concept d'appel

Appel du jugement d’orientation – Saisie immobilière

Table des matières

L’appel du jugement d’orientation est une procédure difficile et piégeuse. Ses enjeux sont pourtant critiques et le moindre faux-pas peut avoir des conséquences irrémédiables. Nous allons analyser le déroulement de cette procédure et signaler les erreurs à éviter.

Le principe de l’indivisibilité du litige

Le principe d’indivisibilité du litige est décrit à l’article 553 du code de procédure civile :

En cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.

La notion d’indivisibilité impose de mettre en cause toutes les parties pouvant être concernées par la décision de la cour. En matière de saisie immobilière, tous les créanciers hypothécaires peuvent être affectés. En effet, la modification des droits de l’un d’entre eux modifie les sommes que les autres peuvent recevoir.

C’est pourquoi le principe d’indivisibilité du litige est toujours applicable en matière de saisie immobilière. La cour de cassation l’a, au demeurant, confirmé :

« Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu qu’en matière de procédure de saisie immobilière il existe un lien d’indivisibilité entre tous les créanciers, de sorte qu’en application de l’article 553 du code de procédure civile, l’appel de l’une des parties à l’instance devant le juge de l’exécution, fût-il limité à la contestation de la créance du créancier poursuivant, doit être formé contre toutes les parties à l’instance, à peine d’irrecevabilité de l’appel ; » (Cass. 2e civ., 21 févr. 2019, n° 17-31.350, Publié au bulletin).

Cette décision concernait des créanciers qui avaient déclaré leur créance à la procédure. Or la déclaration de créance permet au créancier déclarant d’intervenir officiellement. C’est pourquoi il restait à déterminer si le principe d’indivisibilité s’appliquait aussi aux créanciers qui n’avaient pas déclaré leur créance.

La cour de cassation a répondu par l’affirmative :

« Vu les articles 553 du code de procédure civile et R. 322-6 du code des procédures civiles d’exécution :

1. En application du premier de ces textes, en cas d’indivisibilité, l’appel de l’une des parties à l’instance devant le juge de l’exécution doit être formé contre toutes les parties à l’instance, à peine d’irrecevabilité de l’appel.

2. En application du second de ces textes, tous les créanciers inscrits devant être appelés à la procédure de saisie immobilière, le commandement valant saisie étant dénoncé à ceux-ci, cette dénonciation valant assignation à comparaître à l’audience d’orientation, la procédure de saisie immobilière est indivisible.

3. Pour déclarer l’appel de la banque recevable, après avoir constaté que celle-ci avait intimé uniquement M. et Mme [T] et la société Crédit Logement, l’arrêt retient que les autres créanciers inscrits n’ont pas déclaré leur créance et se trouvent, par conséquent, déchus de leur sûreté pour la distribution du prix de vente, de sorte que le principe d’indivisibilité ne doit pas leur être appliqué.

4. En statuant ainsi, alors que les créanciers inscrits étant admis à faire valoir leurs droits sur la répartition du prix de vente, en application de l’article L. 331-1 du code des procédures civiles d’exécution, quand bien même ils auraient perdu le bénéfice de leur sûreté pour défaut de déclaration de leur créance, la procédure demeure indivisible à leur égard peu important qu’ils aient omis de déclarer leur créance, la cour d’appel a violé les textes susvisés. » (Cass. civ., 2e, 2 déc. 2021, n° 20-15.274).

Sa décision n’est pas étonnante, car les créanciers qui n’ont pas déclaré leur créance participent à la distribution du prix. La sanction du défaut de déclaration de créance affecte la façon dont ils seront payés.

En effet, ils seront rétrogradés à rang chirographaire. Cela signifie qu’ils seront sanctionnés, mais pas évincés de la procédure. Comme celle-ci se poursuit en leur présence, ils doivent être traités comme des parties à la procédure.

Attention ! Il arrive que le créancier poursuivant intervienne également en qualité de créancier inscrit. Il devra être mise en cause en double qualité de créancier poursuivant et inscrit.

Le délai d’appel

Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement.

Les effets de l’appel

L’absence d’effet interruptif

L’article R. 121-21 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« Le délai d’appel et l’appel lui-même n’ont pas d’effet suspensif. »

Les jugements du juge de l’exécution sont toujours assortis de l’exécution provisoire.

Cela implique que le jugement qui ordonne la vente forcée doit être exécuté, même si un appel est en cours. L’appelant devra saisir le premier président d’une demande de sursis à l’exécution provisoire pour éviter que la vente n’ait lieu.

La demande de sursis à l’exécution provisoire

L’appelant peut saisir le premier président d’une demande de sursis à l’exécution provisoire. Cette procédure est encadrée par l’article R. 121-22 du code des procédures civiles d’exécution.

