Avocat et client français discutent d'une Ordonnance Européenne de Saisie Conservatoire (OESC) pour sécuriser des créances en Europe.

Saisie européenne des comptes bancaires (oesc) : procédure, effets et interactions avec le droit national

Table des matières

Le recouvrement de créances au sein de l’Union Européenne peut rapidement devenir un parcours complexe, où les frontières nationales créent des obstacles juridiques et pratiques. Face à cette complexité, l’Ordonnance Européenne de Saisie Conservatoire (OESC) se présente comme un outil stratégique pour les créanciers. Elle permet de sécuriser une créance en gelant les avoirs bancaires d’un débiteur dans un autre État membre, avant même qu’une décision de justice sur le fond ne soit rendue. Cette possibilité constitue une nouvelle avancée majeure pour toute entreprise créancière. Notre cabinet, en tant qu’avocat expert en recouvrement de créances transfrontalières, décrypte pour vous cette procédure puissante, ses effets et ses interactions parfois délicates avec les droits nationaux existants.

I. Comprendre l’ordonnance européenne de saisie conservatoire (oesc)

L’Ordonnance Européenne de Saisie Conservatoire des comptes bancaires est une procédure judiciaire unifiée au sein de l’Union Européenne. Son objectif est de protéger les droits des créanciers dans des litiges transfrontaliers en empêchant un débiteur de faire disparaître les fonds détenus sur ses comptes en banque.

A. Principes et objectifs du règlement (ue) n° 655/2014

L’OESC est une mesure conservatoire spécifiquement conçue pour faciliter le recouvrement de créances au sein de l’Union Européenne, agissant comme un outil préventif puissant avant même l’obtention d’un jugement sur le fond. Créée par le Règlement (UE) n° 655/2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, et complétée par le Règlement d’exécution (UE) n° 2016/1823 de la Commission européenne pour ses formulaires standardisés, cette première procédure européenne de saisie a pour objectif principal de surprendre le débiteur. Un des objectifs majeurs du règlement est de garantir un effet de surprise en bloquant les comptes du débiteur avant notification, une stratégie également au cœur de certaines procédures nationales pour éviter la dissipation des actifs. En gelant les fonds sans avertissement préalable, l’OESC empêche le débiteur de vider ses comptes avant que le créancier ne puisse faire exécuter une future décision de justice.

B. Champ d’application matériel et territorial de l’oesc

La procédure s’applique aux litiges en matière civile et commerciale qualifiés de transfrontières. D’après l’article 3 du règlement, un litige est considéré comme tel lorsque la juridiction saisie de la demande d’OESC se trouve dans un État membre différent de celui où le compte bancaire du débiteur est détenu. C’est également le cas si le créancier est domicilié dans un autre État membre que celui de la juridiction et du compte bancaire visé. Cependant, le champ d’application du règlement connaît plusieurs exclusions, notamment en matière d’arbitrage ou de sécurité sociale, et doit s’articuler avec les immunités d’exécution qui protègent certains débiteurs souverains (voir notre analyse sur ce point). Sont aussi exclues les créances relatives aux régimes matrimoniaux, aux testaments et successions, ainsi qu’aux procédures de faillite.

C. Reconnaissance et force exécutoire dans l’union européenne

L’un des avantages majeurs de l’OESC est sa reconnaissance et son exécution automatiques dans tous les États membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark. Contrairement aux procédures classiques qui exigent souvent une action en exequatur pour faire reconnaître une décision étrangère, une ordonnance de saisie délivrée dans un État membre est directement exécutoire dans les autres. Cette suppression des procédures intermédiaires confère à la mesure une efficacité et une rapidité redoutables pour le créancier qui cherche à sécuriser sa créance à l’échelle de l’Europe.

II. Procédure d’obtention et d’information de l’oesc

L’obtention d’une OESC est soumise à des conditions strictes et à un formalisme précis, conçus pour équilibrer l’efficacité de la mesure pour le créancier et la protection nécessaire des droits du débiteur.

