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Procédures d’insolvabilité et cautionnement : protection ou piège pour la caution ?

Table des matières

Signer un cautionnement, c’est comme marcher sur une corde raide. La chute du débiteur peut entraîner celle de sa caution. Pourtant, des mécanismes existent pour amortir cette chute. Dans un contexte économique tendu, avec la multiplication des défaillances d’entreprises, le sort des cautions préoccupe.

I. Les fondamentaux du cautionnement face à l’insolvabilité

Le cautionnement est accessoire. Quand l’obligation principale disparaît, le cautionnement s’évanouit. Mais ce principe connaît des exceptions en matière d’insolvabilité. Pour une analyse approfondie des récentes modifications législatives du cautionnement, il est essentiel de comprendre leur impact sur la protection des cautions.

« Si nous prenions cette règle au pied de la lettre, le cautionnement n’aurait plus aucune utilité », explique un praticien. Le paradoxe saute aux yeux : cette garantie existe précisément pour protéger contre l’insolvabilité, mais devrait s’éteindre avec elle ?

La Cour de cassation a tranché. Le caractère accessoire cède devant la finalité du cautionnement. L’article 2313, alinéa 2 du Code civil confirme cette logique : l’extinction de l’obligation principale provoque celle du cautionnement. Mais ce texte ne s’applique pas automatiquement en cas d’insolvabilité.

II. Impact des procédures collectives sur la caution

Différentes procédures, différentes protections

Le sort de la caution varie selon la procédure engagée, ce qui influence directement les mécanismes d’extinction du cautionnement et leur adaptation aux procédures d’insolvabilité:

  • Sauvegarde : la caution personne physique bénéficie d’importantes protections
  • Redressement judiciaire : depuis 2021, mêmes protections qu’en sauvegarde
  • Liquidation judiciaire : protections plus limitées

Suspension des poursuites

Le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde suspend les poursuites contre les cautions personnes physiques. Cette protection temporaire dure jusqu’à le jugement arrêtant le plan.

Cette règle fondamentale permet à la caution de respirer pendant la restructuration de l’entreprise. Elle ne s’applique pas aux cautions personnes morales, distinction que certains jugent discutable.

Arrêt du cours des intérêts

À partir du jugement d’ouverture, le cours des intérêts légaux et conventionnels s’arrête. La caution personne physique profite de cette mesure comme le débiteur principal.

Exception notable : les prêts de plus d’un an et les contrats avec paiement différé continuent de générer des intérêts.

Adoption d’un plan et sort de la caution

Les cautions personnes physiques peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde et, depuis 2021, du plan de redressement.

Un tribunal peut ainsi accorder des délais supplémentaires, limités à deux ans. Ces mesures allègent considérablement la charge des cautions.

III. La caution face au surendettement des particuliers

Le principe de non-transmission des mesures de surendettement à la caution reste la règle. L’article 2298, alinéa 2 du Code civil l’affirme clairement : la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires accordées au débiteur insolvable. Ces règles illustrent les spécificités de la protection des cautions en droit français.

La Cour de cassation l’a confirmé en 1996, jugeant que « les remises accordées au débiteur principal dans le cadre d’une procédure de surendettement ne bénéficient pas à la caution. »

Quelques exceptions existent pourtant. Si la caution devient créancière du débiteur après avoir payé la dette, elle peut bénéficier des mesures – à condition d’avoir été avisée par la commission de surendettement.

Pour la caution d’un débiteur surendetté, la meilleure stratégie consiste à négocier directement avec le créancier plutôt qu’à attendre un hypothétique bénéfice des mesures accordées au débiteur.

IV. La déclaration de créance : enjeu décisif

La déclaration de créance constitue une étape clé dans les procédures collectives. Son absence peut entraîner l’inopposabilité de la créance – y compris au préjudice de la caution.

La Cour de cassation considère désormais que le droit de participer aux répartitions représente un droit préférentiel. Le créancier négligent qui omet de déclarer sa créance peut voir la caution déchargée partiellement ou totalement.

La caution peut déclarer elle-même la créance, même avant d’avoir payé. L’article L. 622-34 du Code de commerce lui permet de préserver son recours personnel.

Cette déclaration interrompt la prescription jusqu’à la clôture de la procédure collective. Un arrêt récent l’a précisé : « La déclaration de créance à la procédure collective du débiteur principal, effectuée par la caution qui a payé aux lieu et place de ce dernier, interrompt la prescription de son action contre celui-ci et contre la sous-caution. »

V. Stratégies pratiques pour les cautions

Anticipation et prévention

Avant de signer, exigez une information complète sur la situation financière du débiteur. L’article 2299 du Code civil impose au créancier professionnel un devoir de mise en garde sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur à ses capacités financières.

Limitez votre engagement dans le temps et en montant. Un cautionnement à durée indéterminée peut être résilié à tout moment, mais avec un préavis.

Recours et actions possibles

Après paiement, la caution dispose de deux recours :

  • Le recours personnel contre le débiteur (article 2308)
  • Le recours subrogatoire (article 2309)

Ces recours peuvent être exercés simultanément ou successivement.

La sous-caution comme protection

La sous-caution garantit à la caution le remboursement de ce qu’elle paiera pour le débiteur principal. Ce mécanisme, désormais prévu par l’article 2291-1 du Code civil, offre une protection supplémentaire.

Les banques l’utilisent fréquemment lorsqu’elles se portent caution pour un client. L’efficacité de ce dispositif a été renforcée par la jurisprudence, qui a précisé que la déclaration de créance interrompt la prescription contre la sous-caution.

Les procédures d’insolvabilité modifient profondément le jeu normal du cautionnement. Si la réforme de 2021 a renforcé certaines protections des cautions personnes physiques, elle n’a pas bouleversé l’équilibre fondamental entre protection du créancier et protection de la caution.

Le meilleur conseil reste la vigilance avant l’engagement, et la réactivité après la défaillance du débiteur. Pour une défense stratégique, nos avocats spécialisés en cautionnement sont à votre disposition.

Sources

  • Code civil, articles 2288 à 2320
  • Code de commerce, articles L. 622-28, L. 622-34, L. 626-11, L. 631-14
  • Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 réformant le droit des sûretés
  • Cass. com., 9 octobre 2024, n° 22-18.093
  • Cass. ch. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602
  • Civ. 1re, 13 novembre 1996, n° 94-12.856
  • Civ. 1re, 13 avril 2023, n° 21-23.334

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