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Transport aérien de marchandises : responsabilité du transporteur en cas de perte ou avarie

Table des matières

L’acheminement de marchandises par voie aérienne représente une part significative des échanges commerciaux internationaux. Cette solution, prisée pour sa rapidité, comporte néanmoins des risques inhérents au transport. Pertes, avaries ou retards peuvent survenir, engendrant des préjudices économiques parfois considérables pour les expéditeurs et destinataires. Comprendre le régime de responsabilité applicable aux transporteurs aériens devient alors une nécessité pour tout opérateur économique. Cet article détaille les règles encadrant cette responsabilité et les démarches à entreprendre en cas de litige.

Le cadre légal de la responsabilité pour les marchandises : Convention de Montréal

Le transport aérien international des marchandises est principalement régi par la Convention de Montréal du 28 mai 1999. Ce texte a progressivement remplacé l’ancien système varsovien et unifié les règles applicables aux litiges concernant le fret aérien.

Application aux transports internationaux de marchandises par air

La Convention de Montréal s’applique à tout transport international de marchandises effectué par aéronef contre rémunération. Elle concerne les transports entre deux États signataires ou les transports au départ et à destination d’un même État comportant une escale prévue dans un autre État. À ce jour, plus de 130 pays ont ratifié cette convention, garantissant une large application de ses dispositions.

En France, ces règles internationales ont été étendues aux transports intérieurs par l’article L.6422-2 du Code des transports, qui renvoie expressément aux dispositions de la Convention de Montréal. Cette harmonisation simplifie considérablement le régime juridique applicable, qu’il s’agisse de vols domestiques ou internationaux.

La connaissance approfondie de ce cadre général de la Convention de Montréal s’avère essentielle pour appréhender correctement les droits et obligations des parties.

La lettre de transport aérien (LTA) : fonction et mentions obligatoires

La lettre de transport aérien constitue la preuve matérielle du contrat de transport. Sans être une condition de validité du contrat, elle joue un rôle déterminant en cas de litige.

L’article 5 de la Convention de Montréal prévoit que ce document doit comporter certaines mentions minimales :

  • L’indication des points de départ et de destination
  • L’indication d’une escale prévue dans un autre État si les points de départ et de destination sont situés sur le territoire d’un même État
  • Le poids de l’expédition

La modernisation des pratiques a conduit à l’acceptation des lettres de transport électroniques, réduisant considérablement les risques d’erreurs matérielles. Toutefois, l’absence ou l’irrégularité de la LTA n’affecte ni l’existence ni la validité du contrat de transport, qui reste soumis aux règles de la Convention.

Fait générateur de la responsabilité : perte, avarie ou retard

Le transporteur aérien engage sa responsabilité dans trois situations principales : la perte, l’avarie ou le retard des marchandises.

La notion de perte ou d’avarie survenue pendant le transport aérien

Selon l’article 18 de la Convention de Montréal, le transporteur est responsable du dommage résultant de la destruction, perte ou avarie de la marchandise par le seul fait que l’événement qui a causé le dommage s’est produit pendant le transport aérien.

La période du « transport aérien » ne se limite pas au vol proprement dit. Elle englobe tout le temps durant lequel la marchandise se trouve sous la garde du transporteur, que ce soit dans un aéroport, à bord d’un aéronef ou en tout autre lieu en cas d’atterrissage en dehors d’un aéroport.

La jurisprudence a précisé que cette période débute avec la prise en charge effective de la marchandise par le transporteur et s’achève à sa livraison au destinataire. La Cour de cassation a notamment considéré, dans un arrêt du 8 février 2023 (n°21-17.932), que « la livraison marque la fin de la période de garde du transporteur ».

Il est important de distinguer les différentes notions :

  • La perte totale désigne la disparition complète de l’envoi
  • La perte partielle concerne le manquant d’une partie de l’envoi
  • L’avarie caractérise tout dommage affectant l’intégrité physique de la marchandise

La responsabilité spécifique en cas de retard dans la livraison

Le retard constitue le troisième fait générateur de responsabilité du transporteur. L’article 19 de la Convention de Montréal stipule que « le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de marchandises ».

Contrairement au régime applicable aux pertes et avaries, la responsabilité pour retard repose sur une présomption de faute. Le transporteur peut s’exonérer en prouvant que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures raisonnablement requises pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

La notion de retard n’étant pas définie par la Convention, les tribunaux l’apprécient généralement en fonction du délai convenu entre les parties ou, à défaut, d’un délai raisonnable compte tenu des circonstances particulières de chaque transport.

Les limites de responsabilité pour les marchandises

La Convention de Montréal a instauré un système de limitation de responsabilité qui plafonne l’indemnisation due par le transporteur aérien.

Le plafond légal d’indemnisation par kilogramme (actuellement 22 DTS/kg)

La responsabilité du transporteur aérien international est limitée à une somme de 22 DTS (Droits de Tirage Spéciaux) par kilogramme de marchandise. Ce montant a été révisé à la hausse depuis le plafond initial de 17 DTS/kg prévu par la Convention de Montréal. La valeur du DTS est déterminée quotidiennement par le Fonds Monétaire International, ce qui permet d’actualiser régulièrement le montant maximum de l’indemnisation.

Cette limitation s’applique automatiquement, sans que le transporteur ait à insérer une clause spécifique dans le contrat. Elle concerne tant les dommages résultant d’une perte ou avarie que ceux liés à un retard.

Comment dépasser le plafond : la déclaration spéciale d’intérêt à la livraison

L’expéditeur peut échapper à cette limitation en effectuant une déclaration spéciale d’intérêt à la livraison au moment de la remise du colis au transporteur, moyennant le paiement d’un supplément tarifaire.