A. Les conditions de délivrance de l’ordonnance de saisie conservatoire

Le créancier doit convaincre la juridiction compétente de la nécessité de la mesure. Pour cela, il doit fournir des éléments de preuve suffisants sur deux points essentiels. Premièrement, il doit démontrer que sa créance paraît fondée en son principe. Deuxièmement, il doit justifier de l’urgence et de l’existence d’un risque réel que, sans cette mesure, le recouvrement ultérieur de sa créance soit empêché ou rendu sensiblement plus difficile. La procédure varie si le créancier possède déjà un titre exécutoire (comme un jugement, un acte authentique ou une transaction judiciaire), ce qui lui ouvre la voie à des mesures d’exécution forcée comme la saisie-attribution, ou s’il doit d’abord prouver le bien-fondé de sa créance, par exemple via une procédure d’injonction de payer (parfois désignée sous le terme de « payment order » en contexte européen). S’il ne dispose pas encore de titre, les exigences probatoires concernant le risque de non-recouvrement sont plus élevées.

B. La compétence juridictionnelle et les formalités de demande

Les règles de compétence pour délivrer une OESC dépendent de la situation. Si le créancier n’a pas encore de titre exécutoire, la juridiction compétente est celle de l’État membre qui est compétente pour statuer sur le fond de l’affaire. Si un titre a déjà été obtenu, la compétence revient à la juridiction de l’État membre qui a rendu cette décision. Des règles spécifiques protègent les consommateurs, en attribuant la compétence exclusive aux juridictions de l’État membre de leur domicile. La demande doit être présentée via des formulaires types, afin de simplifier et d’unifier les démarches à travers l’UE. Le juge de la saisie dispose alors de délais stricts pour rendre sa décision : cinq jours ouvrables si le créancier a un titre, dix jours s’il n’en a pas.

C. Les mécanismes d’obtention d’informations sur les comptes bancaires du débiteur à l’étranger

L’un des défis majeurs pour un créancier est d’identifier les comptes bancaires, et notamment le numéro de compte (IBAN), détenus par son débiteur dans d’autres États membres. Le règlement n° 655/2014 a prévu une nouvelle procédure spécifique pour y répondre. L’article 14 permet au créancier, s’il a déjà obtenu un titre exécutoire et a des raisons de croire que le débiteur détient un compte dans un État membre, de demander à la juridiction de solliciter des informations auprès de l’autorité chargée de cette mission dans cet État. Cette autorité se chargera alors d’interroger les banques sur son territoire. En France, par exemple, cette mission est confiée aux huissiers de justice qui peuvent interroger le fichier FICOBA. Les coûts et délais pour obtenir ces renseignements varient cependant considérablement d’un pays à l’autre (France, Belgique, Italie, etc.), car ils dépendent des procédures et tarifs fixés par chaque législation nationale.

III. Exécution de l’oesc et protections du débiteur : une articulation complexe avec le droit national

Bien que le règlement européen crée un cadre unifié, son exécution concrète et la protection des droits du débiteur reposent sur une interaction étroite avec les législations de chaque État membre, générant une complexité pratique notable.

A. Mise en œuvre par la banque, ordre de priorité des comptes et déclarations

Une fois l’ordonnance notifiée, l’établissement financier doit agir sans délai pour bloquer le montant indiqué sur les comptes du débiteur. Il est tenu de fournir une déclaration, via un formulaire type, précisant si des fonds ont été saisis et pour quel montant. En cas de pluralité de comptes, le règlement établit un ordre de priorité pour le blocage : les comptes d’épargne sont saisis avant les comptes courants. Une question plus complexe se pose pour les comptes joints, dont la saisie est régie par la législation nationale de l’État où le compte est tenu. La responsabilité de l’établissement financier en cas de manquement à ses obligations (par exemple, en autorisant un bank account payment malgré le gel) est également déterminée par le droit national, ce qui peut créer des disparités importantes au sein de l’UE.

