huissier qui signifie un acte de procédure

Assignation à l’audience d’orientation (AAO) en matière de saisie immobilière

Table des matières

Recevoir une assignation à l’audience d’orientation (AAO) marque un tournant critique dans la procédure de saisie immobilière. Cet acte, délivré par un commissaire de justice à la demande du créancier poursuivant, convoque le débiteur saisi devant le juge de l’exécution. C’est lors de cette audience charnière que le sort de l’immeuble sera scellé : que la dette soit d’origine professionnelle ou personnelle, comme dans les suites d’un divorce et de la liquidation du régime matrimonial, l’affaire s’orientera soit vers une vente amiable, soit vers une vente forcée aux enchères publiques. La gestion de cette étape est déterminante pour la suite des événements.

Il est important de ne pas confondre cette audience avec celle qui porte le même nom dans le cadre de la procédure civile générale devant le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance). Cette homonymie, introduite par le décret du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, peut prêter à confusion, notamment pour une personne non-initiée ou traversant une situation personnelle complexe comme une procédure de divorce. L’assignation à l’audience d’orientation en matière de saisie immobilière obéit à des règles et des délais spécifiques, dont la maîtrise est essentielle pour la défense des droits du débiteur.

Le cadre temporel strict de l’assignation à l’audience d’orientation

La procédure de saisie immobilière est rythmée par des délais impératifs dont le non-respect peut entraîner des conséquences radicales, notamment la caducité des actes. L’assignation à l’audience d’orientation ne fait pas exception à cette exigence de rigueur.

Le délai pour délivrer l’assignation

Le créancier poursuivant dispose d’un délai strict pour agir. L’assignation doit être délivrée au débiteur dans les deux mois qui suivent la publication du commandement de payer valant saisie au service de la publicité foncière. Le respect de ce délai est crucial : en défaut d’observation, l’article R. 311-11 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que le commandement de payer est frappé de caducité. Une telle sanction met fin à la procédure de saisie, obligeant le créancier, s’il souhaite poursuivre, à reprendre l’ensemble de la procédure depuis le début.

La fixation de la date de l’audience

L’assignation elle-même fixe la date de l’audience d’orientation. Cette date ne peut être choisie librement. Le code de procédure civile impose une « fourchette » précise : la date de l’audience doit être fixée dans un délai compris entre un et trois mois à compter de la délivrance de l’assignation. Cette mesure provisoire vise à laisser au débiteur saisi un temps suffisant pour organiser sa défense et, le cas échéant, constituer un avocat auprès du barreau compétent.

Ces délais peuvent être allongés en fonction du lieu de résidence du débiteur, conformément à l’article 643 du code de procédure civile :

  • Le délai est augmenté d’un mois si le débiteur demeure dans un département ou une collectivité d’outre-mer.
  • Il est augmenté de deux mois si le débiteur réside à l’étranger, qu’il soit ressortissant de l’union européenne ou d’une autre nationalité.

Dans ces hypothèses, l’audience devra donc avoir lieu entre deux et quatre mois, ou entre trois et cinq mois après l’assignation. Il est à noter que si le non-respect du délai maximal de trois mois entraîne la caducité du commandement, la Cour de cassation a jugé que le délai plancher d’un mois, lui, n’est pas prévu à peine de caducité (Cass. 2e civ., 21 févr. 2019, n° 17-27.487). Une assignation pour une audience trop rapprochée constitue une irrégularité de forme qui peut être soulevée, mais elle ne met pas automatiquement fin à la procédure.

Le contenu formel de l’assignation : une garantie des droits du débiteur

L’assignation à l’audience d’orientation est un acte juridique dont le formalisme est lourdement encadré par la loi. L’article R. 322-5 du code des procédures civiles d’exécution énumère une série de mentions obligatoires, conçues pour informer le débiteur de sa situation, de ses droits et des issues possibles de la procédure. L’omission de l’une de ces mentions peut entraîner la nullité de l’acte, sanction qui s’apparente à une peine de nullité procédurale.

Les mentions obligatoires de l’acte d’assignation

Outre les mentions communes à toute assignation prévues par l’article 56 du code de procédure civile (identification des parties, objet de la demande), l’acte doit impérativement contenir les informations suivantes :

