La concurrence est souvent décrite comme le moteur de l’économie. Elle pousse les entreprises à innover, à améliorer leurs offres et à proposer des prix attractifs. Pourtant, certaines entreprises peuvent être tentées de contourner cette compétition en concluant des accords secrets avec leurs concurrents : ce sont les ententes anticoncurrentielles. Ces pratiques, lourdement sanctionnées par le droit français et européen, représentent un risque majeur pour les entreprises qui s’y livrent, parfois même sans en avoir pleinement conscience.
Naviguer dans les méandres du droit de la concurrence peut sembler complexe. Cet article a pour objectif de vous fournir une vue d’ensemble claire des règles encadrant les ententes : qu’est-ce qu’une entente interdite ? Quelles formes peut-elle prendre ? Comment est-elle prouvée ? Peut-elle parfois être justifiée ? Nous survolerons ici les points essentiels, que vous pourrez approfondir grâce à nos articles dédiés.
Qu’est-ce qu’une entente interdite ?
Au cœur de la notion d’entente se trouve l’idée d’un accord de volontés entre au moins deux entités considérées comme des « entreprises » au sens du droit de la concurrence. Cela inclut non seulement les sociétés commerciales, mais aussi les artisans, les professions libérales, les associations ou même les organismes publics lorsqu’ils exercent une activité économique. Ces entreprises doivent être indépendantes : en principe, les accords au sein d’un même groupe ne sont pas visés, sauf si les filiales disposent d’une réelle autonomie stratégique. Cet accord peut prendre de multiples formes : contrat écrit, accord verbal, gentlemen’s agreement, ou même une simple pratique concertée où les entreprises substituent consciemment une coopération pratique aux risques de la concurrence. Pour une analyse détaillée de ce qui constitue une entente, consultez notre article sur la définition d’une entente anticoncurrentielle en droit français.
Les principales formes d’ententes à connaître
Les ententes peuvent recouvrir des réalités très diverses. L’article L. 420-1 du code de commerce donne une liste non exhaustive des pratiques prohibées. Parmi les plus courantes et les plus gravement sanctionnées, on trouve :
- Les accords sur les prix : fixation de tarifs communs, de marges, de rabais, ou échange d’informations sur les prix futurs.
- La répartition de marchés : partage géographique de territoires de vente, répartition de clients ou de sources d’approvisionnement.
- La limitation de la production ou des ventes : accords de quotas pour maintenir artificiellement les prix élevés.
- Le boycott collectif : accord visant à exclure un concurrent du marché.
- Les restrictions dans les contrats de distribution : imposition de prix de revente minimaux, interdiction absolue de vendre en ligne sous certaines conditions, clauses de non-concurrence excessives.
Il est essentiel de savoir identifier ces pratiques pour éviter de tomber dans l’illégalité. Notre article détaillant les différents types d’ententes interdites vous fournira des exemples concrets.
Objet ou effet : pourquoi cette distinction est-elle importante ?
Pour qu’une entente soit interdite, elle doit avoir un objet OU un effet anticoncurrentiel. Cette distinction est fondamentale car elle a un impact direct sur la manière dont l’infraction est établie.
Certaines ententes sont considérées comme ayant un objet anticoncurrentiel par nature. C’est le cas des accords les plus graves, comme la fixation des prix entre concurrents ou la répartition des marchés. Pour ces pratiques, l’Autorité de la concurrence n’a pas besoin de démontrer leurs effets concrets sur le marché pour les sanctionner ; l’intention de nuire à la concurrence est présumée du simple fait de l’accord.
Pour les autres accords, dont l’objet anticoncurrentiel n’est pas évident, il faut prouver qu’ils ont eu ou sont susceptibles d’avoir un effet négatif sensible sur la concurrence. Cela nécessite une analyse économique plus poussée du marché concerné, des parts de marché des entreprises, etc. Une pratique peut ainsi être condamnée même si elle n’avait pas pour but premier de restreindre la concurrence, si elle produit néanmoins cet effet. Approfondissez cette nuance essentielle en lisant notre article sur la différence entre entente par objet et effet anticoncurrentiel.
Comment les autorités détectent et prouvent une entente ?
Les ententes étant souvent secrètes, leur détection et leur preuve représentent un défi pour les autorités de concurrence. Celles-ci disposent de pouvoirs d’enquête étendus (visites et saisies, demandes d’informations…) et s’appuient sur différentes méthodes.
