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Le contrat de transport routier de marchandises : cadre légal et points de vigilance

Table des matières

Le contrat est la pierre angulaire de toute relation commerciale, et le secteur du transport routier de marchandises (TRM) ne fait pas exception. Qu’il s’agisse d’un envoi ponctuel ou d’une collaboration régulière, l’accord conclu entre le donneur d’ordre (expéditeur ou commissionnaire) et le transporteur définit les droits et obligations de chacun. Cependant, pour protéger les acteurs, assurer une concurrence saine et garantir la sécurité, la loi encadre strictement la liberté contractuelle dans ce domaine. Ignorer ce cadre légal peut exposer les parties à des litiges coûteux et à des sanctions. Cet article explore les règles essentielles qui régissent le contrat de transport routier de marchandises en France, un élément clé de la réglementation globale du secteur.

Les éléments essentiels du contrat de transport

Même si un accord verbal peut exister, la complexité des opérations de transport et les exigences légales rendent un contrat écrit fortement recommandé, voire implicitement requis par la nécessité de mentionner certaines clauses. La loi (notamment la LOTI et le Code de commerce) impose que le contrat définisse clairement plusieurs éléments fondamentaux.

Les clauses obligatoires

Tout contrat de transport routier de marchandises doit préciser a minima :

  • La nature et l’objet précis du transport : Quelles marchandises ? Quelle quantité ? Quelles spécificités (marchandises dangereuses, sous température dirigée, etc.) ?
  • Les modalités d’exécution : Le point d’enlèvement et le point de livraison, l’itinéraire s’il est convenu, les délais impartis.
  • Les obligations respectives des parties : Qui charge ? Qui décharge ? Qui est responsable de l’emballage, du calage ? Quelles sont les obligations d’information ?
  • Le prix du transport et des prestations accessoires : Le fret principal, mais aussi les coûts additionnels éventuels (attente, manutention spécifique, assurance ad valorem…).

Ces éléments de base sont indispensables pour cadrer l’opération.

La lettre de voiture : plus qu’un simple document d’accompagnement

La lettre de voiture (nationale ou internationale CMR) matérialise le contrat de transport et sert de preuve de la prise en charge de la marchandise et des instructions données au transporteur. Elle doit accompagner la marchandise tout au long du trajet et contenir des informations essentielles (nom et adresse de l’expéditeur, du destinataire, du transporteur, lieu et date de prise en charge, lieu de livraison prévu, nature et quantité de la marchandise, frais afférents au transport, instructions particulières…). Elle est établie en plusieurs exemplaires (un pour l’expéditeur, un qui suit la marchandise, un conservé par le transporteur). Sa bonne rédaction est fondamentale, car elle fait foi (sauf preuve contraire) des conditions du contrat et de l’état apparent de la marchandise au moment de la prise en charge. Ne pas l’établir ou la remplir de manière incomplète peut engager la responsabilité des parties en cas de litige.

La définition des temps d’exécution et des pénalités

Pour éviter les abus liés aux temps d’attente excessifs au chargement ou au déchargement, la loi impose que le contrat (ou les conditions générales qui s’y appliquent) définisse clairement les temps alloués pour ces opérations. Plus important encore, le contrat doit prévoir les modalités de calcul :

  • D’une rémunération complémentaire due au transporteur en cas de dépassement de ces temps par le fait du donneur d’ordre ou du destinataire.
  • Des pénalités dues par le transporteur si le retard dans l’exécution du transport (enlèvement ou livraison) est de son fait.

L’absence de ces clauses rendrait le contrat non conforme.

L’encadrement strict du prix du transport

La fixation du prix est un élément central du contrat, mais elle n’est pas totalement libre. Pour préserver la viabilité économique des entreprises de transport, souvent soumises à une forte pression concurrentielle, et pour des raisons de sécurité, le législateur a posé plusieurs garde-fous.

Juste rémunération et interdiction du transport à perte

La loi affirme le principe selon lequel les conditions du contrat doivent permettre une juste rémunération du transporteur, assurant la couverture des coûts réels du service rendu dans des conditions normales d’organisation et de productivité. Cette disposition fonde l’interdiction du « transport à perte ».

Offrir ou pratiquer sciemment un prix abusivement bas, inférieur aux coûts de revient de la prestation (en tenant compte des charges directes et indirectes), est une infraction pénale lourdement sanctionnée (amende pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros). Cette interdiction vise non seulement le transporteur qui accepterait de travailler à perte, mais aussi et surtout le donneur d’ordre (client ou commissionnaire) qui imposerait de tels tarifs. Prouver le caractère abusivement bas d’un prix peut être complexe et s’appuie souvent sur les coûts de référence publiés par le Comité National Routier (CNR). Le respect de cette règle est lié à l’exigence de capacité financière nécessaire pour exercer.

L’indexation obligatoire sur le coût du carburant (pied de facture gasoil)

Face à la volatilité des prix du carburant, qui représente une part significative des coûts d’exploitation, la loi impose un mécanisme d’indexation obligatoire. Tout contrat de transport doit comporter une clause précisant les modalités de répercussion de la variation du coût du gazole sur le prix du transport. Cette répercussion doit apparaître distinctement sur la facture (« pied de facture gasoil »). Le non-respect de cette obligation est sanctionné.