  • Lieu, date et heure de l’audience : Pour permettre au débiteur de comparaître à la bonne adresse, au bon jour et à la bonne heure.
  • Objet de l’audience : L’indication que l’audience examinera la validité de la saisie, statuera sur les contestations et fixera les modalités de la procédure, qu’il s’agisse d’une orientation vers la vente amiable ou forcée.
  • Avertissement sur les conséquences de l’absence : Une indication claire que si le débiteur n’est ni présent ni représenté par un avocat, la procédure s’orientera vers une exécution forcée sur la base des seuls éléments fournis par le créancier, une issue dramatique, en particulier dans le cadre d’un divorce où le bien constitué le logement de la famille.
  • Consultation du cahier des conditions de vente : Une sommation de prendre connaissance de ce document essentiel, déposé au greffe du juge de l’exécution ou au cabinet de l’avocat du poursuivant, afin de garantir un accès complet à l’information.
  • Indication de la mise à prix : L’indication du montant de la mise à prix fixée par le créancier, et la possibilité pour le débiteur de la contester si elle est frappée d’une insuffisance manifeste.
  • Possibilité de vente amiable : L’avertissement que le débiteur peut demander au juge l’autorisation de vendre lui-même son bien, à condition de justifier que la vente peut se faire dans des conditions satisfaisantes.
  • Obligation de contester par avocat : Une mention, en caractères très apparents, que toute contestation doit, à peine d’irrecevabilité, être formulée par conclusions d’avocat inscrit au barreau adéquat, au plus tard lors de l’audience d’orientation.
  • Information sur le surendettement : La possibilité de saisir le juge de la commission de surendettement pour demander une suspension de la procédure, une voie souvent envisagée dans des contextes de difficultés financières post-divorce.
  • Dispense d’avocat pour la demande de vente amiable : La précision que, pour cette seule demande, le débiteur n’est pas tenu d’être représenté par un avocat.
  • Aide juridictionnelle : La possibilité de bénéficier de l’aide juridictionnelle, pour garantir un accès équitable à la justice, sous condition de ressources.

La sanction du non-respect du formalisme

L’omission d’une de ces mentions est sanctionnée par la nullité de l’assignation. Il s’agit toutefois d’une nullité pour vice de forme. Cela signifie que la nullité ne sera prononcée par le juge que si la personne qui l’invoque, généralement le débiteur saisi, prouve que l’irrégularité lui a causé un grief, c’est-à-dire un préjudice direct dans l’exercice de ses droits à la défense.

Les enjeux cruciaux de la fixation de la mise à prix

La fixation de la mise à prix est une étape décisive, initiée par le créancier poursuivant. Ce montant, qui doit obligatoirement figurer dans l’assignation, constitue le point de départ des enchères en cas de vente forcée. Sa détermination n’est pas sans risque pour le créancier lui-même.

Le processus de fixation du montant

Le créancier fixe le montant de la mise à prix en se fondant notamment sur les informations recueillies lors de l’établissement du procès-verbal descriptif de l’immeuble. Ce document, rédigé par un commissaire de justice (ou huissier de justice), détaille la consistance du bien, son état et ses conditions d’occupation, permettant ainsi une première évaluation. Le débiteur a la possibilité, lors de l’audience d’orientation, de contester cette mise à prix s’il l’estime frappée d’une insuffisance manifeste au regard de la valeur du marché.

Le risque de carence d’enchères et ses conséquences pour le créancier

Une mise à prix surévaluée est un pari risqué. L’article L. 322-6 du code des procédures civiles d’exécution est sans ambiguïté : « À défaut d’enchère, celui-ci [le créancier poursuivant] est déclaré adjudicataire d’office à ce montant. »

Être déclaré adjudicataire d’office peut placer le créancier dans une situation très délicate pour deux raisons principales, et la situation de cet adjudicataire forcé peut vite devenir un fardeau :

  1. L’objet social de la société créancière : De nombreuses sociétés, notamment les établissements bancaires ou les syndicats de copropriétaires, n’ont pas pour objet social la détention de patrimoine immobilier. Devenir propriétaire d’un bien saisi peut les mettre en infraction avec leurs propres statuts.
  2. L’obligation de payer le prix : L’adjudicataire, même s’il est le créancier, doit payer le prix d’adjudication. Il peut certes opposer la compensation légale avec sa propre créance, mais si le prix est supérieur au montant de sa créance, il devra verser la différence au débiteur saisi.

Exemple n°1 : Un syndicat de copropriétaires poursuit un copropriétaire pour une créance de 5 000 €. En fixant une mise à prix à 50 000 €, il prend le risque, en l’absence d’enchère, d’être déclaré adjudicataire. Après compensation, il deviendrait débiteur de 45 000 € envers le copropriétaire saisi, une situation financière et juridique complexe pour le syndicat, surtout si ce copropriétaire est lui-même en pleine procédure de divorce.

Exemple n°2 : Une banque est déclarée adjudicataire d’un bien immobilier, alors que ses statuts lui interdisent. Elle devra alors mandater une filiale spécialisée pour surenchérir et reprendre l’adjudication, ce qui engendre des frais et des complications supplémentaires pour cet adjudicataire malgré lui.

Une bonne stratégie de fixation de la mise à prix est donc fondamentale, trouvant un équilibre entre l’attractivité pour les enchérisseurs et la protection des intérêts du débiteur et du créancier.

Le déroulement et les issues de l’audience d’orientation

L’audience d’orientation est le cœur de la phase judiciaire de la saisie immobilière. C’est à ce moment que le juge de l’exécution tranche les contestations et décide de la suite de la procédure.

