Convention d’Ottawa 1988 sur l’affacturage international : analyse approfondie

Table des matières

L’affacturage, ou factoring, est un outil de gestion financière précieux pour les entreprises qui souhaitent optimiser leur trésorerie en cédant leurs créances commerciales à un établissement spécialisé, le factor. Lorsque les clients de l’entreprise sont situés à l’étranger, l’opération se complexifie et prend une dimension internationale. L’affacturage international et son cadre légal général sont alors confrontés à une mosaïque de législations nationales, source d’insécurité juridique. Pour harmoniser les pratiques et faciliter ces échanges, la convention d’Ottawa sur l’affacturage international a été signée le 28 mai 1988. Cet accord international propose un ensemble de règles uniformes destinées à lever les obstacles juridiques propres à ces opérations. Comprendre son champ d’application et ses mécanismes est essentiel pour tout acteur économique opérant à l’international. Notre cabinet, fort de son expertise en droit bancaire et financier, décrypte pour vous ce texte fondamental.

Contexte et portée de la convention d’Ottawa de 1988

La convention d’Ottawa est le fruit d’une prise de conscience de la communauté internationale. Face à la diversité des droits nationaux et à la complexité des règles de conflit de lois, le développement de l’affacturage international était freiné. Pour y remédier, des travaux ont été menés sous l’égide d’Unidroit, l’Institut international pour l’unification du droit privé, afin de créer un cadre juridique commun.

Genèse et entrée en vigueur de la convention

Après plusieurs années de travaux préparatoires menés par des comités d’experts, un projet de convention a été soumis à une conférence diplomatique à Ottawa. Le texte final, adopté le 28 mai 1988, visait à établir des règles matérielles uniformes pour régir spécifiquement les contrats d’affacturage internationaux. La France a joué un rôle moteur dans ce processus, étant l’un des premiers pays à ratifier le texte. La convention est officiellement entrée en vigueur sur le plan international le 1er mai 1995, après avoir recueilli le nombre de ratifications nécessaires. Outre la France, des pays comme l’Italie, l’Allemagne, la Belgique ou encore la Russie l’ont adoptée, lui conférant une portée significative dans les échanges commerciaux européens et mondiaux.

Applicabilité matérielle : définition de l’affacturage et des créances

La convention d’Ottawa établit ses propres critères pour définir les opérations qu’elle régit, indépendamment des qualifications juridiques des droits nationaux. Pour qu’un contrat relève de son champ d’application, il doit prévoir qu’un fournisseur transfère ses créances à un factor, lequel s’engage à fournir au moins deux des quatre services suivants :

  • le financement du fournisseur, notamment par paiement anticipé ;
  • la tenue des comptes relatifs aux créances (comptabilité clients) ;
  • l’encaissement et le recouvrement des créances ;
  • la protection contre le risque d’impayé des débiteurs.

Cette définition est large et peut inclure des montages qui ne seraient pas qualifiés d’affacturage dans certains droits internes. La convention précise également que les créances concernées doivent naître de contrats de vente de marchandises ou de prestations de services. Une condition importante est que ces contrats doivent être conclus à titre professionnel. Sont ainsi exclues les créances nées d’opérations où les biens ou services sont acquis pour un usage personnel, familial ou domestique.

Applicabilité géographique et caractère international

Pour que la convention s’applique, l’opération doit présenter un caractère international avéré, répondant à des conditions cumulatives. D’une part, le contrat de vente ou de prestation de services à l’origine de la créance doit avoir été conclu entre un fournisseur et un débiteur dont les établissements sont situés dans des États différents. D’autre part, une condition de rattachement à des États contractants doit être remplie. La convention s’applique si :

  • le fournisseur, le débiteur et le factor ont leurs établissements dans des États ayant ratifié la convention ;
  • ou si le contrat de vente et le contrat d’affacturage sont tous deux régis par la loi d’un État contractant.

Cette seconde hypothèse rend la convention fréquemment applicable dans les opérations d’exportation françaises, où les contrats sont souvent soumis au droit français. La notion d’établissement est précisée : en cas d’établissements multiples, c’est celui qui a le lien le plus étroit avec le contrat qui est retenu.