Interdiction des clauses de rémunération dangereuses

Est nulle de plein droit toute clause de rémunération (principale ou accessoire, dans le contrat de transport ou même dans le contrat de travail du conducteur) qui serait de nature à compromettre la sécurité. Est notamment visée toute prime ou rémunération variable qui inciterait directement ou indirectement le conducteur à dépasser les temps de conduite ou de travail autorisés par la réglementation sur la circulation.

Rémunération des prestations annexes

Le principe est que toute prestation réalisée doit être rémunérée. Les contrats ne peuvent pas prévoir des rémunérations forfaitaires qui masqueraient des prestations non payées, comme les temps d’attente excessifs. Si le contrat prévoit des franchises de temps pour le chargement/déchargement, tout dépassement doit donner lieu à rémunération complémentaire, selon les modalités prévues au contrat.

La sous-traitance dans le transport routier

La sous-traitance est une pratique courante dans le TRM, mais elle est également encadrée pour éviter les abus et la dilution des responsabilités.

Un recours limité et encadré

En principe, un transporteur qui conclut un contrat de transport doit l’exécuter lui-même. Il ne peut recourir à la sous-traitance que dans deux cas principaux :

  1. S’il a lui-même la qualité de commissionnaire de transport (profession également réglementée).
  2. Dans des cas exceptionnels et limités, comme une surcharge temporaire et imprévisible d’activité qui le mettrait dans l’impossibilité matérielle d’exécuter le contrat avec ses propres moyens.

Dans ce second cas, le recours à la sous-traitance doit faire l’objet d’un enregistrement et d’une déclaration auprès de l’administration.

Responsabilité du donneur d’ordre

Le donneur d’ordre qui recourt à un sous-traitant reste vigilant. Une loi spécifique de 1992 vise à protéger le sous-traitant contre les prix abusivement bas. Le donneur d’ordre (transporteur principal ou commissionnaire) peut être sanctionné pénalement s’il conclut un contrat de sous-traitance à un prix ne couvrant pas les charges du prestataire sous-traitant.

Le contrat type de sous-traitance

Il existe un contrat type spécifique qui s’applique, sauf convention écrite contraire, aux relations entre le transporteur principal (donneur d’ordre) et le transporteur sous-traitant (exécutant). Il définit notamment les obligations d’information réciproques et les responsabilités.

Les contrats types : un filet de sécurité juridique

Pour simplifier les relations contractuelles et offrir un cadre juridique clair en l’absence d’accord écrit détaillé entre les parties, la loi a prévu l’établissement de contrats types.

Principe d’application supplétive

Ces contrats types, approuvés par décret après avis des organisations professionnelles, s’appliquent de plein droit à défaut de convention écrite contraire entre les parties. Si un contrat écrit existe mais est silencieux sur certains points, les dispositions correspondantes du contrat type applicable viendront le compléter. Ils constituent donc une référence et un « filet de sécurité ».

Les principaux contrats types

Il existe un contrat type général applicable à tous les transports pour lesquels il n’existe pas de contrat type spécifique. À côté de cela, des contrats types spécifiques ont été élaborés pour tenir compte des particularités de certains transports :

  • Transports de marchandises périssables sous température dirigée.
  • Transports en citernes.
  • Transports d’animaux vivants.
  • Transports de fonds et valeurs.
  • Transports de véhicules roulants.
  • Transports d’objets indivisibles (transports exceptionnels).
  • Location de véhicule industriel avec conducteur.
  • Contrat de sous-traitance (mentionné plus haut).

Il est important pour les donneurs d’ordre comme pour les transporteurs de connaître le contenu du contrat type qui régit potentiellement leur activité, car ses clauses (responsabilité, délais, paiement, etc.) s’appliqueront si leur propre contrat est inexistant ou incomplet. Récemment, la loi a précisé que pour les transports internationaux, les contrats types français n’ont qu’une application supplétive et ne peuvent primer sur les dispositions des conventions internationales (comme la CMR).


Le contrat de transport routier de marchandises est bien plus qu’un simple accord commercial. Il est un acte juridique encadré par des règles impératives visant à équilibrer les relations entre les parties, à assurer la juste rémunération du transporteur et à garantir la sécurité. La rédaction et la négociation de ces contrats demandent une attention particulière aux clauses obligatoires, à l’encadrement des prix, aux règles de sous-traitance et à l’existence des contrats types. Une bonne maîtrise de ce cadre légal est indispensable pour sécuriser ses opérations et prévenir les litiges.

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Sources

  • Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI), modifiée (notamment articles 6, 8, 9, 32, 33).
  • Code de commerce (notamment articles L132-8, L132-9 concernant la lettre de voiture).
  • Code des transports.
  • Loi n° 95-96 du 1er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats (…) (article 23-1 sur le transport à perte, article 24 sur l’indexation gasoil).  
  • Loi n° 92-1445 du 31 décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le domaine du transport routier de marchandises.
  • Décrets portant approbation des contrats types applicables aux transports publics routiers de marchandises (Décret n° 99-269 du 6 avril 1999 pour le contrat type général, et décrets spécifiques pour les autres types de transport, la location et la sous-traitance).

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