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Comprendre l’assurance maritime : son domaine et ses risques spécifiques

Table des matières

Le transport maritime est une artère vitale de l’économie mondiale, assurant l’acheminement de l’immense majorité des marchandises échangées sur la planète. Mais la mer, source de prospérité, est aussi un environnement par nature imprévisible et potentiellement dangereux. Pour sécuriser ces activités essentielles, un mécanisme de protection s’est développé au fil des siècles : l’assurance maritime. Bien plus qu’une simple branche de l’assurance générale, elle constitue un univers juridique et économique à part entière, avec ses propres règles, ses acteurs et ses défis.

Naviguer dans les méandres de l’assurance maritime peut sembler intimidant pour le non-initié. Ses contrats, souvent complexes, et son vocabulaire technique peuvent dérouter. Pourtant, que vous soyez chargeur, transporteur, propriétaire de navire ou acteur de la logistique, en comprendre les fondamentaux est indispensable pour protéger vos intérêts. Cet article se propose de vous éclairer sur ce qui fait la singularité de l’assurance maritime et ses grandes garanties, les activités qu’elle couvre réellement, et la nature particulière des risques qu’elle a vocation à garantir.

Qu’est-ce qui rend l’assurance maritime unique ?

Plusieurs éléments distinguent fondamentalement l’assurance maritime des autres formes d’assurance, comme l’assurance automobile ou habitation que le grand public connaît mieux.

D’abord, son caractère international est inscrit dans son ADN. Le commerce maritime ignore par essence les frontières. Les navires sillonnent les océans du globe, reliant des ports situés dans des pays aux systèmes juridiques variés. Historiquement, ce sont les grandes nations commerçantes, des cités italiennes médiévales à l’Empire britannique, qui ont façonné les principes de cette assurance. Aujourd’hui encore, des places fortes comme Londres, avec l’institution emblématique et séculaire des Lloyd’s, jouent un rôle prépondérant. Cette dimension internationale implique une nécessaire harmonisation des pratiques, souvent portée par des conventions internationales, mais aussi une concurrence vive entre les différents marchés de l’assurance, à l’instar de ce que l’on observe dans l’assurance aérienne.

Ensuite, l’assurance maritime est un monde de professionnels. Contrairement à l’assurance de masse, elle met principalement en relation des acteurs économiques avertis : armateurs, affréteurs, sociétés de transport, chargeurs importants, et bien sûr, les assureurs eux-mêmes. Ces derniers, qu’il s’agisse de grandes compagnies, de mutuelles ou d’entités plus spécifiques, disposent d’une expertise pointue. Autour d’eux gravitent d’autres professionnels indispensables au bon fonctionnement du système : les courtiers maritimes, intermédiaires essentiels dans la négociation des polices, et les commissaires d’avaries, experts techniques chargés d’évaluer les dommages en cas de sinistre. Mentionnons aussi les « P&I Clubs » (Protection and Indemnity Clubs), des mutuelles d’armateurs d’origine anglo-saxonne qui couvrent certains risques de responsabilité non pris en charge par les assureurs classiques. Bien qu’ils ne relèvent pas strictement du droit des assurances maritimes tel que régi par le Code des assurances français, leur poids économique est considérable. La gestion des sinistres maritimes constitue un aspect crucial de cette industrie, nécessitant une collaboration étroite entre tous les acteurs impliqués. De la déclaration initiale du sinistre à l’indemnisation finale, chaque étape doit être traitée avec diligence et expertise. Cette dynamique assure non seulement la protection des intérêts des assureurs, mais également la continuité des opérations pour les armateurs et les autres professionnels du secteur.

Enfin, l’assurance maritime repose sur un cadre juridique complexe et en constante évolution. En France, si elle est reconnue comme un acte de commerce par le Code de commerce (article L. 110-2, justifiant la compétence des tribunaux de commerce), ses règles spécifiques sont principalement définies dans le Titre VII du Livre Ier du Code des assurances. Ce titre a été profondément remanié pour tenir compte des évolutions du transport, notamment multimodal. Mais le droit français cohabite avec le droit maritime international (conventions des Nations unies, règles d’York et d’Anvers pour les avaries communes…), le droit européen (liberté d’établissement et de prestation de services), et bien sûr, les dispositions du Code des transports concernant les navires, les équipages et les responsabilités. À cela s’ajoutent les usages professionnels, qui jouent un rôle non négligeable. Cette multiplicité des sources rend la matière particulièrement technique.

Quelles activités sont réellement concernées par l’assurance maritime ?

