Petition to File For Bankruptcy

L’exécution, le suivi et la modification du plan de sauvegarde ou redressement

Table des matières

L’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement par le tribunal marque une étape déterminante pour l’entreprise en difficulté. C’est le signe qu’une solution a été trouvée pour apurer le passif tout en permettant la poursuite de l’activité. Cependant, le jugement arrêtant le plan n’est pas une fin en soi. S’ouvre alors une phase tout aussi importante : celle de son exécution concrète, de son suivi rigoureux et, parfois, de sa nécessaire adaptation aux réalités économiques changeantes. Comprendre les mécanismes qui régissent cette période est essentiel pour les dirigeants, les créanciers et toutes les parties prenantes. Pour une vue d’ensemble des différentes issues possibles pour l’entreprise en difficulté, n’hésitez pas à consulter notre guide dédié.

La force obligatoire du plan dès son adoption

Dès que le tribunal statue et arrête le plan, celui-ci acquiert une force obligatoire qui s’impose à tous. Ce caractère contraignant est la clé de voûte du dispositif, assurant que les engagements pris seront respectés et que la restructuration pourra être menée à bien.

Effets à l’égard de l’entreprise et des dirigeants

Pour l’entreprise débitrice et ses dirigeants, l’adoption du plan signifie avant tout l’obligation de mettre en œuvre scrupuleusement toutes les mesures du plan de sauvegarde ou de redressement qui y sont définies. Cela peut inclure des réorganisations internes, des cessions d’actifs non stratégiques, des modifications dans la gestion, et bien entendu, le respect de l’échéancier de paiement des créanciers. Les dirigeants retrouvent une partie de leurs pouvoirs de gestion, mais ceux-ci s’exercent désormais dans le cadre strict des engagements du plan. Toute décision majeure susceptible d’impacter la capacité de l’entreprise à respecter le plan doit être mûrement réfléchie, voire soumise à l’avis des organes de la procédure encore en fonction. Le plan devient la nouvelle feuille de route de l’entreprise, et son respect conditionne sa survie.  

Effets à l’égard des créanciers (arrêt des poursuites, opposabilité des délais/remises)

L’effet le plus tangible pour les créanciers dont les créances sont antérieures au jugement d’ouverture est l’arrêt définitif des poursuites individuelles. Cet arrêt, qui était provisoire pendant la période d’observation, devient permanent une fois le plan arrêté. Les créanciers ne peuvent plus agir individuellement pour recouvrer leurs créances. Ils sont désormais soumis aux dispositions du plan, qui leur est pleinement opposable. Cela signifie que les délais de paiement (pouvant aller jusqu’à 10 ans, voire 15 ans pour les agriculteurs) et les éventuelles remises de dettes accordés dans le cadre du plan s’imposent à eux, même s’ils avaient voté contre le projet. Le plan cristallise le passif antérieur et organise son apurement collectif selon des modalités validées par le tribunal. Seules les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture et qui ne sont pas payées à leur échéance pourraient potentiellement justifier de nouvelles poursuites, sous certaines conditions.  

Le rôle du commissaire à l’exécution du plan

Pour s’assurer que le plan est correctement appliqué et que les engagements pris sont tenus, la loi prévoit la désignation d’un acteur clé : le commissaire à l’exécution du plan (CEP). Il s’agit souvent du mandataire judiciaire ou de l’administrateur judiciaire qui officiait pendant la période d’observation. Sa mission est essentielle pour la réussite du processus sur la durée.  

Surveillance de la bonne application du plan

La mission première du CEP est une mission de surveillance. Il doit veiller au respect par l’entreprise de l’ensemble des obligations contenues dans le plan : paiement des dividendes aux créanciers selon l’échéancier, mise en œuvre des mesures de restructuration, respect des éventuels engagements de cession, etc. Il se tient informé de la situation économique et financière de l’entreprise tout au long de l’exécution du plan. Pour ce faire, il peut demander aux dirigeants toutes les informations nécessaires et dispose d’un droit d’alerte s’il constate des difficultés ou des manquements. Il établit des rapports réguliers au tribunal et au procureur de la République sur l’avancement du plan. Cette surveillance active est un gage de sérieux et permet d’anticiper d’éventuelles défaillances.  

