Locataire français.e examine un document légal d'expulsion à domicile. Comprendre ses droits face à l'expulsion locative et au surendettement.

Expulsions locatives et surendettement : stratégies de protection du débiteur et droit au logement

Table des matières

Face à une menace d’expulsion locative ou une situation de surendettement, les mécanismes de protection du débiteur sont complexes mais efficaces. Loin d’être une fatalité, la procédure d’expulsion du locataire est un processus juridique encadré, au cours duquel le locataire dispose de droits et de leviers pour se défendre. Comprendre ces dispositifs est la première étape pour préserver son droit au logement. L’assistance d’un avocat expert en droit de l’exécution et surendettement est souvent indispensable pour les activer et construire une stratégie de défense adaptée. Cet article détaille les protections juridiques à votre disposition, des délais de procédure aux aides au paiement du loyer, jusqu’à l’apurement ou l’effacement des dettes.

Comprendre le cadre juridique de l’expulsion locative

L’expulsion d’un locataire de son logement est une mesure grave qui ne peut intervenir qu’au terme d’une procédure judiciaire rigoureuse. Elle vise à concilier le droit de propriété du bailleur et le droit au logement de l’occupant. Cette procédure est strictement encadrée par le Code des procédures civiles d’exécution, qui définit les conditions de fond et de forme que le propriétaire doit respecter avant de pouvoir récupérer son bien.

Les fondements et la procédure d’expulsion

Aucune expulsion ne peut être mise en œuvre sans une décision de justice préalable. Cette procédure débute par la signification d’actes par un commissaire de justice, mais elle repose avant tout sur la nécessité d’un titre exécutoire, qui constitue le fondement juridique indispensable à toute mesure d’exécution forcée. Il s’agit le plus souvent d’un jugement prononçant la résiliation du bail et ordonnant l’expulsion, ou d’un procès-verbal de conciliation signé devant un juge. Une fois ce titre obtenu, un commissaire de justice signifie au locataire un commandement d’avoir à libérer les locaux. Cet acte marque le point de départ d’un délai légal de deux mois durant lequel l’expulsion ne peut avoir lieu sans le concours de la force publique.

La protection du domicile et les limites à l’expulsion (loi anti-squat)

La notion de domicile est protégée juridiquement, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou non. Toutefois, la législation a récemment évolué pour accélérer les procédures à l’encontre des occupants sans droit ni titre, notamment avec la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, dite « loi anti-squat ». Cette loi alourdit les sanctions pénales pour le délit de violation de domicile et facilite l’expulsion des « squatters », c’est-à-dire des personnes entrées dans les lieux par manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Pour ces derniers, les délais protecteurs sont réduits : le délai de deux mois après le commandement de quitter les lieux ne s’applique pas, et le bénéfice de la trêve hivernale peut être supprimé par décision du juge. Ces dispositions ne concernent cependant pas le locataire de bonne foi dont le bail a été résilié.

Les leviers de prévention et de protection du débiteur face à l’expulsion

Avant d’en arriver à l’expulsion effective, la loi a prévu plusieurs mécanismes permettant au locataire en difficulté de suspendre ou de retarder la procédure. Ces outils, qu’ils soient légaux ou judiciaires, visent à lui accorder du temps pour trouver une solution de relogement ou pour apurer sa dette locative.

Les délais légaux et judiciaires pour différer l’expulsion

Le premier rempart est le délai légal de deux mois qui court à compter de la signification du commandement de quitter les lieux. Ensuite, le locataire peut solliciter des délais de grâce auprès du juge de l’exécution (JEX). En vertu de l’art. L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais de paiement renouvelables, d’une durée totale comprise entre trois mois et trois ans, si le relogement du locataire ne peut se faire dans des conditions normales. Parmi les principaux recours, l’octroi de délais de grâce par le JEX pour des situations d’exceptionnelle dureté, en application de l’art. L. 412-2 du même code, représente un levier majeur, dont les conditions et la portée sont définies par sa jurisprudence. Enfin, la « trêve hivernale », qui s’étend du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante, suspend toute mesure d’expulsion, sauf si le relogement de la famille est assuré dans des conditions décentes, par exemple via une aide au logement.

Le rôle des organismes sociaux et des commissions de prévention des expulsions (ccapex)

En parallèle des recours judiciaires, des dispositifs sociaux existent pour prévenir les expulsions. Les Commissions de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions Locatives (CCAPEX) jouent un rôle central dans chaque département. Saisies par le préfet dès le début de la procédure, elles réalisent un diagnostic social et financier de la situation du locataire. Elles peuvent mobiliser une aide financière, comme celle du Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL), pour aider au règlement des impayés de loyer. Elles peuvent aussi vous orienter vers d’autres interlocuteurs comme l’ADIL, la CAF ou la MSA pour une aide au logement personnalisée. L’objectif est de trouver une solution amiable, comme un plan d’apurement de la dette, afin d’éviter la résiliation du bail et l’expulsion.

Le surendettement des particuliers comme bouclier contre l’expulsion

Au-delà des délais de grâce, et alors même qu’une clause résolutoire du bail a été activée, la notion de surendettement des particuliers offre un mécanisme de protection global et puissant, capable de suspendre intégralement les poursuites, y compris l’expulsion. Il s’agit d’une procédure collective destinée aux personnes physiques de bonne foi qui ne peuvent manifestement plus faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles.

