Taux usuraire : éléments constitutifs et méthodes de calcul du TEG et du TAEG

Table des matières

Le taux effectif global (TEG), remplacé pour certains crédits par le taux annuel effectif global (TAEG), représente bien plus qu’un simple pourcentage dans un contrat de prêt. Il constitue l’expression chiffrée du coût total et réel du crédit pour l’emprunteur. Sa détermination, qui obéit à des règles juridiques et mathématiques strictes, est un enjeu de transparence essentiel dans la relation entre le prêteur et son client. Une erreur dans son calcul peut avoir des conséquences financières importantes et justifier une action en justice. Comprendre sa composition et ses méthodes de calcul est donc une étape fondamentale pour tout emprunteur souhaitant s’engager en pleine connaissance de cause, un aspect central de la réglementation de l’usure en droit français : guide complet.

Appréciation du taux usuraire : principes généraux

L’usure, c’est-à-dire le fait de prêter de l’argent à un taux d’intérêt excessivement élevé, est une pratique encadrée pour protéger les emprunteurs. L’appréciation de son caractère usuraire ne se fait pas sur la base du seul taux d’intérêt nominal, mais par la comparaison du coût réel du crédit avec des seuils légaux. C’est le TEG ou le TAEG qui sert de référence pour cette comparaison.

Le TEG comme coût réel du crédit : historique et objectif

L’introduction du taux effectif global par la loi du 28 décembre 1966 a marqué une rupture avec une conception limitée du coût du crédit. Auparavant, seul le loyer de l’argent, c’est-à-dire le taux d’intérêt conventionnel, était pris en compte. Cette approche masquait une part importante de la charge financière réelle supportée par l’emprunteur, disséminée dans une multitude de frais annexes. L’objectif du législateur était donc double : informer l’emprunteur et assainir les pratiques. En imposant d’inclure dans une notion homogène non seulement les intérêts, mais aussi tous les frais, commissions et rémunérations conditionnant l’octroi du prêt, le TEG vise à donner une vision exhaustive et transparente du coût de l’opération.

L’influence des erreurs minimes et la jurisprudence

Le calcul du TEG est une opération complexe, source de nombreux contentieux. Face à des erreurs de calcul, la question de leur impact s’est posée. La Cour de cassation a développé une jurisprudence considérant que les erreurs minimes, c’est-à-dire celles dont l’écart avec le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par la réglementation (prévue à l’ancien article R. 313-1 du Code de la consommation), ne justifient pas l’application de la sanction. Cette position, bien que pragmatique, est parfois critiquée par les juges du fond. Ils soulignent qu’elle peut valider des calculs inexacts et que même un écart infime, rapporté à la durée et au montant du prêt, n’est pas neutre pour l’emprunteur. Ces décisions judiciaires ont des répercussions directes sur les droits des emprunteurs, notamment concernant les erreurs de TAEG et la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dans le panorama du droit bancaire 2025.

Les éléments constitutifs du taux effectif global (TEG)

Selon l’article L. 314-1 du Code de la consommation, le calcul du TEG doit intégrer, en plus des intérêts, « les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt ». Le principe est donc celui de l’exhaustivité : toute dépense qui constitue une condition imposée à l’emprunteur pour obtenir le financement doit être prise en compte.

Les intérêts : base de calcul et problématique de l’année bancaire/civile

Les intérêts représentent la rémunération du capital prêté et constituent le cœur du TEG. Une difficulté technique, mais fondamentale, réside dans la base de calcul de ce taux annuel. Les banques ont longtemps utilisé « l’année lombarde » ou « bancaire », qui compte 360 jours, pour calculer les intérêts. Cette pratique a pour effet de majorer mécaniquement le coût du crédit par rapport à un calcul basé sur l’année civile (365 ou 366 jours). La Cour de cassation a tranché de manière claire : le TEG doit impérativement être calculé sur la base de l’année civile. Pour les prêts aux consommateurs et les crédits immobiliers, une clause faisant référence à l’année de 360 jours pour le calcul du taux conventionnel est réputée non écrite, entraînant la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel (Civ. 1re, 19 juin 2013).

Les dates de valeur : prise en compte ou exclusion

Les dates de valeur sont les dates comptables à partir desquelles une opération de crédit ou de débit produit des intérêts. Leur manipulation peut artificiellement augmenter la durée du prêt et donc son coût. La jurisprudence distingue deux situations. Si les dates de valeur correspondent à des délais techniques réels et incompressibles liés aux opérations d’encaissement, elles n’ont pas à être intégrées dans le calcul du TEG. En revanche, si elles ont pour effet de différer la mise à disposition des fonds ou d’anticiper le remboursement de manière injustifiée, elles dissimulent une augmentation du taux et doivent donc être prises en compte.

Les frais et commissions : dossier, sûretés, intermédiaires, forçage, parts sociales, préfinancement

La liste des frais à intégrer est longue et dépend des spécificités de chaque prêt. L’idée directrice reste la même : le frais est-il une condition d’octroi du crédit ?
Parmi les plus courants, on retrouve :

  • Les frais de dossier, qui rémunèrent l’étude et le montage du prêt.
  • Les frais de constitution de sûretés (hypothèque, caution), lorsque ces garanties sont exigées par le prêteur.
  • Les frais et commissions versés à des intermédiaires, comme les courtiers en crédit. Ce point est particulièrement sensible, car l’impact de la rémunération des IOBSP sur le calcul du TEG/TAEG est une source fréquente d’erreurs.
  • Les frais dits « de forçage », prélevés lors d’opérations excédant un découvert autorisé, sont considérés comme la rémunération d’un crédit complémentaire et doivent être inclus.
  • La souscription de parts sociales, si elle est imposée par une banque mutualiste ou coopérative pour l’obtention du prêt.
  • Les frais de préfinancement, liés à la période qui précède le déblocage total des fonds. Attention toutefois, la jurisprudence a précisé que les intérêts intercalaires versés durant cette phase peuvent ne pas être inclus s’ils ne sont pas déterminables au moment de la signature du contrat, notamment dans le cas d’un déblocage progressif des fonds.