B. Droits et garanties du débiteur : contestation, mainlevée et garantie

L’effet de surprise de l’OESC est contrebalancé par plusieurs garanties solides accordées au débiteur. Dès qu’il est informé de la saisie, ce dernier peut la contester, tant sur la forme que sur le fond. Il dispose de plusieurs voies de recours pour demander la mainlevée de la mesure s’il estime que les conditions de sa délivrance n’étaient pas réunies. Une autre protection fondamentale est l’obligation pour le créancier, lorsqu’il n’a pas encore de titre exécutoire, de fournir une garantie financière. Cette garantie vise à assurer la réparation de tout préjudice subi par le débiteur si la mesure se révélait injustifiée. Le débiteur peut également proposer au juge de substituer la saisie par une autre garantie équivalente, comme une caution bancaire.

C. Montants insaisissables et comptes joints : les renvois au droit national

L’efficacité de l’OESC repose sur une articulation fine avec les droits nationaux, qui régissent des aspects cruciaux comme les montants insaisissables, reprenant des logiques similaires à celles de la saisie conservatoire sur un compte bancaire en droit français. Le règlement européen reconnaît que certaines sommes, en raison de leur nature alimentaire ou sociale, doivent être protégées. Il renvoie donc à la législation de l’État d’exécution pour déterminer quels montants sont exemptés de saisie (pensions alimentaires, minima sociaux, etc.). De même, la question épineuse de la saisie d’un compte joint est entièrement laissée à l’appréciation du droit national. Cette approche crée une mosaïque de régimes où les droits du débiteur et du créancier peuvent varier de manière significative d’un État à l’autre, rendant l’assistance d’un avocat indispensable.

IV. Interférences légales et contextes spécifiques de l’oesc : l’expertise différenciatrice

L’application de l’OESC peut être affectée par d’autres procédures ou par des événements particuliers comme une fraude, nécessitant une analyse approfondie des interactions entre les différents régimes juridiques.

A. L’impact des procédures collectives sur les mesures conservatoires bancaires européennes

L’ouverture d’une procédure d’insolvabilité (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) à l’encontre du débiteur a un impact direct sur une OESC. Le règlement prévoit que les effets de la procédure collective sur les mesures d’exécution sont régis par le droit de l’État où cette procédure est ouverte. En droit français, le jugement d’ouverture entraîne l’arrêt des poursuites individuelles. Une OESC pratiquée avant le jugement peut donc être remise en cause. Si la mesure a été effectuée pendant la période suspecte, elle risque l’annulation. De plus, si elle n’a pas été convertie en saisie-attribution avant le jugement d’ouverture, elle perd son effet, et le créancier redevient un simple créancier chirographaire, perdant le bénéfice de sa mesure conservatoire.

B. Responsabilité des banques et partage des risques en cas de fraude ou d’exécution défectueuse d’un virement transfrontalier lié à une oesc

L’exécution de virements, notamment dans un contexte transfrontalier, expose les parties à des risques de fraude (hameçonnage, usurpation d’identité ou « spoofing ») ou d’erreurs. L’analyse de la responsabilité des banques devient primordiale en cas de virement frauduleux ou d’exécution défectueuse, impliquant une analyse fine de la notion de ‘négligence grave’ du client au regard des obligations de l’établissement financier. La jurisprudence récente tend à considérer que la responsabilité de l’établissement est écartée si le citoyen ou l’entreprise a communiqué ses données de sécurité en réponse à un message qui contenait des indices suffisants pour qu’un utilisateur normalement attentif puisse douter de sa provenance. Toutefois, l’établissement financier reste tenu à un devoir de vigilance et doit pouvoir prouver que l’opération a été correctement authentifiée. En cas de virement mal exécuté, la banque du donneur d’ordre est responsable jusqu’à ce que les fonds soient reçus par la banque du bénéficiaire, qui prend alors le relais de cette responsabilité.

La procédure d’Ordonnance Européenne de Saisie Conservatoire est un instrument puissant mais technique, dont le succès dépend d’une maîtrise des interactions entre le droit européen et les spécificités nationales. Pour une analyse approfondie de votre situation en France ou en Europe et un accompagnement adapté par un avocat expert en recouvrement de créances transfrontalières, contactez notre cabinet.

Sources

  • Règlement (UE) n° 655/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontière de créances en matière civile et commerciale
  • Règlement d’exécution (UE) 2016/1823 de la Commission du 10 octobre 2016
  • Code des procédures civiles d’exécution
  • Code de commerce
  • Code monétaire et financier

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