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Prêt usuraire : définition légale, calcul du taux et sanctions pénales et civiles

Table des matières

Le contrat de prêt est un acte courant dans la vie des particuliers et des entreprises, mais sa rémunération est strictement encadrée. Parmi les garde-fous établis par la loi, la prohibition du prêt usuraire est l’un des plus anciens et des plus importants. Il s’agit d’une protection essentielle pour l’emprunteur, visant à le préserver de taux d’intérêt excessifs. Toutefois, définir ce qui constitue un taux usuraire, comprendre comment il est calculé et connaître les sanctions qui y sont attachées relève d’un exercice technique. Le régime de l’usure est en effet l’une des limites fondamentales à la rémunération du prêteur et sa méconnaissance peut avoir de lourdes conséquences, tant pour l’emprunteur que pour l’établissement de crédit.

La notion de prêt usuraire en droit français

Un prêt est qualifié d’usuraire lorsque son taux d’intérêt dépasse un seuil maximal fixé par la loi, appelé le « taux de l’usure ». Plus précisément, l’article L. 314-6 du Code de la consommation définit le prêt usuraire comme tout prêt conventionnel consenti à un Taux Effectif Global (TEG) qui excède, au moment de sa conclusion, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues.

Cette interdiction trouve ses racines dans une longue tradition historique et morale qui, à l’origine, prohibait purement et simplement le prêt à intérêt, assimilé à une exploitation de la misère. Si la rémunération du capital est aujourd’hui une pratique licite et économiquement nécessaire, le législateur a maintenu cette limite pour protéger les emprunteurs les plus vulnérables contre des conditions de crédit abusives. La qualification d’usuraire ne dépend donc pas d’une appréciation subjective du caractère « trop élevé » d’un taux, mais d’une comparaison mathématique avec une référence officielle.

Détermination du taux de l’usure : un cadre réglementaire strict

La fixation du taux de l’usure n’est pas laissée à la libre appréciation des parties ou du juge. Elle obéit à une procédure réglementée, publiée chaque trimestre au Journal Officiel. C’est la Banque de France qui est chargée de calculer les taux effectifs moyens (TEM) servant de base, en réalisant une enquête auprès des établissements de crédit sur les taux qu’ils ont effectivement pratiqués.

Pour chaque catégorie de prêt, le seuil de l’usure est ensuite déterminé en augmentant le TEM de son tiers. Par exemple, si le TEM pour une catégorie de prêts est de 3 %, le taux de l’usure pour le trimestre suivant sera de 3 % + (1/3 * 3 %) = 4 %. Tout prêt de cette catégorie consenti avec un TEG supérieur à 4 % sera considéré comme usuraire. Pour vérifier la conformité d’un prêt, c’est le Taux Effectif Global (TEG) du prêt qui doit être comparé au seuil de l’usure. La méthode de calcul du TEG est donc un enjeu central, car elle doit intégrer l’ensemble des frais qui conditionnent l’octroi du crédit. Pour une analyse approfondie des règles et composantes du TEG, ainsi que de son champ d’application complet, consultez notre guide détaillé.

Calcul du taux de l’usure

La méthode de calcul repose sur deux piliers : la collecte des taux effectifs moyens (TEM) et la segmentation des opérations en catégories homogènes. La Banque de France calcule les TEM en se basant sur une moyenne arithmétique simple des TEG constatés pour les crédits accordés durant le trimestre précédent. Un arrêté ministériel, pris après avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), vient ensuite définir précisément les différentes catégories d’opérations. Cette segmentation est fondamentale, car elle permet de comparer des prêts qui présentent des caractéristiques et des niveaux de risque similaires, garantissant ainsi la pertinence des seuils.

Catégories de prêts concernées

La réglementation distingue plusieurs catégories de crédits pour fixer des seuils de l’usure adaptés à chaque marché. Les distinctions principales s’opèrent entre les crédits accordés aux particuliers et ceux destinés aux professionnels, mais aussi selon la nature du prêt. On trouve ainsi des catégories pour :

  • Les crédits immobiliers (prêts à taux fixe, prêts à taux variable, prêts relais).
  • Les crédits à la consommation, eux-mêmes subdivisés en fonction de leur montant (par exemple, inférieur ou égal à 3 000 euros, entre 3 000 et 6 000 euros, etc.).
  • Les découverts en compte pour les particuliers, qui bénéficient d’un traitement spécifique.
  • Les prêts accordés à certaines personnes morales sans but lucratif.

Cette classification fine permet d’éviter qu’un crédit à la consommation, par nature plus risqué et donc plus cher, soit comparé à un prêt immobilier, généralement assorti de garanties solides.

Le domaine d’application de la prohibition de l’usure

Le champ d’application de la législation sur l’usure a connu une évolution notable. Initialement très large, il a été recentré pour concilier la protection des emprunteurs et les besoins de financement de l’économie.

Les personnes et entités visées par la loi sur l’usure

Historiquement, la prohibition de l’usure s’appliquait à tous les prêts, qu’ils soient consentis à des particuliers ou à des entreprises. Cependant, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique a marqué un tournant majeur. Depuis cette réforme, la protection contre l’usure est principalement réservée aux emprunteurs considérés comme étant dans une position de faiblesse.

Sont aujourd’hui protégés : les personnes physiques qui contractent un prêt pour leurs besoins non professionnels, les personnes morales n’ayant pas d’activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle (comme les associations ou les syndicats de copropriétaires), ainsi que les entrepreneurs individuels pour les découverts en compte.