Caractère facultatif : les clauses d’exclusion et leurs limites

L’application de la convention d’Ottawa n’est pas impérative. Les parties impliquées dans l’opération peuvent décider de l’écarter. Cette exclusion peut être stipulée soit dans le contrat d’affacturage, par accord entre le fournisseur et le factor, soit dans le contrat commercial, par accord entre le fournisseur et le débiteur. Cependant, pour protéger le factor qui compte légitimement sur l’application du texte, si l’exclusion émane du contrat commercial, elle doit lui être notifiée par écrit pour lui être opposable. Sans cette notification, la convention continue de s’appliquer dans les rapports entre le fournisseur et le factor. Par ailleurs, la convention interdit le « dépeçage » de ses dispositions : les parties ne peuvent pas choisir d’appliquer seulement certains articles et d’en écarter d’autres. L’exclusion doit être totale, ou la convention s’applique dans son intégralité.

Règles matérielles essentielles de la convention d’Ottawa

Au-delà de son champ d’application, l’intérêt majeur de la convention réside dans les règles de fond qu’elle édicte. Celles-ci visent à sécuriser et fluidifier les opérations d’affacturage international en apportant des solutions uniformes à des questions juridiques souvent traitées différemment d’un pays à l’autre.

La cessibilité des créances futures et les cessions globales

La convention d’Ottawa valide expressément la cession de créances futures, c’est-à-dire de créances qui ne sont pas encore nées au moment de la conclusion du contrat d’affacturage. Elle autorise également les cessions globales, où un ensemble de créances, présentes et futures, est transféré en bloc. La seule condition posée est que ces créances, même si elles ne sont pas désignées individuellement, soient « déterminables » au moment de leur naissance. Cette approche est nettement plus souple que celle de certains droits nationaux, comme le droit français qui, traditionnellement, via la subrogation conventionnelle, exigeait que la créance soit déjà née pour être transférée. Cette flexibilité est un atout considérable pour les entreprises, qui peuvent ainsi obtenir un financement sur la base de leur flux d’affaires futur. Elle se rapproche de l’esprit de certains mécanismes juridiques de l’affacturage en droit français comme la cession Dailly, tout en offrant une portée internationale.

L’inopposabilité des clauses d’incessibilité conventionnelle

Il est fréquent que des contrats commerciaux, notamment ceux conclus avec de grands groupes, contiennent une clause interdisant au fournisseur de céder les créances qu’il détient sur son client. De telles clauses, dites d’incessibilité, représentent un obstacle majeur à l’affacturage. La convention d’Ottawa tranche cette difficulté en faveur du financement : son article 6 dispose que la cession de la créance au factor est valable « nonobstant toute convention entre le fournisseur et le débiteur prohibant une telle cession ». La clause est donc inopposable au factor, qui peut acquérir valablement la créance. Il est important de noter que la clause n’est pas nulle pour autant. Elle conserve ses effets entre le fournisseur et le débiteur : en cédant sa créance malgré l’interdiction, le fournisseur commet une faute contractuelle qui pourrait engager sa responsabilité vis-à-vis de son client, si ce dernier prouve un préjudice. Les États contractants ont toutefois la possibilité d’émettre une réserve sur ce point. La France a utilisé cette faculté, ce qui signifie que pour les débiteurs établis en France, une clause d’incessibilité peut, dans certains cas, conserver son effet.

Les modalités de transfert des créances et la notification au débiteur

Selon la convention, le transfert des créances du fournisseur au factor s’opère dès leur naissance, sans qu’un nouvel acte de transfert soit nécessaire pour chaque créance. Cependant, pour que ce transfert produise tous ses effets à l’égard du débiteur, une étape est indispensable : la notification. L’article 8 de la convention impose qu’une notification écrite de la cession soit adressée au débiteur. Tant que cette notification n’a pas eu lieu, le débiteur qui paie sa dette entre les mains de son fournisseur initial est valablement libéré. Après notification, il ne peut plus se libérer qu’en payant le factor. La convention précise le contenu de cette notification : elle doit identifier de façon suffisante les créances cédées et désigner clairement le factor comme nouveau créancier. L’écrit n’est pas soumis à un formalisme lourd ; tout moyen de communication laissant une trace matérielle, comme un télex ou un courriel, est admis.

Les effets du transfert : opposabilité des exceptions et accessoires de la créance

Le transfert de la créance ne purge pas celle-ci de ses vices éventuels. Le factor ne peut avoir plus de droits que le fournisseur initial. C’est le principe de l’opposabilité des exceptions, consacré par l’article 9. Le débiteur peut donc opposer au factor tous les moyens de défense qu’il aurait pu faire valoir contre son fournisseur, tirés du contrat commercial initial (marchandise non livrée, défectueuse, etc.). Cette règle protège le débiteur et constitue une application du principe plus général de l’opposabilité des exceptions en affacturage. La convention règle aussi le sort de la compensation : le débiteur peut compenser sa dette avec une créance qu’il détient sur le fournisseur, à condition que son droit à compensation soit né avant qu’il ait reçu la notification de la cession. Concernant les accessoires de la créance (garanties, sûretés, clause de réserve de propriété), la convention adopte une solution prudente. Contrairement au droit français où la subrogation entraîne un transfert automatique, le texte prévoit que ces droits ne sont transférés au factor que si le contrat d’affacturage le stipule expressément.

