La saisie-attribution des créances à exécution successive est une procédure de recouvrement de droit commun particulièrement puissante, dont la mise en œuvre est encadrée par le Code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc.). Elle offre à un créancier la possibilité de saisir des paiements récurrents dus à son débiteur, tels que des loyers, des rentes ou des échéances de contrat. Son efficacité, reconnue dans l’environnement juridique national et observée dans le contexte européen, repose sur un effet attributif immédiat qui s’étend dans le temps. Cet article propose une vue d’ensemble de ce mécanisme, dont les principes généraux sont détaillés dans notre guide sur le fonctionnement de la saisie-attribution. Les aspects plus spécifiques, comme les contestations ou l’impact des procédures collectives, sont également traités dans des articles dédiés.
Qu’est-ce qu’une créance à exécution successive ?
Pour comprendre cette forme de saisie, il faut d’abord définir son objet. Une créance à exécution successive est une dette dont le paiement est échelonné dans le temps, en vertu d’un contrat unique. Contrairement à une dette payable en une seule fois, elle donne lieu à des versements périodiques.
Les exemples les plus courants de créances à exécution successive incluent :
- Les loyers dus au titre d’un contrat de bail.
- Les redevances d’un contrat de location-gérance.
- Les rentes viagères.
- Les échéances d’un contrat de prêt.
- Les honoraires récurrents prévus par un contrat-cadre, comme ceux versés par un laboratoire d’analyses de biologie médicale à un biologiste associé en vertu de leur contrat d’exercice.
La jurisprudence, notamment un arrêt de la Cour de cassation (Civ. 2e, 14 avril 2022, n° 20-21.461, publié au Bulletin), a confirmé que des sommes versées en vertu d’un contrat unique mais de manière échelonnée constituent bien une créance à exécution successive, ouvrant la voie à ce type de saisie.
Le principe de la saisie-attribution appliqué à ces créances
La procédure de saisie-attribution sur créances successives suit le droit commun des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc.), mais avec une particularité essentielle concernant son effet dans le temps. Pour la mettre en œuvre, le créancier doit, comme pour toute saisie, être muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
L’effet attributif immédiat étendu aux échéances futures
Le principal atout de cette procédure de saisie-attribution réside dans son effet attributif immédiat, prévu à l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc.). Dès la signification de l’acte de saisie au tiers (le locataire, par exemple), le créancier saisissant devient propriétaire de la créance. La particularité ici est que cette attribution ne se limite pas aux sommes déjà échues. Elle s’étend à toutes les échéances futures, jusqu’à l’apurement complet de la dette.
En d’autres termes, un unique acte de saisie suffit à capter l’ensemble des paiements futurs. Le créancier n’a pas besoin de renouveler la procédure à chaque échéance. Cette disposition, consacrée par une décision de l’autorité judiciaire (Cass., ch. mixte, 22 nov. 2002, publiée au Bulletin officiel), confère une sécurité et une efficacité redoutables à cette mesure d’exécution forcée, y compris dans un environnement international.
La procédure de mise en œuvre
La mise en œuvre d’une saisie-attribution de créances à exécution successive se déroule en plusieurs étapes clés, une phase orchestrée par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice).
- L’acte de saisie : Le commissaire de justice signifie un acte de saisie au tiers saisi (celui qui doit les paiements, comme le locataire). Cet acte, dont le contenu est strictement réglementé par le Code de procédure civile (C. pr. exéc.), rend la créance indisponible entre ses mains.
- La dénonciation au débiteur : Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, la saisie doit être dénoncée au débiteur. Cet acte l’informe de la mesure et du délai d’un mois dont il dispose pour la contester.
- Le paiement : En l’absence de contestation de la saisie, le tiers saisi doit verser les sommes au créancier au fur et à mesure de leur exigibilité. Chaque paiement le libère de son obligation envers le débiteur saisi. Les effets de cette procédure et les contestations possibles de la saisie-attribution sont des points centraux de ce mécanisme, relevant d’une norme juridique précise.
Quand la saisie des paiements prend-elle fin ?
La saisie-attribution des créances à exécution successive n’est pas éternelle. Les versements au profit du créancier saisissant cessent dans deux situations principales, prévues par l’article R. 211-17 du Code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc.).
Extinction de la dette du créancier
La saisie prend fin lorsque la dette du débiteur envers le créancier est intégralement remboursée. Une fois le montant total de sa créance (principal, intérêts et frais) perçu, le créancier doit, par une information écrite, aviser le tiers saisi par lettre recommandée avec accusé de réception que l’obligation de paiement est terminée. Le tiers doit alors reprendre ses versements au profit de son créancier initial, le débiteur saisi.
