Décortiquer en quelques minutes une notion de droit bancaire : la déchéance du terme
La notion de déchéance du terme
Déchoir son cocontractant du terme, c’est le priver du délai qu’on lui avait initialement accordé pour exécuter son obligation.
Dans le cas d’un contrat de crédit sur trois ans, cela revient à mettre fin à l’échéancier de trois ans qui était prévu.
Les conséquences de la déchéance du terme sont redoutables puisqu’il faut mobiliser la totalité des sommes dues et les rembourser immédiatement.
La déchéance du terme doit être prévue par les clauses du contrat.
En effet, différents évènements sont susceptibles d’entraîner le prononcé de la déchéance du terme. Le contrat doit donc les lister.
Le prêt immobilier, par exemple, est ce que l’on appelle un « crédit affecté ». En tant que tel, il est affecté à l’achat d’un bien immobilier. Si le bien est vendu sans que le prêt ne soit remboursé, la banque pourra prononcer la déchéance du terme. Cela aura pour effet de rendre le capital restant dû immédiatement exigible.
Pour autant, le motif le plus courant de déchéance du terme est le défaut de paiement. En cas de retard de paiement de l’emprunteur, la banque prononcera la déchéance du terme. Cette déchéance du terme aura pour effet de résilier le contrat. Cela rendra exigibles toutes les échéances futures, ce que l’on appelle le capital restant dû.
Les règles, en la matière, sont fixées :
Pour le crédit à la consommation, à l’article L. 312-39, alinéa 1e, du code de la consommation :
En cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
Pour le crédit immobilier, à l’article L. 313-51, alinéa 1e, du code de la consommation :
Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
Par exemple :
Madame X a souscrit un prêt immobilier auprès de la BANQUE Z.
Elle devait encore honorer 40 échéances de 1 000 euros lorsqu’elle rencontre des difficultés financières.
La banque prononce alors la déchéance du terme.
Madame X doit alors rembourser les 40 échéances qui restaient dues (40 000 €) et les échéances impayées.
La procédure qui précède la déchéance du terme est toutefois encadrée.
Le prononcé de la déchéance du terme
Madame X accuse quelques retards de paiement. Comment savoir si la banque a prononcé la déchéance du terme ?
La banque pourra, dans un premier temps, se contenter de majorer le taux du prêt. Le code de la consommation l’autorise, en effet, à appliquer une pénalité de 3 points maximum. Ce taux sera alors appliqué jusqu’à ce que le retard de paiement soit résorbé.
Les règles applicables en matière de prescription vont toutefois la contraindre à réagir plus durement. Les banques sont, effet, soumises à un délai de prescription de 2 ans. Cela signifie qu’elles ne peuvent pas attendre indéfiniment.
La procédure qu’elles devront suivre sera alors encadrée. En effet, le code de la consommation dit simplement que la déchéance du terme pourra alors être prononcée.
La jurisprudence a toutefois ajouté une contrainte supplémentaire. La cour de cassation, en effet, a précisé dès 2015 que la déchéance du terme doit être précédée d’une mise en demeure.
On parle habituellement de mise en demeure préalable (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 14-15.655, Bull. 2015 n° 6, I, n° 131) :
[…] si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;
Cette jurisprudence était toutefois, en pratique, très peu respectée. Les juges et les juridictions approuvaient régulièrement des déchéances du terme prononcées sans mise en demeure préalable.
S’il rencontre des difficultés de paiement, l’emprunteur a tout intérêt à faire appel à un avocat pour le conseiller.
Il est en effet possible d’éviter la déchéance du terme.
Si sa situation est gravement compromise, il pourra lui être conseillé de saisir la commission de surendettement.
La jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne
La cour de justice de l’Union européenne a alors précisé que :
- La clause de déchéance du terme devait être proportionnée, et qu’elle devait permettre au consommateur de remédier à ses effets (CJUE, 26 janvier 2017, Banco Primus SA contre Jesús Gutiérrez García, C-421/14).
- La clause de déchéance du terme devait être qualifiée d’abusive lorsqu’elle créait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur (CJUE, 8 décembre 2022, QE contre Caisse régionale de Crédit mutuel de Loire-Atlantique et du Centre Ouest, C-600/21).
Cela a conduit la cour de cassation à réitérer que la déchéance du terme devait être précédée d’une mise en demeure. Surtout, elle a ajouté que cette mise en demeure devait laisser au débiteur un préavis d’une durée raisonnable.
Cela a mis un terme à une pratique courante, consister à fixer un délai de mise en demeure de 8 jours.
Ces clauses ont été accusées par la cour de cassation de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Elles ont donc été qualifiées d’abusives (Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044, Publié au bulletin) :
[…] la clause qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement […]
Au demeurant, ce n’est pas la seule évolution marquante de ces dernières années. La cour de justice de l’Union européenne a, en effet, précisé que le juge de l’exécution pouvait se prononcer à propos des clauses abusives.
Le juge de l’exécution peut donc apprécier le caractère abusif de la clause de déchéance du terme. Mais pas seulement : toutes les clauses abusives sont concernées. Cela nous permet d’importer le contentieux des clauses abusives, dans l’univers du recouvrement de créance.