La preuve peut être directe (un contrat signé, un compte-rendu de réunion explicite) mais elle est souvent indirecte. L’Autorité peut s’appuyer sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants. Cela peut inclure :
- Des échanges de courriels ou de messages suspects.
- Des témoignages (notamment dans le cadre de la procédure de clémence, qui incite les entreprises à dénoncer les cartels auxquels elles participent).
- Des analyses de comportements parallèles et inexplicables économiquement (hausses de prix simultanées, stabilité anormale des parts de marché…).
- Des documents internes faisant référence à des pactes ou des stratégies communes.
Comprendre comment les enquêtes sont menées et les preuves rassemblées est utile pour évaluer les risques. Découvrez les méthodes utilisées dans notre article dédié à la preuve des ententes anticoncurrentielles.
Une entente peut-elle parfois être justifiée ?
Si l’interdiction des ententes est le principe, des exceptions existent. L’article L. 420-4 du code de commerce prévoit des cas où une pratique restrictive peut être justifiée et échapper à la sanction.
La justification la plus discutée est celle fondée sur le progrès économique. Une entente peut être exemptée si elle remplit quatre conditions cumulatives très strictes : elle doit générer un progrès économique objectif (gain d’efficacité, innovation…), réserver une partie équitable de ce profit aux utilisateurs, les restrictions imposées doivent être indispensables pour atteindre ce progrès, et l’accord ne doit pas éliminer toute concurrence sur le marché. Obtenir une telle exemption individuelle est rare en pratique.
D’autres justifications existent, comme les pratiques résultant directement de l’application d’une loi ou d’un règlement, ou encore des exemptions spécifiques par décret pour certaines catégories d’accords (notamment dans l’agriculture ou pour certains accords sur les délais de paiement). Explorez en détail ces possibilités dans notre article sur la justification et les exemptions des ententes.
Le droit des ententes est une matière complexe et évolutive. Les risques financiers et de réputation liés à une condamnation sont considérables. Une bonne compréhension des règles et une vigilance constante sont nécessaires pour sécuriser les pratiques commerciales de votre entreprise.
Pour une analyse personnalisée de vos accords ou si vous suspectez une pratique anticoncurrentielle vous portant préjudice, notre équipe se tient à votre disposition.
Foire aux questions
Qu’est-ce qu’une entente anticoncurrentielle exactement ?
C’est un accord ou une pratique concertée entre entreprises indépendantes qui a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.
Mon entreprise peut-elle être accusée d’entente même si l’accord n’est pas écrit ?
Oui, une entente peut résulter d’un accord verbal, d’une pratique concertée ou même d’échanges d’informations stratégiques, sans nécessiter de contrat formel.
Quels sont les types d’accords entre entreprises les plus surveillés ?
Les accords entre concurrents (horizontaux) fixant les prix, se répartissant les marchés ou les clients, ou limitant la production sont considérés comme particulièrement graves. Les restrictions verticales comme l’imposition de prix de revente sont aussi très surveillées.
Quels sont les principaux risques si mon entreprise participe à une entente ?
Les risques incluent de lourdes sanctions financières (pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial), des actions en dommages et intérêts des victimes, l’annulation des contrats concernés, et une atteinte importante à la réputation de l’entreprise.
Comment les autorités (comme l’Autorité de la concurrence) prouvent-elles une entente ?
Elles utilisent tous types de preuves : documents saisis lors d’enquêtes, courriels, témoignages, aveux (parfois via la clémence), ou un faisceau d’indices concordants comme des comportements parallèles suspects.
Un accord qui apporte un progrès économique est-il toujours autorisé ?
Non, il doit remplir quatre conditions strictes pour être exempté : générer un progrès réel, en faire bénéficier équitablement les utilisateurs, être indispensable, et ne pas éliminer toute concurrence.
Que signifie la règle « de minimis » en droit de la concurrence ?
C’est un seuil en dessous duquel l’Autorité de la concurrence peut considérer qu’une entente n’a pas un effet suffisamment sensible sur le marché pour justifier une poursuite, sauf pour les restrictions les plus graves (dites « par objet »).
Les accords entre sociétés d’un même groupe peuvent-ils être considérés comme des ententes ?
En principe non, sauf si les sociétés du groupe disposent d’une réelle autonomie pour déterminer leur comportement sur le marché ; dans ce cas, un accord entre elles pourrait être qualifié d’entente. Sources et contenu associé