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Conflits entre noms de domaine et signes distinctifs : risques et protections

Table des matières

Les conflits entre noms de domaine et signes distinctifs se multiplient. Marques, noms commerciaux, patronymes ou indications géographiques peuvent entrer en collision avec des noms de domaine similaires. Ces situations exposent les entreprises à des risques juridiques réels. La prévention devient cruciale pour protéger son identité numérique.

Risques de conflits avec les marques

Usage d’un nom de domaine similaire à une marque

Le conflit le plus fréquent oppose les titulaires de marques aux détenteurs de noms de domaine similaires. Ces situations relèvent potentiellement de la contrefaçon selon les articles L.713-2 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

La jurisprudence a évolué sur ce point. Une décision importante de la Cour de cassation du 13 décembre 2005 (arrêt « Locatour ») a précisé que l’enregistrement brut d’un nom de domaine ne suffit pas. L’usage effectif reste nécessaire pour caractériser la contrefaçon.

Les tribunaux sanctionnent ainsi l’utilisation d’un nom de domaine qui porte atteinte à une marque antérieure pour des produits ou services identiques ou similaires.

Notion de risque de confusion en ligne

Le risque de confusion constitue l’élément central de ces litiges. Les juges l’apprécient en tenant compte:

  • De la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle
  • Des produits ou services concernés
  • Du public visé

Ce risque s’évalue différemment en ligne. Le nom de domaine apparaît comme partie intégrante du medium internet. La Cour d’appel de Versailles a jugé qu’il « ne peut être admis que tout titulaire d’une marque déposée en classe 38 puisse interdire à quiconque une présence sur internet » (27 février 2003).

Les tribunaux examinent le contenu du site associé au nom pour évaluer l’activité réelle de son exploitant. La simple exploitation d’un support technique commun ne génère pas de confusion.

Cas particulier des marques notoires

Les marques notoires bénéficient d’une protection renforcée par l’article L.713-5 du CPI. Cette protection s’étend au-delà des produits et services désignés dans l’enregistrement.

Les titulaires de marques notoires obtiennent plus facilement la cessation d’usages non autorisés. Toutefois, la Cour de cassation a nuancé cette protection. Si la marque, bien que renommée, correspond à un terme commun, l’usage de ce mot en son sens usuel ne constitue pas une atteinte (20 février 2007, arrêt « Milka »).

Le cybersquatting vise particulièrement ces marques connues. Cette pratique consiste à enregistrer des marques notoires comme noms de domaine pour les revendre à leurs titulaires légitimes.

Conflits avec d’autres identifiants

Noms commerciaux et dénominations sociales

La collision entre nom de domaine et nom commercial relève de la concurrence déloyale. La Cour de cassation a précisé que « l’utilisation d’un nom commercial dans un nom de domaine, qui porte atteinte à la fonction d’identification ou de publicité du nom commercial antérieurement utilisé par un concurrent exerçant dans un même secteur d’activité et sur une même zone géographique, constitue un acte de concurrence déloyale » (7 juillet 2004).

Cette protection suppose une antériorité d’usage du nom commercial et un risque réel de confusion. La similitude des activités joue un rôle déterminant dans l’appréciation des juges.

Les dénominations sociales bénéficient d’une protection comparable contre l’appropriation indue sous forme de nom de domaine.

Noms patronymiques et pseudonymes

Le nom patronymique constitue un droit de la personnalité protégé contre toute appropriation indue. L’enregistrement du nom d’une personne comme nom de domaine par un tiers peut constituer un trouble manifestement illicite.

Le tribunal de Nanterre a ainsi annulé l’enregistrement de noms de domaine reprenant le nom d’une sportive connue (13 mars 2000, affaire « Mauresmo »). Le juge a considéré que cet enregistrement empêchait l’utilisation par la sportive de son propre nom.

Les pseudonymes bénéficient d’une protection similaire lorsqu’ils identifient clairement une personne. Un tribunal a fait interdiction d’utiliser « comtedeparis.fr » comme nom de domaine (TGI Paris, 2 décembre 2009).

Dans certains cas, l’article L.226-4-1 du code pénal sur l’usurpation d’identité pourrait s’appliquer à un usage malveillant du nom d’autrui.

Indications géographiques et noms de collectivités

Les indications géographiques et les noms de collectivités suscitent des questions spécifiques. Le tribunal de Dijon a annulé un nom de domaine reprenant une appellation viticole protégée.

Pour les noms de communes, la jurisprudence évalue le risque de confusion dans l’esprit du public. La Cour de cassation a précisé que les juges doivent rechercher l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant d’un tel risque (10 juillet 2012, affaire « marmande.fr »).

Les noms de pays font l’objet de débats internationaux. Un litige emblématique a opposé l’Afrique du Sud au titulaire de « southafrica.com ». Le règlement du .eu protège explicitement les « noms géographiques et géopolitiques » des États membres.

Moyens de protection préventive

Stratégie d’enregistrement défensif

Une protection efficace commence par l’enregistrement préventif:

  • Des noms correspondant à vos marques et signes distinctifs
  • Dans les principales extensions (.com, .fr, .net)
  • Des variantes orthographiques courantes
  • Des combinaisons pertinentes (nom-activité.extension)

Cette approche défensive coûte moins que les procédures contentieuses. Notre guide complet sur le droit des noms de domaine détaille ces stratégies pour les entreprises.

Veille sur les nouveaux dépôts

La surveillance constante des nouveaux enregistrements similaires à vos signes distinctifs permet une action rapide. Des prestataires spécialisés proposent:

  • Des alertes sur les noms similaires
  • Un suivi des nouvelles extensions
  • Une veille sur les abandons de noms stratégiques

L’exploitation d’un nom antérieur renforce considérablement la position juridique du titulaire, comme l’explique notre analyse du statut juridique des noms de domaine.

Clauses contractuelles protectrices

La protection contractuelle complète le dispositif préventif:

  • Clauses de réservation des noms de domaine dans les contrats commerciaux
  • Engagements de non-concurrence incluant l’interdiction d’enregistrer des noms similaires
  • Clauses spécifiques dans les contrats de travail pour les collaborateurs clés
  • Accords de coexistence pour régler pacifiquement les usages parallèles

Ces outils juridiques préventifs évitent souvent les contentieux coûteux.

Résolution des conflits existants

Options extrajudiciaires

Plusieurs mécanismes alternatifs permettent de résoudre les conflits:

  • Procédure UDRP pour les extensions génériques
  • Procédure SYRELI pour les noms en .fr
  • Médiation et négociation directe

La procédure UDRP exige de prouver trois éléments cumulatifs:

  1. Le nom de domaine est identique ou similaire à une marque
  2. Le titulaire n’a aucun droit légitime sur ce nom
  3. Le nom a été enregistré et utilisé de mauvaise foi

Ces procédures offrent des solutions rapides et moins coûteuses que les actions judiciaires, comme le détaille notre article sur les contentieux des noms de domaine.

Actions judiciaires

Les voies judiciaires classiques restent disponibles:

  • Action en contrefaçon pour les titulaires de marques
  • Action en concurrence déloyale ou parasitisme
  • Action en référé pour les cas d’urgence manifeste

Le choix dépend des droits antérieurs, des preuves disponibles et des objectifs poursuivis (cessation, transfert, indemnisation).

Les sanctions possibles incluent:

  • L’interdiction d’usage du nom litigieux
  • Le transfert du nom au demandeur
  • L’allocation de dommages-intérêts

La vigilance constante et la réactivité constituent les meilleures protections. La prévention des conflits passe par une stratégie globale de protection des signes distinctifs, incluant les noms de domaine.

Nos avocats experts en noms de domaine et propriété intellectuelle vous accompagnent dans l’élaboration de cette stratégie et dans la résolution des litiges existants.

Sources

  • Code de la propriété intellectuelle, articles L.713-2, L.713-3 et L.713-5
  • Code pénal, article L.226-4-1
  • Cass. com., 13 décembre 2005, affaire « Locatour »
  • Cass. com., 7 juillet 2004, n°02-17.416
  • Règles UDRP de l’ICANN
  • Procédure SYRELI de l’AFNIC

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