Personne consultant son compte bancaire et des documents de saisie-attribution dans un cadre français. Reflète la période de régularisation.

Saisie-attribution sur comptes bancaires : régularisation des opérations et calcul du solde saisissable

Table des matières

Une saisie-attribution sur un compte bancaire n’est pas un événement instantané, mais le point de départ d’une démarche complexe. Contrairement à une idée répandue, le solde disponible au jour de la saisie n’est que provisoire. La loi impose en effet une période de régularisation technique, destinée à apurer les transactions engagées avant la mesure mais non encore inscrites au compte. Cette phase, souvent méconnue, est pourtant déterminante pour le calcul du montant qui sera définitivement appréhendé. Avant d’explorer les mécanismes de cette liquidation, il est utile de rappeler le fonctionnement de la saisie-attribution et ses implications générales.

Comprendre le cadre général et la période de régularisation d’une saisie-attribution bancaire

La saisie sur compte bancaire est une procédure d’exécution forcée encadrée par des règles strictes, notamment en ce qui concerne l’indisponibilité des fonds et les délais accordés pour clarifier la situation comptable.

Principes fondamentaux de la saisie-attribution sur comptes de dépôt

La saisie-attribution permet à un créancier, muni d’un titre exécutoire, de saisir les sommes d’argent dues à son débiteur par un tiers. Lorsqu’elle vise un compte bancaire, le tiers saisi est l’établissement financier. Les principes fondamentaux de la saisie sur les comptes de dépôt impliquent un effet de surprise, rendant les fonds indisponibles dès l’intervention du commissaire de justice auprès de la banque. Cette mesure peut concerner tous les types de comptes de dépôt où sont inscrites des créances de sommes d’argent, qu’il s’agisse de comptes courants, de comptes à terme ou de comptes d’épargne, ouverts auprès de tout établissement habilité par la loi à tenir de tels comptes.

La période d’indisponibilité des fonds : durée, portée et exceptions

Dès la signification de l’acte de saisie par le commissaire de justice, l’ensemble des comptes du débiteur devient indisponible. Cette indisponibilité totale est cependant temporaire. L’article L. 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) instaure une période de quinze jours ouvrables suivant la saisie ; ce délai de quinze jours est crucial. Durant ce laps de temps, le solde du compte au jour de la saisie est ajusté en fonction des transactions en cours. L’objectif est de dresser un tableau comptable exact, reflétant des engagements pris avant la saisie mais dont l’impact n’était pas encore visible. Il existe une exception notable : pour la contre-passation d’effets de commerce remis à l’escompte et revenus impayés, ce délai est étendu à un mois.

Analyse détaillée des opérations bancaires affectant le solde saisissable

Le montant déclaré par la banque au moment de la saisie n’est qu’une photographie à un instant T. Il va évoluer, à la hausse comme à la baisse, en fonction de transactions dont l’origine est antérieure à la mesure d’exécution.

Prise en compte des flux créditeurs sur le compte saisi (chèques, effets, virements)

Certaines transactions venant créditer le compte sont prises en compte pour augmenter l’assiette de la saisie, même si leur inscription effective est postérieure. Le CPCE vise spécifiquement les remises de chèques ou d’effets de commerce effectuées avant la saisie mais non encore créditées. Une difficulté particulière concerne les virements. La jurisprudence a dû clarifier le sort des ordres de virement émis avant la saisie, mais dont les fonds ne sont inscrits au crédit du compte du débiteur qu’après. La Cour de cassation (Cass.) considère que la créance du bénéficiaire naît dès l’émission de l’ordre de virement, bien qu’elle ne soit pas encore inscrite au compte (Cass. 2e civ., 28 mai 2003, Bull. civ. II, n° 166). Par conséquent, ces sommes sont intégrées au montant saisissable. Ce traitement crée une distorsion juridique par rapport aux règlements par chèque ou par carte, pour lesquels la date retenue est celle de la remise à l’encaissement ou du crédit effectif au bénéficiaire, et non celle de l’émission.

Intégration des opérations au débit du compte (chèques impayés, retraits, paiements par carte)

Inversement, certaines transactions au débit, bien qu’apparaissant après la saisie, viennent diminuer le montant disponible. Sont concernés les chèques remis à l’encaissement qui reviennent impayés durant la période de régularisation. S’y ajoutent les retraits d’espèces aux distributeurs de billets et les paiements par carte bancaire. Pour ces derniers, la condition est double : l’acte doit avoir été effectué avant la saisie et son bénéficiaire doit avoir été effectivement crédité avant cette même saisie. L’heure précise de la saisie, qui doit figurer sur l’acte du commissaire de justice, devient alors un élément central pour déterminer si une transaction de retrait ou de règlement par carte doit être imputée sur le solde.