Les recours en répétition du débiteur et leurs limites

Que se passe-t-il si le débiteur paie le factor, mais découvre ensuite que la prestation ou la marchandise de son fournisseur est défectueuse ? L’article 10 de la convention organise son recours. Le principe est que le débiteur doit agir en restitution (répétition de l’indu) contre le fournisseur, et non contre le factor. Ce dernier est en principe à l’abri. Cependant, ce principe connaît deux exceptions importantes : le débiteur peut agir contre le factor si ce dernier n’a pas encore payé le fournisseur au moment de l’action, ou si le factor a payé le fournisseur tout en ayant connaissance de l’inexécution ou de l’exécution défectueuse du contrat commercial. Dans ce dernier cas, la mauvaise foi du factor est sanctionnée, et il devra rembourser le débiteur.

Bilan et limites de la convention d’Ottawa

Plus de trente ans après sa signature, la convention d’Ottawa constitue une avancée notable mais n’a pas résolu toutes les difficultés de l’affacturage international. Son bilan est contrasté, marqué par des progrès réels et des lacunes persistantes.

Avancées pour le développement de l’affacturage international

L’apport principal de la convention est sans conteste la sécurité et la prévisibilité juridiques qu’elle offre. En validant les cessions de créances futures et globales et en neutralisant les clauses d’incessibilité, elle a levé des obstacles qui rendaient l’affacturage international complexe et risqué. Elle a permis aux entreprises d’accéder plus facilement à des financements adossés à leurs flux commerciaux internationaux. En fixant un cadre clair pour la notification au débiteur et l’opposabilité des exceptions, elle a créé un socle de règles communes qui simplifie la rédaction des contrats et la gestion des litiges. Pour les factors, elle représente un instrument de sécurisation de leurs opérations, leur permettant d’évaluer plus sereinement les risques liés à des créances sur des débiteurs étrangers.

Lacunes et questions non traitées (opposabilité aux tiers, procédure collective)

Malgré ses apports, la convention d’Ottawa reste silencieuse sur plusieurs points cruciaux. Sa principale lacune concerne l’opposabilité de la cession de créances aux tiers. Le texte ne règle pas les conflits qui peuvent survenir entre le factor et d’autres créanciers du fournisseur, comme un autre établissement financier auquel la même créance aurait été cédée, ou les créanciers saisissants. De même, la convention n’aborde pas les conséquences de l’ouverture d’une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) à l’encontre du fournisseur ou du débiteur. Dans ces situations, il faut se tourner vers les règles de droit international privé de chaque État pour déterminer la loi applicable, ce qui réintroduit la complexité que la convention visait à écarter. C’est dans ce contexte que l’analyse générale des règles de loi applicable en matière de mobilisation de créances internationales conserve toute sa pertinence.

Pourquoi solent avocats vous accompagne sur la convention d’Ottawa et l’affacturage international

La convention d’Ottawa sur l’affacturage international est un instrument juridique puissant mais dont la mise en œuvre soulève des questions techniques. Son articulation avec le droit national, les autres conventions internationales et le droit européen exige une analyse rigoureuse et une expertise pointue. Les enjeux pour votre entreprise sont importants : sécuriser vos financements, maîtriser vos risques et optimiser vos relations commerciales à l’export.

Notre cabinet d’avocats met à votre service sa compétence en droit bancaire et financier pour vous guider à chaque étape de vos opérations d’affacturage international. Que ce soit pour la négociation et la rédaction de vos contrats d’affacturage, pour l’analyse des risques liés à une opération spécifique ou pour la gestion d’un litige avec un factor ou un débiteur étranger, nous vous apportons un conseil stratégique et pragmatique. Notre objectif est de transformer la complexité juridique en une opportunité pour votre développement. Pour une analyse approfondie de votre situation et un conseil adapté, prenez contact avec notre équipe d’avocats.

Sources

  • Convention d’Ottawa du 28 mai 1988 sur l’affacturage international
  • Code civil
  • Code de commerce
  • Code monétaire et financier

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