Actions en cas d’inexécution

Si le commissaire à l’exécution du plan constate que l’entreprise ne respecte pas ses engagements, il ne reste pas passif. Son rôle est aussi d’agir pour préserver les intérêts des créanciers et la finalité du plan. Il doit d’abord tenter d’obtenir des explications et des garanties de la part du débiteur. Si les manquements persistent et sont suffisamment graves (par exemple, le non-paiement répété des échéances), le CEP a le pouvoir et même le devoir de saisir le tribunal. Selon la nature et la gravité de l’inexécution, il pourra demander soit une modification du plan (si des ajustements sont possibles), soit sa résolution pure et simple, ce qui met fin au plan et ouvre la voie, le plus souvent, à une nouvelle procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire).  

Le paiement des dividendes prévus au plan

L’un des aspects les plus concrets de l’exécution du plan est le paiement régulier des sommes dues aux créanciers, appelées « dividendes ». Ce terme ne désigne pas ici une part des bénéfices, mais la quote-part de leur créance que chaque créancier recevra conformément aux modalités arrêtées par le tribunal.

Échéancier et modalités de paiement

Le plan de sauvegarde ou de redressement fixe précisément l’échéancier des paiements. Il indique les dates auxquelles les dividendes doivent être versés et leur montant. La loi impose un premier paiement dans l’année qui suit le jugement arrêtant le plan, sauf délai spécifique accordé par le tribunal. Les dividendes peuvent être annuels, semestriels, voire trimestriels dans certains cas, bien que l’annualité soit la plus fréquente. Le montant des dividendes est calculé en fonction des propositions du débiteur, des capacités financières de l’entreprise et des éventuelles remises accordées. Les modalités de paiement (virement, chèque) sont également définies. La préparation du plan est donc une phase déterminante pour fixer des échéances réalistes.  

Conséquences du non-paiement d’une échéance

Le non-paiement d’une seule échéance (un dividende) à la date prévue constitue une inexécution des engagements du plan. C’est un signal d’alerte important qui ne doit pas être pris à la légère par l’entreprise. Dès le premier défaut de paiement constaté, le commissaire à l’exécution du plan est en droit d’intervenir. Si la situation n’est pas rapidement régularisée ou si le défaut de paiement révèle des difficultés financières structurelles remettant en cause la viabilité du plan, le CEP peut saisir le tribunal. Le non-paiement d’une échéance peut, après analyse par le tribunal, conduire à la résolution du plan si aucune solution alternative n’est trouvée. Il est donc essentiel pour l’entreprise de communiquer en amont avec le CEP si elle anticipe des difficultés de trésorerie pour honorer une échéance.  

La modification substantielle du plan

La vie d’une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille, et la période d’exécution d’un plan, qui peut durer jusqu’à dix ans, n’échappe pas à cette règle. Des événements imprévus, positifs ou négatifs, peuvent survenir et affecter la capacité de l’entreprise à respecter ses engagements initiaux. La loi a prévu la possibilité de modifier le plan dans certaines circonstances.

Quand une modification est-elle nécessaire ?

Une modification du plan peut s’avérer nécessaire lorsque des changements significatifs dans la situation de l’entreprise ou de son environnement économique rendent les objectifs initiaux du plan irréalistes ou inatteignables. Cela peut être dû à une dégradation imprévue de la conjoncture, à la perte d’un client majeur, à l’émergence de nouvelles difficultés financières, mais aussi, plus rarement, à une amélioration notable et durable de la situation permettant d’accélérer les remboursements. La modification ne peut toutefois être que « substantielle », c’est-à-dire qu’elle doit porter sur des éléments essentiels du plan, comme les délais de paiement, les remises accordées ou les mesures de réorganisation. Il ne s’agit pas d’ajustements mineurs, mais bien d’une révision en profondeur de certains aspects du plan initial. La demande de modification doit être justifiée par des éléments nouveaux et sérieux apparus depuis l’adoption du plan.  

Procédure de demande de modification auprès du tribunal

La demande de modification substantielle du plan doit être présentée au tribunal qui a arrêté le plan initial. Elle peut être formulée par l’entreprise débitrice elle-même, ou par le commissaire à l’exécution du plan s’il estime cette modification nécessaire. Le ministère public peut également être à l’initiative de cette demande. La procédure implique de nouveau la consultation des créanciers concernés par les modifications envisagées, notamment si celles-ci consistent à réduire les engagements initiaux (par exemple, demander des délais supplémentaires). Le tribunal examine la demande en tenant compte de l’évolution de la situation, des motifs invoqués et de l’avis des parties (CEP, créanciers consultés). Il statue par un jugement qui peut accepter la modification, la rejeter, ou proposer des ajustements. Si la modification est acceptée, le plan modifié s’impose alors à tous. Cette procédure peut être complexe et nécessite souvent l’accompagnement d’un professionnel ; n’hésitez pas à faire appel à un avocat pour évaluer vos options.  