L’appelant doit tout d’abord prouver qu’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. Sa demande est formée par voir d’assignation en référé à comparaître devant le premier président de la cour d’appel.

L’auteur d’une demande manifestement abusive peut être condamné à une amende civile d’un montant maximum de 3 000 €.

Fait notable, la suspension de l’exécution provisoire court à compter de la signification de l’assignation.

L’effet dévolutif

L’appel est limité aux contestations soumises au juge de l’exécution.

Les demandes présentées pour la première fois en cause d’appel doivent être déclarées d’office irrecevables (Civ. 1e, 11 mars 2010, n° 09-13.312 ; Civ. 1e, 20 octobre 2011, n° 10-25.787).

Néanmoins, la cour d’appel peut être saisie d’actes postérieurs à l’audience d’orientation (Civ. 2e, 12 avril 2012, n° 11-14.817).

Une fois l’arrêt rendu, la cour doit renvoyer l’affaire au juge de l’exécution. Celui-ci est seul compétent pour poursuivre la procédure de saisie immobilière (Civ. 2e, 23 octobre 2008, n° 08-13.404, publié au Bulletin).

La procédure d’appel du jugement d’orientation

La procédure à jour fixe

Tout d’abord, l’article R. 322-19, alinéa 1, du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« L’appel contre le jugement d’orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l’appelant ait à se prévaloir dans sa requête d’un péril. »

La cour de cassation ajoute que tous les jugements rendus à l’audience d’orientation sont soumis au jour fixe (Cass. civ., 2e, 25 sept. 2014, n° 13-19.000, publié au Bulletin).

Cela concernera notamment les jugements avant dire droit (articles 482 et 483 du code de procédure civile).

L’appel du jugement d’orientation selon une procédure différente constitue une fin de non-recevoir. Cette fin de non-recevoir est sanctionnée par l’irrecevabilité d’appel que le juge doit relever d’office (Civ. 2e, 22 février 2012, n° 10-24.410 ; Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-20.143).

La requête afin d’être autorisé à assigner à jour fixe

L’appelant devra demander l’autorisation d’assigner à jour fixe. Sa demande prendra la forme d’une requête, déposée au greffe du premier président.

A peine d’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 19 mars 2015, n° 14-14.926), cette requête sera présentée :

  • Soit avant la déclaration d’appel (articles 917 et 918 du code de procédure civile).
  • Soit dans les 8 jours qui suivent la déclaration d’appel (article 919 du code de procédure civile).

La requête devra contenir les conclusions au fond. La cour de cassation vient de préciser à ce sujet que :

« constitue une sanction disproportionnée l’irrecevabilité de l’appel d’un jugement d’orientation, prononcée du seul fait que la requête adressée au premier président ne contient pas les conclusions au fond. » (Cass. 2e civ., 23 mai 2024, n° 22-12.517, Publié au bulletin)

La requête visera, par ailleurs, les pièces justificatives, et une expédition de la décision frappée d’appel y sera jointe.

Le dépôt de la requête au greffe

La requête établie sur papier est remise manuellement au greffe.

En effet, seuls les actes de procédure à destination de la cour d’appel doivent être remis par voie électronique (article 930-1 du code de procédure civile et Civ. 2e, 7 décembre 2017, n° 16-19.336).

L’assignation à jour fixe

L’appelant devra ensuite assigner la partie adverse à la date indiquée dans l’ordonnance du premier président.

Cette assignation devra comprendre en pièces jointes :

  • La copie de la requête et de l’ordonnance visée par le greffe.
  • La copie de la déclaration d’appel.

Le tout à peine d’irrecevabilité de l’appel (Civ. 2e, 27 septembre 2018, n° 17-21.833).

L’enrôlement de l’assignation

La cour sera saisie par la remise d’une copie de l’assignation au greffe.

Cette remise devra avoir lieu avant la date fixée pour l’audience. A défaut, la caducité de la déclaration d’appels sera constatée d’office (article 922 du code de procédure civile).

Le délai de traitement de l’appel par la cour

La cour devra statuer au moins un moins avant l’éventuelle adjudication.

En pratique, l’affaire est souvent traitée dans un délai plus long. En effet, le non respect par la cour de ce délai n’est pas sanctionné. Le créancier pourra, dans cette hypothèse, demander le report de l’adjudication. Cette demande sera nécessaire si l’appelant n’a pas demandé l’arrêt de l’exécution provisoire.

En pratique, l’affaire peut être renvoyée à une audience postérieure à la date d’adjudication. Dans cette hypothèse, le texte prévoit que le créancier poursuivant peut demander au juge de l’exécution de reporter la date de l’audience d’adjudication. Cette demande est présentée par voie de conclusions.

Le rôle de l’avocat

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