Extinction de la créance du débiteur sur le tiers
Inversement, la saisie s’arrête si la créance objet de la saisie s’éteint. C’est le cas, par exemple, à la fin d’un contrat de bail. Le locataire n’étant plus redevable de loyers, il n’y a plus de flux financier à saisir. Dans cette situation, où aucune opération de paiement n’est plus due, il appartient au tiers saisi d’informer le créancier de la fin de son obligation.
Le cas particulier de la procédure collective
Une question juridique complexe se pose lorsqu’une saisie-attribution a été pratiquée avant l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) à l’encontre du débiteur. La saisie continue-t-elle de produire ses effets sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ?
La jurisprudence de la Cour de cassation est claire sur ce point, et ce, depuis une décision fondatrice. Un arrêt de Chambre mixte du 22 novembre 2002 (publié au Bulletin officiel) a jugé que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, valablement pratiquée avant le jugement d’ouverture, poursuit ses effets sur les sommes échues après ce jugement. L’effet attributif immédiat a fait sortir la créance (y compris ses termes futurs) du patrimoine du débiteur avant l’ouverture de la procédure collective. Le créancier saisissant n’est donc pas soumis à la discipline de l’arrêt des poursuites individuelles pour ces sommes, ce qui constitue une règle dérogatoire majeure au droit commun des procédures collectives. Les implications d’une saisie-attribution en cas de procédures collectives sont un enjeu majeur, car elles dérogent au principe d’égalité entre les créanciers, un principe pourtant au cœur de la politique juridique nationale et européenne.
Cette mesure d’exécution forcée est un outil juridique et stratégique de premier ordre pour le recouvrement des créances récurrentes, y compris dans un environnement international ou européen. Sa mise en œuvre exige une parfaite maîtrise des dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (C. pr. exéc.) et de la jurisprudence associée. Pour sécuriser vos droits, que vous soyez créancier ou débiteur, l’assistance d’un avocat compétent en matière de saisie-attribution est une précaution indispensable. N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse personnalisée de votre affaire.
Foire aux questions
Qu’est-ce qu’une créance à exécution successive ?
C’est une créance qui naît d’un contrat unique mais dont le paiement est échelonné dans le temps, par versements périodiques. Les loyers, les rentes ou les mensualités d’un prêt en sont des exemples typiques.
Peut-on saisir les loyers futurs d’un locataire ?
Oui, la saisie-attribution des créances à exécution successive permet de saisir, par un seul acte, non seulement les loyers déjà dus mais également tous ceux qui viendront à échéance jusqu’à l’extinction de la dette du créancier.
Quel est le principal avantage de cette procédure de saisie ?
Son avantage majeur est son effet attributif immédiat qui s’étend aux échéances futures. Un seul acte de saisie suffit pour garantir le paiement continu de la dette sur une longue période, sans avoir à renouveler la procédure, une efficacité reconnue dans le droit français et observée dans le contexte de l’Union européenne.
La saisie s’arrête-t-elle si le débiteur est placé en redressement judiciaire ?
Non. Si la saisie a été valablement pratiquée avant le jugement d’ouverture de la procédure collective, elle continue de produire ses effets sur les échéances de la créance qui deviennent exigibles après le jugement. Cette règle est une exception notable au principe de l’arrêt des poursuites en matière de procédure collective.
Qui paie qui dans une saisie-attribution de loyers ?
Le locataire (le tiers saisi) ne paie plus son loyer au propriétaire (le débiteur saisi), mais le verse directement au créancier du propriétaire (le créancier saisissant), jusqu’à ce que la dette de ce dernier soit entièrement remboursée.
Faut-il toujours un titre exécutoire pour cette saisie ?
Oui, comme pour toute saisie-attribution, le créancier doit impérativement disposer d’un titre exécutoire (un jugement ayant autorité de la chose jugée, un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, etc.) constatant une créance certaine, liquide et exigible. C’est une condition de fond de la procédure de saisie-attribution.
Quelle différence avec la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) ?
La SATD est une procédure de droit public utilisée par une autorité administrative (fiscale, par exemple, via un comptable public) pour recouvrer ses propres créances (impôts, amendes…). La saisie-attribution de créances est une procédure de droit privé, relevant du Code de procédure civile (C. pr. exéc.), ouverte à tout créancier privé muni d’un titre exécutoire. La version actuelle de la SATD a été mise en vigueur par une loi de finances rectificative, dont le texte a été publié au Journal Officiel.
Le solde bancaire insaisissable (SBI) est-il concerné ?
Oui, même en cas de saisie sur un compte bancaire, le débiteur personne physique conserve le bénéfice du solde bancaire insaisissable (SBI). C’est une somme minimale, équivalente au montant du RSA pour une personne seule, laissée à sa disposition pour les besoins alimentaires, conformément à la loi. Le titulaire du compte n’a aucune démarche à faire pour en bénéficier.