Le régime spécifique de la contre-passation des effets de commerce et son impact

Le traitement des effets de commerce escomptés bénéficie d’un régime dérogatoire qui allonge significativement la période de régularisation et modifie le calcul du montant saisissable.

Mécanisme et délai dérogatoire de la contre-passation des effets

La contre-passation est la manœuvre par laquelle une banque, qui a escompté un effet de commerce (lettre de change, billet à ordre) et crédité son client avant l’échéance, débite le compte de ce dernier si l’effet revient impayé. L’art. L. 162-1 du CPCE accorde aux banques un délai exceptionnel d’un mois, et non de quinze jours ouvrables, pour procéder à cette contre-passation. Cette disposition permet à l’établissement financier de se protéger contre le risque d’impayé sur des effets dont l’échéance peut être postérieure à la saisie. Le montant du compte saisi peut donc être diminué d’une somme importante bien après la période de régularisation habituelle, ce qui a une conséquence directe sur le montant final attribué au créancier saisissant.

Détermination du solde saisissable définitif : règles d’imputation et calcul

Une fois la période de régularisation achevée, un montant ajusté est obtenu. La loi fixe un ordre précis pour imputer les transactions et calculer le montant qui sera effectivement versé au créancier. Alors que cet article se concentre sur la liquidation de transactions ponctuelles pour un solde à un instant T, des règles spécifiques s’appliquent pour les créances à exécution successive, comme les loyers ou les rentes.

L’ordre d’imputation des opérations débitrices et créditrices sur le solde provisoire

L’article L. 162-1 du CPCE établit une règle d’imputation protectrice pour le créancier. Si le résultat cumulé des transactions de régularisation (crédits moins débits) est négatif, ce déficit doit d’abord être imputé sur la fraction du montant qui n’était pas couverte par la saisie. Concrètement, si le montant du compte au jour de la saisie était supérieur au montant réclamé par le créancier, le déficit de la régularisation vient d’abord réduire cet excédent. Ce n’est que si cet excédent est insuffisant pour absorber le déficit que le montant attribué au créancier sera diminué. Cette méthode assure que la part du créancier est affectée en dernier ressort, après épuisement des fonds qui, de toute façon, n’étaient pas compris dans l’assiette initiale de la saisie.

Obligations de la banque (tiers saisi) et les risques de sanctions en cas de manquement

L’établissement bancaire, en tant que tiers saisi, joue un rôle central et est soumis à des obligations strictes d’information et de collaboration, dont le non-respect peut engager sa responsabilité. Une fois le montant saisissable définitivement calculé après la période de régularisation, les obligations de la banque se poursuivent avec les modalités de paiement par le tiers saisi.

L’obligation de déclaration et de communication du relevé d’opérations (L. 162-1 CPCE)

Dès la signification de l’acte de saisie, la banque doit déclarer « sur-le-champ » au commissaire de justice l’étendue de ses obligations envers le débiteur. Cette déclaration initiale doit mentionner la nature de tous les comptes ouverts au nom du débiteur et le solde de chacun au jour de la saisie ; cette communication se fait de plus en plus par voie électronique. Le secret bancaire est inopposable au créancier saisissant dans ce cadre. Après la période de régularisation, si le solde a été affecté, l’art. L. 162-1 du CPCE impose à la banque de fournir un relevé détaillé de toutes les transactions ayant modifié les comptes depuis le jour de la saisie. Cette information doit être faite au créancier au plus tard huit jours après l’expiration du délai de contre-passation.

Les sanctions civiles et dommages-intérêts pour manquement du tiers saisi

Le manquement de la banque à son obligation de renseignement est lourdement sanctionné. Une déclaration tardive, inexacte, incomplète ou une absence de réponse peut entraîner sa condamnation judiciaire au paiement des causes de la saisie, c’est-à-dire au règlement de la dette du créancier. Elle peut également être condamnée à verser des dommages-intérêts au créancier si son comportement fautif lui a causé un préjudice, par exemple en l’induisant en erreur sur les chances de recouvrement. La banque ne peut s’exonérer qu’en prouvant un « motif légitime » à sa défaillance, une notion appréciée strictement par les tribunaux, qui couvre par exemple des difficultés techniques complexes et avérées pour déterminer le solde.

La protection des sommes insaisissables et les spécificités des comptes collectifs

La loi protège une partie des avoirs du débiteur pour lui garantir un minimum vital et prévoit des règles spécifiques lorsque le compte saisi est détenu par plusieurs personnes.