En revanche, les prêts accordés à une personne physique pour ses besoins professionnels (sauf découverts en compte) ou à une personne morale ayant une activité économique (société commerciale, artisan, etc.) sont exclus du champ de la prohibition de l’usure. Le législateur a estimé que ces acteurs, jugés plus avertis, n’avaient pas besoin de cette protection spécifique et que sa suppression favoriserait leur accès au crédit.

Crédits soumis et exclusions

La quasi-totalité des opérations de crédit est concernée par la législation sur l’usure, dès lors qu’elles sont consenties aux personnes protégées. Cela inclut les prêts amortissables classiques, les crédits renouvelables, les découverts en compte ou encore les ventes à tempérament.

Néanmoins, certaines opérations spécifiques échappent à ce régime. Le cas le plus notable est celui du contrat de crédit-bail. En raison de sa nature juridique hybride, mêlant location et promesse de vente, la jurisprudence considère traditionnellement qu’il n’est pas soumis à la prohibition de l’usure, même si le loyer intègre une composante financière qui peut être élevée.

Application aux contrats internationaux

La question se pose de savoir si la loi française sur l’usure s’applique à un prêt conclu avec un établissement étranger. La jurisprudence qualifie la prohibition de l’usure de loi de police. Concrètement, cela signifie qu’elle est considérée comme une règle impérative, essentielle à l’organisation sociale et économique française. Par conséquent, elle doit être respectée pour tout prêt présentant des liens de rattachement suffisants avec la France, même si le contrat désigne une loi étrangère comme applicable. Un prêteur étranger ne peut donc pas s’affranchir de cette règle s’il accorde un crédit à un consommateur en France.

Les sanctions du prêt usuraire : un dispositif dissuasif

Le législateur a prévu un arsenal de sanctions pour réprimer le prêt usuraire, combinant des mesures civiles visant à rétablir l’équilibre du contrat et des sanctions pénales destinées à punir le prêteur fautif. Pour une exploration plus détaillée des sanctions et des évolutions réglementaires récentes, veuillez consulter notre article dédié.

Sanctions civiles : imputation et restitution

Sur le plan civil, la sanction est organisée par le Code de la consommation et le Code monétaire et financier. Lorsqu’un prêt est jugé usuraire, le contrat n’est pas annulé dans sa totalité. La sanction principale est que toutes les perceptions excessives, c’est-à-dire les intérêts versés au-delà du capital et des intérêts au taux légal, doivent être imputées de plein droit sur les intérêts normaux restant dus. Si ces derniers sont déjà payés, l’imputation se fait sur le capital de la créance.

Si la créance est déjà intégralement remboursée, capital et intérêts compris, le prêteur doit restituer à l’emprunteur les sommes indûment perçues. Ces sommes sont elles-mêmes productives d’intérêts au taux légal, à compter du jour de leur versement par l’emprunteur.

Sanctions pénales : emprisonnement et amende

Le fait de consentir un prêt usuraire constitue un délit. L’article L. 341-50 du Code de la consommation prévoit une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Cette sanction ne vise pas seulement le prêteur, mais aussi toute personne ayant apporté son concours, directement ou indirectement, à l’obtention d’un tel prêt. Un intermédiaire ou un conseiller pourrait donc voir sa responsabilité engagée.

Des peines complémentaires peuvent également être prononcées par le tribunal, telles que la fermeture de l’entreprise pour une durée maximale de cinq ans, ou encore l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou commerciale. Ces sanctions pénales soulignent la gravité que le législateur attache à cette pratique.

Éléments constitutifs du délit et prescription

Pour que le délit d’usure soit constitué, deux éléments doivent être réunis. D’une part, l’élément matériel, qui correspond au fait d’avoir consenti un prêt à un taux dépassant le seuil de l’usure. D’autre part, l’élément intentionnel, qui suppose que le prêteur ait agi en connaissance de cause. La simple négligence ne suffit pas, mais la qualité de professionnel du crédit fait peser une forte présomption sur la connaissance du caractère usuraire du taux.

Le point de départ de la prescription de l’action publique est une particularité notable. Le délit d’usure est considéré comme une infraction continue. La prescription de trois ans ne commence donc à courir qu’à compter du jour de la dernière perception d’intérêts ou de capital par le prêteur. Cela permet à l’emprunteur d’agir pendant toute la durée du remboursement du prêt.

La détermination d’un taux usuraire et la mise en œuvre des sanctions correspondantes mobilisent des connaissances juridiques et financières précises. Les enjeux sont importants, qu’il s’agisse de contester un taux excessif ou de s’assurer de la conformité de ses pratiques de crédit. Face à un contrat de prêt dont le coût vous paraît excessif, l’assistance d’un avocat est indispensable pour évaluer la situation, calculer le TEG avec exactitude et, le cas échéant, engager les actions appropriées. Pour une analyse de votre situation et un conseil sur la stratégie à adopter, contactez notre cabinet.

Sources

  • Code de la consommation (notamment articles L. 314-6 à L. 314-9 et L. 341-50 à L. 341-51)
  • Code monétaire et financier (notamment articles L. 313-5 à L. 313-5-2)
  • Arrêtés ministériels relatifs à la fixation des catégories de prêts pour le calcul du taux de l’usure

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