La résolution du plan : l’échec de l’exécution

Malheureusement, tous les plans de sauvegarde ou de redressement n’aboutissent pas à un succès. Lorsque l’entreprise se trouve dans l’incapacité d’exécuter durablement ses engagements, ou lorsque de nouvelles difficultés insurmontables apparaissent, le plan peut être « résolu » par le tribunal. C’est la constatation de l’échec de la tentative de redressement par la voie du plan.

Causes de la résolution (inexécution des engagements, cessation des paiements)

La cause principale de résolution d’un plan est l’inexécution par le débiteur de ses engagements financiers ou des autres obligations prévues par le plan (mesures de restructuration, etc.), et ce, de manière suffisamment grave et persistante pour compromettre la finalité même du plan. Le simple retard ponctuel ne suffit généralement pas, mais le non-paiement répété des dividendes est un motif fréquent de résolution. Une autre cause majeure est la survenance d’un nouvel état de cessation des paiements. Si l’entreprise, malgré le plan, ne parvient plus à faire face à son passif exigible (y compris les dettes nées après l’ouverture de la procédure initiale) avec son actif disponible, le tribunal n’a d’autre choix que de constater cette situation, ce qui entraîne quasi automatiquement la résolution du plan en cours.  

Qui peut demander la résolution ?

La demande de résolution du plan peut être initiée par plusieurs acteurs. Le commissaire à l’exécution du plan est en première ligne : c’est même une de ses obligations s’il constate une inexécution grave et persistante. Un créancier, public ou privé, peut également demander la résolution s’il n’est pas payé des dividendes qui lui sont dus aux échéances prévues par le plan. Enfin, le ministère public a aussi la faculté de saisir le tribunal aux fins de résolution. L’entreprise débitrice elle-même peut, en théorie, demander la résolution si elle constate son impossibilité définitive d’exécuter le plan, mais dans les faits, cela revient souvent à déclarer une nouvelle cessation des paiements.  

Conséquences de la résolution (ouverture possible d’un redressement ou liquidation)

La résolution du plan met fin immédiatement à celui-ci. Les délais et remises qui avaient été accordés aux créanciers dans le cadre du plan disparaissent rétroactivement : les créanciers retrouvent l’intégralité de leurs créances initiales, diminuées seulement des sommes déjà perçues à titre de dividendes. Surtout, le jugement qui prononce la résolution ouvre généralement dans la même décision une nouvelle procédure collective. S’il existe une possibilité de redresser l’entreprise malgré l’échec du plan (par exemple, via une cession totale ou partielle), le tribunal ouvrira une procédure de redressement judiciaire. Si, en revanche, le redressement apparaît manifestement impossible, le tribunal prononcera directement la liquidation judiciaire de l’entreprise. La résolution marque donc souvent une étape critique, potentiellement la dernière avant la disparition de l’entreprise.  

La fin normale du plan : l’apurement complet du passif

Heureusement, la résolution n’est pas l’issue inéluctable. L’objectif premier d’un plan de sauvegarde ou de redressement est d’aboutir à l’apurement complet du passif dans les délais impartis. Lorsque l’entreprise parvient à respecter l’intégralité de ses engagements et à payer le dernier dividende prévu, le plan prend fin normalement.

Une fois la dernière échéance payée, le commissaire à l’exécution du plan établit un rapport final attestant de la bonne exécution de l’ensemble des engagements. Il constate que le passif admis a été intégralement remboursé selon les modalités du plan. Le tribunal prend acte de la fin de la mission du CEP et de l’achèvement du plan par une décision de clôture. Pour l’entreprise, c’est la fin du processus de traitement de ses difficultés antérieures. Elle est libérée des contraintes de la procédure collective et peut envisager l’avenir sur des bases assainies. C’est l’aboutissement réussi d’un parcours souvent long et exigeant, qui démontre la capacité de l’entreprise à se restructurer et à honorer ses dettes.  

L’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement est un processus dynamique qui demande une vigilance constante de la part des dirigeants et un suivi attentif des organes de la procédure. Si vous êtes engagé dans l’exécution d’un plan ou si vous anticipez des difficultés, n’hésitez pas à contacter notre cabinet d’avocats pour discuter de votre situation et des options qui s’offrent à vous.

Sources

  • Code de commerce, notamment les articles L626-1 et suivants (Plan de sauvegarde) et L631-19 et suivants (Plan de redressement), en particulier les sections relatives à l’exécution, la modification et la résolution des plans (ex: L626-25 à L626-28).

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