L’ouverture d’une procédure de surendettement et ses effets protecteurs

Le dépôt d’un dossier de surendettement auprès de la commission départementale dédiée est une démarche cruciale. Si le dossier est jugé recevable, cette décision entraîne automatiquement la suspension et l’interdiction de toutes les procédures d’exécution pour une durée maximale de deux ans. Cela inclut la suspension de la procédure d’expulsion du logement principal. De plus, à compter de la recevabilité du dossier, le débiteur a l’interdiction de payer ses dettes antérieures (hors dettes alimentaires), ce qui lui permet de stabiliser sa situation financière. En cas d’urgence, il est même possible de demander au juge, sur saisine de la commission, de suspendre les mesures d’expulsion avant même la décision de recevabilité. Cette demande urgente est une action essentielle pour la protection du logement.

Les plans de redressement et le rétablissement personnel

L’issue de la procédure de surendettement varie selon la gravité de la situation. Si un redressement est possible, la commission élabore un plan conventionnel de redressement qui peut comporter des mesures de report, de rééchelonnement, voire des remises de dettes. Si la situation du débiteur est jugée « irrémédiablement compromise », c’est-à-dire qu’aucun plan n’est envisageable, une procédure de rétablissement personnel peut être mise en place. Cette procédure, with ou sans liquidation judiciaire des biens du débiteur, conduit à un effacement total des dettes, y compris les dettes de loyer et de charges. C’est une véritable « seconde chance » qui permet au débiteur de repartir sur des bases financières saines.

Articulation entre surendettement et protection du reste à vivre

L’un des principes cardinaux de la procédure de surendettement est la préservation d’un « reste à vivre » décent pour le débiteur et sa famille. Les plans de remboursement sont calculés de manière à laisser au foyer les ressources nécessaires pour ses dépenses courantes (logement, nourriture, santé, etc.). La part des revenus affectée au remboursement des dettes est déterminée par référence à la quotité saisissable des salaires, mais elle est ajustée pour que le montant laissé à disposition du ménage ne soit jamais inférieur au montant forfaitaire du RSA. Cette approche, au cœur de la lutte contre l’exclusion, garantit que le traitement de la dette ne se fait pas au détriment de la dignité et des besoins essentiels du débiteur.

Protection des biens et revenus du débiteur saisi : au-delà de l’expulsion

La protection du débiteur ne se limite pas à son logement ; elle s’inscrit dans le cadre général des procédures civiles d’exécution qui définit précisément quels biens et revenus peuvent être saisis. La loi établit une distinction claire entre le patrimoine saisissable et les éléments jugés indispensables à la vie et au travail du débiteur.

Les biens mobiliers et immobiliers insaisissables

Le Code des procédures civiles d’exécution dresse une liste de biens mobiliers qui ne peuvent être saisis. Il s’agit des biens nécessaires à la vie et au travail du débiteur et de sa famille : vêtements, literie, appareils de chauffage, table et chaises, objets des enfants, instruments de travail, etc. Cette protection vise à préserver un minimum vital et à ne pas priver la personne de ses moyens de subsistance. Une protection fondamentale concerne l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, bien que ce bouclier puisse être levé dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière complexe, qui peut avoir une grande valeur pour le propriétaire.

L’insaisissabilité des revenus : salaires, prestations sociales et comptes bancaires

Certains revenus sont totalement ou partiellement protégés. En effet, la saisie sur rémunération est strictement encadrée par le Code du travail, qui fixe des barèmes précis et une quotité insaisissable pour préserver un minimum vital. De nombreuses prestations sociales sont également déclarées totalement insaisissables, comme le Revenu de Solidarité Active (RSA) ou l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH). De plus, lorsqu’une saisie est pratiquée sur un compte bancaire, une somme équivalente au montant du RSA pour une personne seule, appelée Solde Bancaire Insaisissable (SBI), doit obligatoirement être laissée à la disposition du débiteur. La procédure de saisie des rémunérations a d’ailleurs été récemment réformée pour être déjudiciarisée et confiée aux commissaires de justice à compter du 1er juillet 2025, tout en maintenant des voies de recours devant le juge.

Le rôle crucial du juge de l’exécution (jex) dans la protection du débiteur

Le Juge de l’Exécution (JEX), parfois appelé juge des contentieux de la protection (JCP) pour certaines matières, est le garant des droits du débiteur tout au long des procédures de saisie. C’est lui qui est compétent pour trancher toutes les difficultés relatives aux titres exécutoires et aux contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, par exemple lors d’une audience au tribunal. Ses pouvoirs sont étendus : il peut accorder des délais de grâce, ordonner la mainlevée d’une mesure jugée abusive ou inutile, et statuer sur la validité des actes de procédure. Le JEX veille à ce que l’exécution ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation, assurant ainsi une juste proportionnalité entre les droits du créancier et la protection du débiteur.

Naviguer entre les procédures d’expulsion, de saisie et de surendettement requiert une expertise pointue. Si vous êtes confronté à cette situation, notre cabinet, avocat expert en droit de l’exécution et surendettement, peut vous assister pour défendre vos droits et votre logement.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution
  • Code de la consommation
  • Code civil
  • Code de l’organisation judiciaire
  • Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

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