Comprendre la période suspecte et ses conséquences pour votre entreprise

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Lorsqu’une entreprise traverse des difficultés financières importantes, la perspective d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut devenir une réalité. Avant même l’ouverture officielle d’une telle procédure par le tribunal, une phase critique et souvent méconnue s’installe : la période suspecte. Cette période n’est pas anodine. Les décisions prises, les contrats signés, les paiements effectués pendant ce laps de temps peuvent être remis en cause ultérieurement, avec des conséquences parfois lourdes pour l’entreprise et ses partenaires. Il est donc primordial pour tout dirigeant, mais aussi pour les créanciers et les cocontractants, de comprendre ce qu’est la période suspecte, comment elle est déterminée, quels actes sont particulièrement visés et pourquoi leur éventuelle annulation est un enjeu majeur. Cet article vous offre une vue d’ensemble de cette notion clé.

Qu’est-ce que la période suspecte ?

Imaginez une zone temporelle délicate, juste avant l’intervention formelle de la justice dans les affaires d’une entreprise en difficulté. C’est essentiellement cela, la période suspecte. Plus précisément, elle correspond à l’intervalle de temps qui sépare la date de cessation des paiements de l’entreprise et la date du jugement qui ouvre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.  

La « cessation des paiements » est le moment où l’entreprise se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible (ses dettes arrivées à échéance) avec son actif disponible (sa trésorerie et ce qui peut être rapidement transformé en argent), comme le définit l’article L. 631-1 du Code de commerce. Ce n’est pas une simple difficulté passagère, mais un blocage financier structurel.  

Pourquoi cette période est-elle qualifiée de « suspecte » ? Parce que, durant cette phase où le dirigeant sait (ou devrait savoir) que l’entreprise est en grande difficulté, il pourrait être tenté de prendre des décisions préjudiciables pour l’ensemble des créanciers. Par exemple : favoriser un créancier ami en le payant avant les autres, brader des actifs, consentir des garanties de dernière minute sur les biens de l’entreprise, ou encore effectuer des donations. Le droit considère ces actes avec suspicion car ils peuvent vider l’entreprise de sa substance au détriment de la collectivité des créanciers.  

Il faut savoir que la période suspecte ne concerne que les procédures de redressement et de liquidation judiciaires. La procédure de sauvegarde, destinée à intervenir avant la cessation des paiements, n’en comporte pas, sauf cas particulier de conversion ultérieure.  

Comment la date de cessation des paiements est-elle fixée ?

La date de cessation des paiements est le point de départ de la période suspecte. Sa fixation est donc une étape capitale. C’est le tribunal, au moment où il ouvre la procédure de redressement ou de liquidation, qui détermine cette date.  

Souvent, le tribunal manque d’éléments précis au tout début et fixe provisoirement la date au jour même de son jugement. Mais cette date peut être révisée par la suite. Les mandataires de justice (administrateur, mandataire judiciaire) ou le ministère public peuvent demander au tribunal de reporter la date de cessation des paiements à une date antérieure, s’ils découvrent des preuves que les difficultés structurelles étaient apparues plus tôt.  

Ce report en arrière est cependant limité dans le temps. Sauf cas de fraude, le tribunal ne peut pas fixer la date de cessation des paiements plus de 18 mois avant la date du jugement d’ouverture. Cette limite vise à protéger les transactions les plus anciennes et à assurer une certaine sécurité juridique.  

Quels actes sont menacés d’annulation ? Une vue d’ensemble

Tous les actes passés pendant la période suspecte ne sont pas automatiquement remis en cause. La loi distingue deux grandes catégories d’actes susceptibles d’être annulés:  

  • Les nullités de droit : Il s’agit d’actes que la loi considère comme intrinsèquement anormaux ou préjudiciables lorsqu’ils sont réalisés par une entreprise déjà en cessation de paiements. Leur annulation est quasi automatique si les conditions sont réunies. On y trouve notamment : les donations ou actes gratuits, les contrats très déséquilibrés au détriment de l’entreprise, certains paiements (ceux effectués avant l’échéance de la dette ou par des moyens inhabituels), et la constitution de garanties (comme une hypothèque) pour des dettes qui existaient déjà avant la garantie. Pour une analyse détaillée de ces actes spécifiques, vous pouvez consulter notre article sur les actes automatiquement annulés.  
  • Les nullités facultatives : Ces actes sont, en eux-mêmes, parfaitement normaux (une vente au juste prix, un paiement à l’échéance par virement…). Cependant, ils peuvent être annulés par le tribunal s’il est prouvé que le cocontractant (celui qui a traité avec l’entreprise en difficulté) avait connaissance de l’état de cessation des paiements au moment de l’acte. C’est cette connaissance qui rend l’acte potentiellement annulable, car on soupçonne le partenaire d’avoir profité de la situation. Cela concerne les paiements normaux, les actes à titre onéreux courants, et même certaines mesures d’exécution forcée comme les saisies sur compte bancaire. Pour comprendre les conditions précises de ces annulations, référez-vous à notre explication des nullités facultatives.  