Le champ d’application de l’assurance maritime, tel que défini notamment par l’article L. 171-1 du Code des assurances, est à la fois large et précisément délimité. L’assurance maritime couvre une variété de risques liés aux activités maritimes, englobant à la fois la perte ou la détérioration de la cargaison et la responsabilité des armateurs. Parmi les éléments clés du contrat maritime figurent les garanties spécifiques, les exclusions de couverture et les conditions d’indemnisation. Cette précision dans les termes permet aux parties d’avoir une meilleure compréhension de leurs droits et obligations, assurant ainsi une gestion efficace des sinistres.

Le cœur de métier reste évidemment lié à la navigation elle-même. Est concerné tout engin flottant capable de se déplacer de manière autonome sur la mer, quelle que soit sa taille ou sa fonction : du supertanker au petit caboteur, du porte-conteneurs au navire de pêche, en passant par les remorqueurs ou les navires de services. La notion clé est celle de « navigabilité ». Peu importe que le but du voyage soit le transport de passagers, de marchandises, la pêche, l’exploration scientifique ou d’autres activités commerciales.

La pratique et la loi ont cependant étendu le domaine au-delà de la simple navigation. Sont ainsi assimilées à des opérations maritimes, et donc susceptibles d’être couvertes par une assurance maritime, des activités connexes indispensables :

  • La construction navale, même lorsqu’elle se déroule en cale sèche.
  • Les réparations effectuées sur un navire à quai.
  • L’installation et l’exploitation de plateformes pétrolières ou gazières en mer (installations off-shore), ainsi que leurs équipements flottants associés (docks, grues, pontons).

Il est important de comprendre les limites de ce domaine. Certaines activités liées à l’eau sont explicitement exclues ou régies différemment :

  • La navigation de plaisance : L’assurance d’un voilier ou d’un yacht utilisé à des fins non commerciales n’est pas soumise aux règles spécifiques de l’assurance maritime mais relève en principe des règles de l’assurance terrestre (article L. 171-5 du Code des assurances). L’idée sous-jacente est que le plaisancier est davantage considéré comme un consommateur nécessitant une protection différente de celle des professionnels de la mer.
  • La navigation fluviale et lacustre : Bien que certaines règles de l’assurance maritime puissent s’appliquer, ce type de navigation a ses propres spécificités et un régime partiellement distinct. Certaines dispositions maritimes (comme le délaissement pour défaut de nouvelles du navire) n’auraient aucun sens sur un fleuve ou un lac.

Un point mérite attention : le transport multimodal. Avec le développement des chaînes logistiques complexes combinant mer, terre et air, la loi a évolué. Aujourd’hui, les règles de l’assurance maritime s’appliquent à l’ensemble d’un transport de marchandises dès lors qu’une partie du trajet s’effectue par voie maritime, simplifiant ainsi la couverture pour les chargeurs (article L. 171-1 modifié). Un camion transportant des conteneurs vers un port pour embarquement peut donc voir ses marchandises couvertes par une police d’assurance maritime, même si l’accident survient sur la route.

Quels sont les risques couverts par l’assurance maritime ?

L’assurance maritime a pour objet de garantir les conséquences financières des « risques » liés aux opérations maritimes. Mais que recouvre exactement cette notion ? La Cour de cassation a récemment rappelé qu’un risque maritime est tout risque qui peut se produire au cours de la navigation maritime, quelle qu’en soit la cause (Com. 22 nov. 2023, n° 22-14.253). Cette définition large englobe une grande variété de dangers. L’assurance maritime et ses garanties permettent ainsi de couvrir non seulement les dommages matériels subis par le navire lui-même, mais aussi les pertes économiques engendrées par des événements imprévus. Par conséquent, il est essentiel pour les armateurs et les opérateurs maritimes de bien comprendre l’étendue de ces garanties afin de s’assurer une protection optimale. De plus, cette couverture peut également inclure des risques liés aux marchandises transportées, ce qui renforce la sécurité des transactions commerciales maritimes.

Il y a d’abord des risques que l’on pourrait qualifier de « classiques », non spécifiques à la mer, mais qui peuvent survenir lors d’une opération maritime :

  • L’incendie ou l’explosion à bord d’un navire ou dans des installations portuaires.
  • Le vol de marchandises, que ce soit à quai ou pendant le transport.
  • Les dégâts des eaux non liés à la mer (fuite dans un entrepôt, par exemple).
  • Les accidents lors des transports terrestres ou aériens faisant partie d’une chaîne logistique maritime couverte.