Cette déclaration doit figurer expressément sur la lettre de transport aérien dans la rubrique prévue à cet effet (« Valeur déclarée pour le transport »). La Cour d’appel de Fort-de-France, dans un arrêt du 22 novembre 2016, a précisé que toute autre forme de réparation est exclue lorsqu’une telle déclaration a été effectuée.

Le montant déclaré constitue alors la limite maximale de la responsabilité du transporteur, à condition toutefois que l’expéditeur puisse justifier de la valeur réelle de la marchandise.

Cas de déplafonnement de la responsabilité (dol ou faute équivalente)

Le plafond de responsabilité peut être écarté lorsque le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur, de ses préposés ou mandataires, fait soit avec l’intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement.

Il convient cependant de noter que, contrairement au transport de passagers, cette disposition relative au déplafonnement ne s’applique pas au transport de marchandises depuis l’entrée en vigueur de la Convention de Montréal. Comme l’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 30 juin 2015 (n°13-28.846), « le dol ou la faute inexcusable du transporteur aérien de marchandises ne permettent pas de mettre à sa charge la réparation intégrale du préjudice ».

Cette particularité vise à garantir aux compagnies aériennes une prévisibilité des risques encourus lors du transport de fret.

Causes d’exonération de la responsabilité du transporteur

La Convention de Montréal prévoit plusieurs cas dans lesquels le transporteur peut s’exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité.

Vice propre de la marchandise

Le transporteur n’est pas responsable si le dommage résulte de la nature même de la marchandise transportée. Cette exonération concerne notamment les denrées périssables qui se détériorent naturellement avec le temps ou les produits fragiles dont la fragilité intrinsèque est la cause du dommage.

Dans ce cas, le transporteur doit établir que les précautions nécessaires ont été prises et que les dommages constatés sont exclusivement imputables aux caractéristiques propres de la marchandise.

Emballage défectueux par l’expéditeur

L’article 18 de la Convention exonère le transporteur lorsque le dommage provient d’un emballage défectueux réalisé par l’expéditeur ou une personne agissant pour son compte.

Cette cause d’exonération s’applique uniquement si l’emballage présente des défauts non apparents que le transporteur ne pouvait raisonnablement déceler lors de la prise en charge. En cas de défaut manifeste, le transporteur devrait émettre des réserves sur la lettre de transport aérien ou refuser la marchandise.

Acte de guerre ou conflit armé

Les dommages résultant d’actes de guerre ou de conflits armés exonèrent le transporteur de sa responsabilité. La jurisprudence a notamment reconnu cette cause d’exonération lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, qualifiée de cas de force majeure (Cour d’appel de Versailles, 6 avril 1995).

Faute de l’expéditeur ou du destinataire

Le transporteur peut s’exonérer totalement ou partiellement si le dommage résulte d’une négligence, d’un acte ou d’une omission préjudiciable de la personne qui demande réparation ou de la personne dont elle tient ses droits.

Cette disposition, prévue à l’article 20 de la Convention de Montréal, s’applique notamment lorsque l’expéditeur a fourni des informations erronées sur la nature de la marchandise ou lorsque le destinataire a refusé de prendre livraison sans motif légitime.

Procédure de réclamation et délais impératifs

La mise en œuvre de la responsabilité du transporteur aérien est soumise à des formalités et délais stricts dont le non-respect entraîne l’irrecevabilité des actions.

Les délais stricts pour formuler une protestation (avarie, retard)

En cas d’avarie, le destinataire doit adresser une protestation écrite au transporteur immédiatement après la découverte du dommage, et au plus tard dans un délai de 14 jours à compter de la réception de la marchandise.

En cas de retard, la protestation doit être faite au plus tard dans les 21 jours à compter de la date à laquelle la marchandise a été mise à disposition du destinataire.

Ces protestations doivent revêtir une forme écrite (lettre recommandée, télécopie, courriel) et être suffisamment précises pour identifier l’envoi concerné et décrire les dommages constatés.

L’absence de protestation dans ces délais crée une présomption simple d’acceptation de la marchandise en bon état. Il s’agit d’une fin de non-recevoir qui interdit toute action ultérieure contre le transporteur, sauf en cas de fraude de celui-ci.

Pour être assisté par un avocat en droit des transports dans la formulation et l’envoi de ces protestations, il est recommandé de consulter rapidement après la constatation du dommage.

Le délai de prescription de l’action en responsabilité (2 ans)

Toute action en responsabilité contre le transporteur aérien doit être intentée, sous peine de déchéance, dans un délai de deux ans à compter de l’arrivée à destination, ou du jour où l’aéronef aurait dû arriver, ou de l’arrêt du transport.

La Cour de cassation a précisé que ce délai constitue une prescription et non un délai préfix. Il est donc susceptible d’interruption et de suspension selon les règles du droit commun français.

Pour comment agir en justice contre une compagnie aérienne, il est impératif de respecter ces délais et de saisir la juridiction compétente conformément aux règles prévues par l’article 33 de la Convention de Montréal.

À noter que le régime applicable aux marchandises diffère sensiblement de celui concernant l’aperçu des droits des passagers, notamment en matière de déplafonnement de la responsabilité.

Si vous êtes confronté à un litige relatif à une perte, une avarie ou un retard dans l’acheminement de marchandises par voie aérienne, notre équipe d’avocats compétents en droit des transports est à votre disposition pour analyser votre situation et vous accompagner dans vos démarches de réclamation ou contentieuses.

Sources

  • Convention de Montréal du 28 mai 1999 pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international
  • Code des transports français, articles L.6421-1 et suivants, L.6422-1 et suivants
  • Règlement (CE) n°889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002
  • Cour de cassation, arrêt n°21-17.932 du 8 février 2023
  • Cour de cassation, arrêt n°13-28.846 du 30 juin 2015

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