Le rôle central du juge de l’exécution

À l’audience, le juge de l’exécution a pour première mission de vérifier la régularité de la procédure et la validité des conditions de la saisie. Il s’assure que le créancier dispose bien d’un titre exécutoire, même provisoire, constatant une créance liquide et exigible. Il entend les parties, le débiteur saisi et le créancier poursuivant, ainsi que les créanciers inscrits qui seraient intervenus.

La purge des contestations : une étape à ne pas manquer

L’un des rôles fondamentaux de l’audience d’orientation est de purger l’ensemble des contestations. L’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution dispose que toute contestation ou demande incidente doit être soulevée au plus tard lors de cette audience, par conclusions d’avocat. Passé ce stade, il ne sera plus possible de contester la validité du commandement de payer, le montant de la créance (par exemple, une pension alimentaire impayée suite à un divorce pour faute, destinée à l’entretien d’un enfant) ou toute autre irrégularité de la procédure antérieure. Cette règle vise à éviter les manœuvres dilatoires et à sécuriser la procédure. Pour le débiteur, il s’agit de la dernière possibilité de faire valoir ses arguments de fond.

Les deux issues possibles : vente amiable ou vente forcée

À l’issue des débats, le juge rend un jugement d’orientation et sur mesures provisoire qui peut prendre deux directions :

  • L’autorisation de la vente amiable : Si le débiteur en fait la demande et justifie de l’existence de démarches sérieuses pour vendre le bien à un prix conforme au marché, le juge peut autoriser cette vente. Il fixe alors un prix minimum et un délai (généralement quatre mois) pour réaliser la vente.
  • L’ordonnance de la vente forcée : En l’absence de demande de vente amiable, si celle-ci est rejetée, ou si les contestations du débiteur sont écartées, le juge ordonne la vente forcée du bien aux enchères publiques (adjudication). Il fixe alors la date de l’audience d’adjudication.

Cette décision du juge du tribunal constitue un véritable carrefour procédural qui engage définitivement le sort de l’immeuble saisi.

Que faire en tant que débiteur face à une assignation à l’audience d’orientation ?

Recevoir une telle assignation est une situation anxiogène. Cependant, le débiteur n’est pas démuni et dispose de plusieurs leviers d’action pour défendre ses intérêts, à condition d’agir vite et de manière éclairée.

L’importance de la représentation par un avocat

Sauf pour la simple demande de vente amiable, la représentation par un avocat est obligatoire pour toute contestation ou demande devant le juge de l’exécution. Tenter de se défendre seul sur des points de droit complexes serait illusoire et voué à l’échec, les contestations devant être formées par des conclusions écrites et motivées, après une véritable prise en charge du dossier et sa mise en état par ce professionnel du droit. L’assistance d’un maître ou avocat compétent en saisie immobilière, inscrit au bon barreau, est la meilleure garantie pour explorer toutes les options de défense. Contrairement à une procédure civile classique où le juge de la mise en état (JME) gère l’instruction, ici, l’audience d’orientation concentre les débats. C’est une distinction fondamentale, notamment pour les époux en divorce judiciaire qui sont souvent familiers de l’intervention du JME dans leur autre procédure.

Les stratégies de contestation possibles

À l’audience d’orientation, plusieurs angles de contestation peuvent être envisagés, selon le dossier :

  • La nullité des actes de procédure : Vérifier si le commandement de payer ou l’assignation respectent le formalisme imposé par la loi. La forme de chaque acte est cruciale.
  • La contestation de la créance : Remettre en cause le montant réclamé par le créancier, soulever une éventuelle prescription ou l’absence de titre exécutoire valable, un point crucial dans les suites d’un divorce où les dettes communes sont souvent un point de litige.
  • La contestation de la mise à prix : Démontrer, expertises à l’appui, que la mise à prix est manifestement trop basse et lèse les intérêts du débiteur.

La demande de vente amiable : une option à évaluer avec soin

La vente amiable peut sembler une solution préférable à la vente forcée, car elle permet souvent d’obtenir un meilleur prix et donne au débiteur un rôle actif. Cependant, elle est soumise à des conditions strictes et à un délai contraint. Avant de formuler cette demande, il est essentiel d’avoir déjà engagé des démarches sérieuses (mandat de vente, offre d’achat) pour convaincre le juge du réalisme du projet. Sans préparation, une telle demande a peu de chances d’aboutir et pourrait faire perdre un temps précieux.

La procédure de saisie immobilière et son audience d’orientation sont complexes et lourdes de conséquences, particulièrement lorsqu’elles s’inscrivent dans un contexte de divorce. Chaque étape, chaque délai et chaque mention comptent. Un accompagnement par notre cabinet d’avocats expert en saisie immobilière vous assure une défense rigoureuse et une stratégie adaptée à votre situation personnelle.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (notamment articles L. 311-1 et suivants, R. 311-1 et suivants)
  • Code de procédure civile (notamment article 643)
  • Code civil

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