Pourquoi l’annulation de ces actes est-elle importante ?

L’annulation des actes de la période suspecte poursuit deux objectifs principaux :

  1. Reconstituer l’actif de l’entreprise : En annulant une vente à perte, une donation ou un paiement préférentiel, on fait revenir les biens ou les sommes d’argent dans le patrimoine de l’entreprise. Cet actif reconstitué pourra alors servir soit à financer un plan de redressement, soit à payer plus équitablement les créanciers en cas de liquidation.  
  2. Protéger l’égalité entre les créanciers : La période suspecte vise à éviter qu’un créancier, mieux informé ou plus rapide, ne soit payé ou garanti au détriment des autres. L’annulation rétablit une forme d’égalité face aux difficultés de l’entreprise.  

Pour le cocontractant dont l’acte est annulé, la conséquence directe est souvent l’obligation de restituer ce qu’il a reçu (le bien acheté, la somme d’argent perçue…). Sa propre créance peut renaître, mais il devra la déclarer à la procédure, avec le risque d’être payé très partiellement, voire pas du tout, surtout s’il était un simple créancier chirographaire. Les détails de la procédure d’annulation et de ses effets concrets sont abordés dans notre article sur la définition, la fixation et les actions en justice liées à la période suspecte.  

La période suspecte est donc un mécanisme complexe mais essentiel. La simple connaissance de son existence et de ses potentiels effets devrait inciter à la prudence lorsqu’on traite avec une entreprise dont on soupçonne les difficultés.

Si vous vous reconnaissez dans cette situation, que ce soit en tant que dirigeant ou partenaire d’une entreprise en difficulté, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour discuter de vos options et sécuriser vos intérêts.

Foire aux questions

Qu’est-ce que la « période suspecte » en droit des entreprises ?

C’est la période qui s’écoule entre la date où une entreprise est reconnue en cessation des paiements et la date du jugement qui ouvre son redressement ou sa liquidation judiciaire.

Pourquoi certains actes sont-ils considérés comme « suspects » avant un redressement judiciaire ?

Parce qu’on craint que le dirigeant, sachant l’entreprise en grande difficulté, ne réalise des opérations pour vider l’actif ou favoriser certains créanciers au détriment des autres.

Quand commence exactement la période suspecte ?

Elle commence à la date de cessation des paiements fixée par le tribunal (dès la première heure de ce jour).

Combien de temps avant le jugement la période suspecte peut-elle remonter ?

En général, le tribunal ne peut pas fixer la date de cessation des paiements plus de 18 mois avant le jugement d’ouverture, sauf cas de fraude.

Tous les actes passés pendant la période suspecte sont-ils annulés ?

Non, pas tous. Certains le sont quasi automatiquement (nullités de droit), d’autres peuvent l’être si le cocontractant connaissait la cessation des paiements (nullités facultatives).

Quels types d’actes sont les plus souvent annulés pendant cette période ?

Les donations, les contrats très déséquilibrés, les paiements de dettes non encore dues, les paiements par des moyens anormaux, et les garanties données pour des dettes anciennes sont souvent annulés d’office. Les paiements normaux ou les ventes peuvent l’être si le partenaire était au courant des difficultés.

Que se passe-t-il concrètement si un acte est annulé pour cause de période suspecte ?

L’acte est effacé comme s’il n’avait jamais existé. Celui qui a reçu un bien ou de l’argent doit généralement le restituer à la procédure collective.

Si j’ai reçu un paiement pendant la période suspecte, dois-je le rembourser ?

C’est possible. Si le paiement est jugé anormal ou si vous saviez que l’entreprise était en cessation des paiements, le tribunal peut ordonner la restitution des sommes.

La période suspecte existe-t-elle dans une procédure de sauvegarde ?

Non, en principe. La sauvegarde est ouverte avant la cessation des paiements. Une période suspecte peut apparaître uniquement si la sauvegarde est convertie plus tard en redressement ou liquidation.

Comment savoir si mon entreprise est en cessation des paiements ?

C’est l’impossibilité durable de payer ses dettes exigibles avec ses actifs disponibles. Si vous avez des doutes, une analyse financière et juridique est nécessaire.

Qui décide de la date de début de la période suspecte ?

C’est le tribunal qui ouvre la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire qui fixe la date de cessation des paiements, point de départ de la période suspecte.

Faut-il obligatoirement un avocat pour gérer les questions liées à la période suspecte ?

Il est fortement recommandé. Les règles sont complexes et les enjeux importants, que vous soyez dirigeant, créancier ou cocontractant. Un avocat compétent en droit des entreprises en difficulté peut vous conseiller et défendre vos intérêts.

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