Mécanismes de mise à disposition des sommes insaisissables (RSA, pensions, salaires)

Certaines créances, en raison de leur nature alimentaire, sont déclarées insaisissables par la loi (allocations familiales, RSA, pensions d’invalidité, etc.). Lorsqu’elles sont versées sur un compte bancaire, leur caractère insaisissable se reporte sur le solde du compte. De plus, la loi instaure un mécanisme de protection automatique : le Solde Bancaire Insaisissable (SBI). Quelle que soit l’origine des fonds, une somme équivalente au montant forfaitaire du RSA pour une personne seule, soit 635,71 euro en 2024, est laissée de plein droit à la disposition du débiteur personne physique. Cette somme doit être mise à disposition immédiatement, sans que le débiteur ait à en faire la demande. Ce mécanisme de protection, connu sous l’acronyme SBI, est une garantie fondamentale. Le non-respect de ce dispositif SBI peut amener le débiteur à contester la saisie et à soulever le caractère abusif de la mesure et à demander la mainlevée de la saisie.

Saisie-attribution sur compte joint ou indivis : preuve et régimes matrimoniaux

La saisie pratiquée sur un compte joint ou indivis est réputée appréhender la totalité du solde créditeur. La solidarité active du compte joint permet en effet au créancier de l’un des cotitulaires de saisir l’intégralité des fonds. Il appartient alors au cotitulaire non-débiteur de prouver la propriété (exclusive ou partielle) des sommes versées sur le compte pour en obtenir la distraction de l’assiette de la saisie. La charge de la preuve pèse donc sur lui. Le régime matrimonial des époux cotitulaires a également un impact direct, notamment en régime de communauté, où les biens communs peuvent être saisis pour une dette contractée par un seul époux. Cette situation soulève non seulement la question de la preuve de la propriété des fonds, mais aussi la nécessité de dénonciation aux co-titulaires pour que la mesure leur soit opposable et dûment dénoncée.

Distorsions entre instruments de paiement et recours du banquier face à une saisie

La jurisprudence récente a mis en lumière des traitements juridiques différents selon le moyen de paiement utilisé pour créditer un compte, créant des situations complexes pour les banques qui peuvent se retrouver prises entre les droits du créancier saisissant et ceux de l’émetteur du virement, au cœur du droit bancaire.

Le traitement différencié des virements par rapport aux chèques et paiements par carte en période de régularisation

Comme évoqué, la jurisprudence considère qu’une créance de virement naît dès l’émission de l’ordre, ce qui la rend saisissable même si les fonds ne sont pas encore au crédit du compte. Cette solution, favorable au créancier saisissant, peut se retourner contre la banque. Si l’ordre de virement initial est annulé ou se révèle frauduleux après que la banque a payé le créancier saisissant sur la base de ces fonds, la banque se retrouve à découvert. Contrairement aux chèques, pour lesquels la provision est vérifiée à la présentation, le virement crée une créance saisissable avant même que la banque du bénéficiaire n’ait la certitude de la validité et de l’irrévocabilité des fonds sous-jacents.

Les recours possibles de la banque en cas d’imputation contestée ou d’enrichissement injustifié

Lorsque la banque a payé le créancier saisissant avec des fonds provenant d’un virement qui s’avère par la suite invalide, elle subit une perte. Dans une telle situation, la banque peut envisager une action en « enrichissement injustifié » (anciennement connu sous le nom d’ « enrichissement sans cause ») contre le créancier saisissant. Pour aboutir, elle devra démontrer que le créancier a bénéficié d’un enrichissement, qu’elle a subi un appauvrissement corrélatif, et que cet enrichissement est dépourvu de cause légitime. La complexité de cette action réside dans le fait que le créancier a reçu paiement sur la base d’un titre exécutoire et d’une procédure de saisie valide. Le succès d’un tel recours est donc loin d’être garanti et dépendra fortement des circonstances factuelles et de l’appréciation du juge.

La complexité des règles de liquidation et les risques de sanctions pour le tiers saisi démontrent que la gestion d’une saisie-attribution sur compte bancaire requiert l’assistance d’un avocat expert en voies d’exécution pour sécuriser la procédure et défendre les droits de chaque partie. Pour une analyse approfondie de votre situation et un conseil personnalisé, prenez contact avec notre équipe d’avocats. Notre expertise est reconnue, y compris dans la presse juridique spécialisée, et ce guide ne saurait remplacer un accompagnement sur mesure. Pour accéder à des informations complètes, le lien vers un professionnel est plus sûr qu’une simple recherche via un navigateur.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution
  • Code de commerce
  • Code monétaire et financier
  • Code civil

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