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L’ordonnance d’injonction de payer est une procédure de recouvrement de créances simplifiée. Ces ordonnances peuvent être contestées, dans certains cas, très tardivement. Que se passe-t-il si, entre l’ordonnance et sa contestation, une cession de créance est intervenue ?
L’opposition tardive à l’ordonnance d’injonction de payer
La procédure d’injonction de payer est une procédure simplifiée de recouvrement de créance. Elle permet d’obtenir une ordonnance portant injonction de payer. Cette ordonnance a des modalités de contestation spécifiques.
En effet, elle peut être contestée dans le mois de sa signification. Mais si cette signification n’est pas faite à personne, elle peut être contestée :
– dans le mois de la première signification à personne,
– ou de la première mesure d’exécution forcée (saisie des comptes, des meubles, etc.)
En pratique, il est courant que la première signification à personne ait lieu plusieurs années après l’obtention de l’ordonnance. Le dossier le plus ancien que nous avons traité concernait une ordonnance âgée de 28 ans au moment de l’opposition !
Voir aussi : La procédure d’injonction de payer
Ce schéma peut surprendre au premier abord, et pourtant il est tout à fait courant. Cela résulte généralement d’une ou plusieurs cession(s) de créance(s).
Voir aussi : Retrait litigieux et cession de créance : comment ça marche en 2024 ?
La cession de créance est un mécanisme par lequel un établissement de crédit cède un portefeuille de créances. Ces créances sont généralement cédées à un organisme de recouvrement ou à un fonds de titrisation. Ces fonds sont des placements boursiers qui permettent à des investisseurs de spéculer sur le recouvrement.
Lorsque ces mécanismes sont mis en oeuvre, des créances qui dorment pendant des années peuvent être remises au recouvrement par les organismes qui les ont rachetées.
Cela nous amène à nous interroger : quelles interférences avec le droit au retrait litigieux ?
L’opposition et le droit au retrait litigieux
L’article 1699 du code civil dispose :
« Celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite. »
La créance qui était litigieuse au moment de sa cession peut être rachetée au cessionnaire, à son prix de rachat. Ce prix de rachat ne représente qu’une fraction du montant de la créance.
Une créance est litigieuse lorsqu’elle fait l’objet d’une procédure judiciaire au moment de sa cession.
En matière d’injonction de payer, il est tout à fait courant que le débiteur ignore totalement l’existence de l’ordonnance. En effet, si elle n’a pas été signifiée à personne, et jamais exécutée, le débiteur a toutes les raisons de l’ignorer.
Cela signifie qu’il ne peut techniquement pas l’avoir contestée au moment de la cession.
Est-ce une raison valable de le priver du droit de racheter cette créance ?
La cour de cassation répond, sans aucune ambiguïté, par l’affirmative. Sa première chambre civile, dans une décision en date du 6 septembre 2017 (n° 15-23.722), nous dit en effet que :
« Attendu que, pour admettre le droit de retrait de Mme X sur le fondement de l’article 1699 du code civil, l’arrêt retient que, n’ayant pas été signifiée à personne avant la cession de créance, l’ordonnance d’injonction de payer pouvait ultérieurement être frappée d’opposition, de sorte qu’elle ne constituait pas un titre fixant définitivement la créance et qu’au jour de la cession, le droit de la société était litigieux ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, le droit cédé n’avait fait l’objet d’aucune contestation sur le fond antérieurement à la cession, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »
La cour de cassation fait là une interprétation stricte des articles 1699 à 1701 du code civil. Elle considère, sur le fond, que le droit au retrait litigieux est un droit dérogatoire qui ne peut être appliqué qu’à titre exceptionnel.
On ne peut que le regretter : le recouvrement de créances est devenu au fil des ans une activité spéculative. C’est particulièrement vrai concernant les fonds de titrisation qui ont pour seule logique le rendement. Cela aboutit au détournement de techniques de recouvrement à des fins purement commerciales et économiques. Pour toute question relative à ces procédures complexes et à la protection de vos droits en tant que débiteur, n’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé en recouvrement de créances.
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