Les primes d’assurances : facultatives ou obligatoires

La distinction est ici capitale. Si la souscription d’une assurance (décès-invalidité, par exemple) est imposée par le prêteur comme une condition pour accorder le prêt, son coût doit être intégralement intégré dans le calcul du TEG. Peu importe que l’emprunteur choisisse l’assurance proposée par la banque ou un contrat externe en délégation. À l’inverse, si l’assurance est purement facultative et que l’emprunteur aurait pu obtenir son prêt sans y souscrire, ses primes sont exclues du calcul. Le caractère obligatoire ou facultatif doit être clairement établi dans l’offre de prêt.

La clause pénale : exclusion du calcul du TEG

Une clause pénale a pour objet de fixer à l’avance le montant des dommages et intérêts dus par l’emprunteur en cas de manquement à ses obligations, typiquement un défaut de remboursement. La jurisprudence est constante pour exclure ces pénalités du calcul du TEG. La raison est logique : la clause pénale ne rémunère pas le crédit en lui-même, mais sanctionne une inexécution contractuelle. Elle n’est pas un élément du coût normal de l’opération, mais la conséquence d’une défaillance de l’emprunteur.

Les méthodes de calcul du TEG

Au-delà des éléments à inclure, la méthode mathématique utilisée pour le calcul est également encadrée. Une controverse a longtemps opposé deux approches : la méthode proportionnelle et la méthode par équivalence.

La méthode proportionnelle : principe et application

La méthode proportionnelle est la plus simple. Pour obtenir un taux de période (par exemple, mensuel), on divise le taux annuel par le nombre de périodes dans l’année (par 12 pour un mois). La Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 9 janvier 1985, a imposé cette méthode pour le calcul du TEG, écartant la méthode par équivalence. Cette dernière, bien que plus juste sur un plan actuariel car elle tient compte des intérêts composés, a été jugée comme reposant sur une fiction. Le décret du 4 septembre 1985 a entériné ce choix, faisant de la méthode proportionnelle la référence pour la majorité des crédits soumis au TEG, notamment les prêts aux professionnels.

Les hypothèses particulières : prêt amortissable, découvert en compte, escompte

La réglementation prévoit des adaptations pour certains types de crédit. Pour un prêt amortissable, le calcul doit tenir compte du remboursement progressif du capital, qui diminue l’assiette des intérêts au fil du temps. Pour un découvert en compte, le TEG est calculé selon la « méthode des nombres », qui pondère chaque solde débiteur par sa durée en jours. Enfin, pour une opération d’escompte, le taux est déterminé en rapportant le total des charges (intérêts, commissions) au montant nominal de l’effet de commerce escompté.

Le taux annuel effectif global (TAEG) : harmonisation européenne et spécificités

L’influence du droit européen a conduit à l’introduction du TAEG, qui coexiste aujourd’hui avec le TEG et le remplace dans certains domaines.

Introduction du TAEG et son champ d’application

Issu de directives européennes visant à harmoniser l’information des consommateurs, le TAEG est devenu la référence obligatoire pour les crédits à la consommation et les crédits immobiliers consentis aux particuliers. Sa principale spécificité technique est qu’il est calculé, à l’inverse du TEG, selon la méthode d’équivalence. Il s’agit donc d’un taux actuariel, qui reflète plus précisément le coût du crédit en intégrant la capitalisation des intérêts. Son objectif est de permettre une comparaison fiable des offres de crédit entre différents établissements et différents pays de l’Union européenne.

Les éléments inclus et exclus du coût total du crédit

La base de calcul du TAEG est définie comme le « coût total du crédit pour l’emprunteur ». Elle reprend en grande partie les éléments constitutifs du TEG. Sont ainsi inclus les frais de dossier, les coûts des garanties obligatoires, les frais d’intermédiaires, ou encore le coût de l’évaluation du bien immobilier financé. En revanche, le coût total du crédit exclut explicitement les frais d’acquisition de l’immeuble comme les frais d’actes notariés, ainsi que les sommes dues par l’emprunteur en cas de non-respect de ses obligations contractuelles.

Contestations et vérification du TEG/TAEG : l’importance d’un avis expert

La complexité des règles applicables au TEG et au TAEG, tant dans les éléments à intégrer que dans les méthodes de calcul, est une source importante de contentieux. Les enjeux sont de taille, car la sanction d’une erreur ou d’une omission peut aller jusqu’à l’annulation de la stipulation d’intérêts conventionnels et son remplacement par le taux d’intérêt légal, bien plus faible, ou à la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur. La vérification de la conformité d’un TEG ou TAEG exige une double compétence, à la fois juridique pour interpréter la réglementation et la jurisprudence, et financière pour procéder à une analyse mathématique rigoureuse du contrat. Un emprunteur qui a un doute sur le taux appliqué à son crédit a donc tout intérêt à faire appel à un avocat compétent en la matière pour faire valoir ses droits. Une analyse approfondie du contrat de prêt est souvent le seul moyen de déceler une anomalie et d’engager, si nécessaire, les démarches appropriées.

Si vous avez des interrogations sur le calcul du taux de votre crédit et souhaitez sécuriser vos intérêts, notre cabinet peut vous fournir un conseil juridique en droit du crédit pour évaluer votre situation.

Sources

  • Code de la consommation
  • Code monétaire et financier

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR