux droits du débiteur, telles que la saisie-attribution sur compte bancaire ou la saisie des rémunérations, avant d’envisager la saisie des meubles, une formalité importante.

Conditions d’application du seuil de 535€ et ses limites

Le régime dérogatoire de la saisie-vente est strictement encadré par les articles L. 221-2 et R. 221-2 du Code des procédures civiles d’exécution. Pour que le principe de subsidiarité s’applique, trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • La créance à recouvrer doit être d’un montant inférieur ou égal à 535 €. La jurisprudence a précisé qu’il faut prendre en compte le montant du solde restant dû au moment de l’engagement des poursuites, et non le montant initial principal de la dette (Cass. 2e civ., 18 juin 2009, n° 08-18.379). La question du montant est donc centrale.
  • La créance ne doit pas être de nature alimentaire. Les pensions alimentaires ou prestations compensatoires, en raison de leur caractère vital, bénéficient d’un régime de recouvrement renforcé qui écarte cette subsidiarité.
  • La saisie doit être envisagée dans un local servant à l’habitation du débiteur. Cette notion est interprétée de manière restrictive et concerne le lieu où le débiteur vit et dort, incluant une résidence secondaire, mais excluant garages ou jardins attachés à un immeuble.

Si l’une de ces conditions fait défaut, la saisie-vente peut être pratiquée selon la procédure de droit commun. Le seuil de 535€ est déterminant pour l’application du principe de subsidiarité, mais il ne constitue pas pour autant un seuil d’intervention général pour les commissaires de justice, dont l’action est avant tout conditionnée par la détention d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. Enfin, même si les conditions sont remplies, le créancier peut solliciter une autorisation spécifique du juge de l’exécution, via une ordonnance, pour déroger à ce principe.

Le commandement avec injonction de produire : un mécanisme clé

Lorsque le principe de subsidiarité s’applique, la procédure de saisie-vente n’est pas abandonnée mais sa mise en œuvre est conditionnée. Le commandement de payer, acte obligatoire avant toute saisie et valant mise en demeure, se voit enrichi d’une injonction particulière. Ce mécanisme juridique vise à obtenir du débiteur les informations nécessaires à la mise en œuvre des saisies alternatives sur ses comptes bancaires ou ses rémunérations.

Contenu et formalisme du commandement avec injonction

En vertu de l’article R. 221-3 du Code des procédures civiles d’exécution (CPC exéc.), le commandement de payer signifié au débiteur doit contenir, à peine de nullité, une injonction claire. Le débiteur est sommé de communiquer au commissaire de justice, dans un délai de huit jours, les nom et adresse de son employeur ainsi que les références de ses comptes bancaires, ou l’un de ces deux éléments. L’acte doit également préciser qu’à défaut de paiement, et si aucune voie de saisie sur un compte ou sur les rémunérations n’est possible, il pourra être contraint au paiement par la vente forcée de ses biens meubles. Le non-respect de cette injonction par le débiteur ouvre au commissaire de justice des prérogatives de recherche étendues. Cette signification est une étape importante.

Pouvoirs de recherche de l’huissier et appréciation de l’impossibilité de recouvrement

Face au silence ou au refus du débiteur, le commissaire de justice n’est pas démuni. La loi lui confère des pouvoirs d’investigation directs pour vérifier l’impossibilité de recouvrer l’obligation pécuniaire par une autre voie. En application des articles L. 152-1 et L. 152-2 du Code des procédures civiles d’exécution, l’officier ministériel, porteur d’un titre exécutoire, peut interroger directement les administrations (services fiscaux, organismes de sécurité sociale) et les établissements bancaires pour obtenir ces renseignements, y compris sur un éventuel patrimoine immobilier. Ces organismes ne peuvent lui opposer le secret professionnel. Cette faculté d’accès direct à l’information est fondamentale, car elle permet au commissaire de justice de documenter objectivement l’impossibilité d’une saisie-attribution ou d’une saisie des rémunérations. Cette « impossibilité » est caractérisée en pratique dans plusieurs situations : le débiteur n’a pas de compte bancaire connu, le solde de son compte est débiteur ou ne présente que des sommes insaisissables, ou encore il est sans emploi ou ses revenus sont déjà intégralement saisis par un créancier prioritaire disposant d’une sûreté.

Responsabilité du commissaire de justice et bonnes pratiques

L’application du principe de subsidiarité n’est pas une simple option laissée à l’appréciation du commissaire de justice ; il s’agit d’une obligation légale. Son non-respect est une faute susceptible d’engager la responsabilité du commissaire de justice, tant sur le plan civil que disciplinaire.

Cadre général de la responsabilité du commissaire de justice

Le commissaire de justice, en tant que mandataire du créancier, est tenu par une obligation de moyen renforcée. Il engage sa responsabilité contractuelle envers son mandant s’il commet une faute dans l’accomplissement de sa mission d’exécution. Sa responsabilité est en revanche extracontractuelle à l’égard du débiteur et des tiers. Il doit agir avec diligence, en s’assurant de la validité du titre exécutoire et en respectant scrupuleusement les procédures prévues. Une exécution menée sur la base d’un titre suspendu ou en violation des règles procédurales constitue une faute ouvrant droit à réparation du préjudice causé, un risque non négligeable.

Conséquences du non-respect du principe de subsidiarité

Procéder à une saisie-vente au domicile pour une dette de moins de 535 € sans avoir préalablement tenté les saisies alternatives ou sans autorisation du juge constitue une faute professionnelle. Une telle saisie est considérée comme abusive et illicite. La première conséquence est la nullité du procès-verbal de saisie, qui autorise le débiteur à en demander la mainlevée immédiate. De plus, le débiteur ayant subi une intrusion illicite à son domicile peut réclamer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. La jurisprudence a déjà accordé des indemnisations significatives dans de telles situations, comme dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 24 mai 2007 (n° 05/20145), dont la décision fut confirmée en septembre de la même année, pour une saisie de seulement 500 €. Le commissaire de justice fautif peut alors être condamné à garantir le créancier pour les sommes que ce dernier devrait verser au débiteur.

Saisie-vente mobilière pour petites créances vs procédure simplifiée de recouvrement : éviter la confusion

Il est essentiel de ne pas confondre ce régime spécifique de saisie-vente avec la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, qui obéit à une logique et des effets juridiques distincts. Bien que les deux mécanismes concernent des dettes de faible montant, leur nature et leur mise en œuvre sont radicalement différentes. La procédure simplifiée, issue de la réforme portée par la loi Macron et régie par l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution (art. L. 125-1 CPC exéc.), est une procédure non judiciaire et tend vers une résolution amiable. Elle permet à un huissier de justice, pour une obligation contractuelle ou statutaire inférieure à 5 000 € (par exemple, un prêt non remboursé), de proposer une résolution à l’amiable. Si un accord est trouvé, le commissaire délivre lui-même un titre exécutoire, sans intervention préalable d’un juge. À l’inverse, la saisie-vente pour petite créance est une mesure d’exécution forcée, à l’instar d’une saisie immobilière. Elle suppose l’existence préalable d’un titre exécutoire judiciaire. La procédure est coercitive et le principe de subsidiarité ne fait qu’aménager cette contrainte en imposant une hiérarchie dans les mesures, où chaque étape doit être respectée.

Le régime de la saisie-vente pour les créances de moins de 535 € au domicile du débiteur illustre la volonté du législateur de trouver un équilibre entre le droit du créancier à obtenir paiement et la protection du débiteur. Si vous êtes confronté à une telle situation, que vous soyez créancier ou débiteur, notre cabinet d’avocats expert en voies d’exécution peut vous assister pour analyser la régularité de la procédure et faire valoir vos droits à chaque heure de la procédure.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (notamment articles L. 111-7, L. 152-1, L. 152-2, L. 221-2, R. 221-2, R. 221-3)
  • Code civil
  • Jurisprudence relative à la responsabilité du commissaire de justice (notamment Cass. 2e civ., 18 juin 2009, n° 08-18.379, Bull. civ. II, n°161)

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