Mais l’assurance maritime est surtout connue pour couvrir les périls spécifiques liés à l’environnement marin, souvent regroupés sous l’expression consacrée de « fortunes de mer ». L’article L. 172-11 du Code des assurances indique que l’assureur répond des dommages causés par toute fortune de mer ou par un événement de force majeure. Cela inclut notamment :

  • Le naufrage (perte totale du navire).
  • L’échouement (le navire s’immobilise sur des fonds ou la côte).
  • L’abordage (collision entre navires ou avec un objet fixe ou flottant).
  • Les conséquences d’événements naturels violents (tempête, ouragan, tsunami).

D’autres événements, liés à des circonstances extérieures, peuvent également constituer des risques maritimes couverts :

  • Les actes de guerre, de guerre civile, les mines et autres engins de guerre.
  • La piraterie, qui malheureusement n’est plus un phénomène historique mais une menace réelle dans certaines zones maritimes.
  • La capture, la prise ou la détention par des autorités gouvernementales.
  • Les émeutes, mouvements populaires, actes de sabotage ou de terrorisme.

Enfin, il faut considérer les risques spécifiques aux marchandises transportées :

  • Les dommages matériels (bris, mouille, souillure, contamination).
  • La perte totale ou partielle.
  • L’altération des qualités de la marchandise due aux conditions de transport.

Peut-on assurer tous les risques liés à la mer ?

Si la liste des périls potentiels est longue, tous ne sont pas automatiquement assurables ou couverts par une police standard. L’assurabilité d’un risque dépend de plusieurs facteurs, notamment légaux et contractuels.

Un principe fondamental régit toute assurance : l’aléa. Pour qu’un risque soit assurable, il doit être incertain. On ne peut pas s’assurer contre un événement dont on sait déjà qu’il va se produire ou qui s’est déjà produit.

La loi française pose ensuite des exclusions impératives, c’est-à-dire des risques que l’assureur ne peut jamais couvrir, même s’il le voulait :

  • La faute intentionnelle ou inexcusable de l’assuré lui-même (article L. 172-13 du Code des assurances). On ne peut tirer profit de sa propre malhonnêteté ou de sa négligence grave.
  • Le vice propre connu du navire ou de la marchandise (article L. 173-4 pour le navire). Si l’assuré savait que le bien avait un défaut intrinsèque susceptible de causer le dommage, il ne peut être indemnisé pour ce motif. L’assurance ne couvre en principe que les vices cachés.
  • Les dommages résultant d’amendes, confiscations, contrebande ou commerce prohibé (article L. 172-18). Par exemple, la saisie d’un navire pour pêche illégale n’est pas un risque assurable (jurisprudence constante, voir Com. 30 mars 2005, n° 03-17.046).

Au-delà de ces exclusions légales strictes, il existe une catégorie de risques souvent exclus des polices de base, mais qu’il est généralement possible de couvrir moyennant une surprime et une clause expresse dans le contrat. C’est le cas notamment des risques dits « de guerre et assimilés » : guerre civile ou étrangère, mines, piraterie, capture, terrorisme, sabotage, émeutes, grèves (article L. 172-16). De même, les dommages d’origine nucléaire sont habituellement exclus mais peuvent faire l’objet de garanties spécifiques.

En définitive, l’étendue exacte de la couverture dépendra toujours des termes précis du contrat d’assurance. Les assureurs proposent différentes formules, allant de la couverture « tous risques » (qui couvre tout sauf ce qui est expressément exclu) à des garanties plus limitées (« Franc d’Avaries Particulières sauf… »). La lecture attentive et la compréhension des clauses de la police, souvent une police type élaborée par les professionnels du marché, sont donc fondamentales. La négociation de clauses spécifiques peut aussi être envisagée, surtout pour les acteurs économiques importants.

La complexité du domaine maritime et des risques associés rend souvent pertinent le recours à des conseils avisés pour s’assurer que la couverture souscrite correspond bien aux besoins et aux activités exercées.

Si vous vous interrogez sur la couverture de vos activités maritimes ou si vous anticipez des opérations de transport international, notre cabinet peut vous aider à analyser vos besoins et à comprendre les enjeux de l’assurance maritime. Pour une analyse personnalisée de votre situation et pour tout besoin de conseils en droit commercial, notre équipe se tient à votre disposition.

Sources

  • Code des assurances, notamment le Titre VII du Livre Ier (Articles L.171-1 et suivants)
  • Code de commerce (Article L.110-2)
  • Code des transports
  • Conventions internationales pertinentes (ex : Règles d’York et d’Anvers)
  • Jurisprudence de la Cour de cassation (Chambre commerciale)

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