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La Convention de Montréal : pilier de la responsabilité du transporteur aérien international

Table des matières

Le transport aérien international possède un cadre juridique complexe où la Convention de Montréal joue un rôle fondamental. Adoptée le 28 mai 1999 et entrée en vigueur en 2003, cette convention constitue aujourd’hui le texte de référence qui régit la responsabilité des transporteurs aériens internationaux. Elle organise un régime de protection équilibré entre les intérêts des voyageurs et ceux des compagnies aériennes. Notre cabinet constate régulièrement que les droits accordés par ce texte majeur restent méconnus des passagers, laissant parfois des préjudices sans réparation adéquate.

Genèse et objectifs de la Convention de Montréal de 1999

L’histoire du droit aérien international est marquée par une évolution progressive vers une meilleure protection des usagers, tout en maintenant un équilibre économique pour l’industrie aéronautique.

Unification des règles issues de la Convention de Varsovie et ses amendements

La Convention de Montréal n’est pas apparue ex nihilo, mais représente l’aboutissement d’un long processus d’évolution juridique. La Convention de Varsovie de 1929 constituait jusqu’alors le texte fondateur, mais son application était devenue particulièrement complexe en raison de ses nombreux protocoles modificatifs (La Haye en 1955, Guatemala en 1971, Montréal en 1975).

Comme l’explique le préambule de la Convention de Montréal, il était devenu urgent de « moderniser et de refondre la Convention de Varsovie et les instruments connexes ». Cette multiplicité de textes créait une insécurité juridique pour tous les acteurs du transport aérien. Un passager victime d’un accident devait d’abord déterminer quelle version de la Convention de Varsovie s’appliquait à son vol, selon les pays concernés et les protocoles que chacun avait ratifiés.

Modernisation et renforcement de la protection des usagers

L’objectif principal de la Convention de Montréal est clairement énoncé dans son préambule : « assurer la protection des intérêts des consommateurs dans le transport aérien international ». Cette orientation marque une évolution notable par rapport à la Convention de Varsovie, initialement conçue pour protéger une industrie naissante.

La Convention de 1999 introduit des améliorations substantielles pour les usagers, notamment un régime d’indemnisation plus favorable en cas de dommages corporels et une responsabilité objective du transporteur jusqu’à un certain seuil. Elle reconnaît également l’importance de « l’équité dans la répartition des risques » inhérents au transport aérien moderne.

Dans une décision importante, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 6 mai 2010, aff. C-63/09) a souligné que cette convention vise à établir « un régime de responsabilité équitable fondé sur le principe de réparation ».

Champ d’application de la Convention de Montréal

Comprendre précisément quand la Convention s’applique est essentiel pour déterminer si vous pouvez bénéficier de sa protection.

Le critère du transport international entre États parties

La Convention de Montréal s’applique, selon son article 1er, à « tout transport international de personnes, bagages ou marchandises, effectué par aéronef contre rémunération ». Mais cette définition générale est précisée par des critères cumulatifs stricts.

Pour qu’un transport soit considéré comme « international » au sens de la Convention, il faut que le point de départ et le point de destination se trouvent :

  • Soit sur le territoire de deux États parties différents
  • Soit sur le territoire d’un même État partie, à condition qu’une escale soit prévue sur le territoire d’un autre État (même non partie à la Convention)

Par exemple, un vol Paris-New York est couvert par la Convention puisque la France et les États-Unis sont parties à ce traité. En revanche, un vol Paris-Nice reste soumis au droit interne français, sauf s’il comporte une escale prévue à l’étranger.

Aujourd’hui, plus de 130 États ont ratifié cette Convention, ce qui lui confère une application quasi-universelle. Pour une vue d’ensemble des droits des passagers, vous pouvez consulter notre article dédié.

Notion de transporteur contractuel et transporteur de fait

La Convention distingue deux types de transporteurs dont les responsabilités peuvent être engagées :

Le transporteur contractuel est celui avec lequel le passager ou l’expéditeur a conclu le contrat de transport. C’est généralement la compagnie qui émet le billet.

Le transporteur de fait est celui qui réalise effectivement le transport, en totalité ou en partie. Ce peut être une autre compagnie dans le cadre d’un partage de code, d’un affrètement ou d’une franchise.

L’article 40 de la Convention précise que ces deux transporteurs peuvent voir leur responsabilité engagée solidairement. Cette distinction est particulièrement importante dans un contexte où les alliances entre compagnies se multiplient, et où le passager réserve souvent avec une compagnie mais voyage avec une autre.

Exclusions spécifiques (transports postaux)

Certains transports sont expressément exclus du champ d’application de la Convention. C’est notamment le cas des transports postaux, comme le précise l’article 2 : « Dans le transport de la poste, le transporteur n’est responsable qu’envers l’administration postale compétente. »

Cette exclusion se justifie par l’existence de régimes spécifiques pour le courrier international, principalement ceux de l’Union Postale Universelle (UPU).

La responsabilité du transporteur pour les dommages aux passagers

La protection des passagers constitue l’une des innovations majeures de la Convention de Montréal par rapport au régime antérieur.

Le régime de responsabilité à deux niveaux pour les dommages corporels (mort ou lésion)

L’innovation majeure de la Convention de Montréal réside dans l’instauration d’un système de responsabilité à deux niveaux en cas de mort ou de lésion corporelle d’un passager. Ce mécanisme, prévu à l’article 21, représente un compromis entre la protection des victimes et les intérêts économiques des transporteurs.

La Cour de cassation française, dans un arrêt du 15 janvier 2014 (n° 11-21.394), a validé ce principe de responsabilité à deux niveaux en confirmant que « le transporteur ne peut s’exonérer de sa responsabilité objective dans la limite du premier palier d’indemnisation ».

Le premier niveau : responsabilité objective jusqu’à 128 821 DTS (Droits de Tirage Spéciaux)

Pour les dommages ne dépassant pas 128 821 DTS par passager (environ 155 000 euros), le transporteur est soumis à une responsabilité objective. Cela signifie qu’il ne peut exclure ou limiter sa responsabilité, même s’il prouve qu’il n’a commis aucune faute.

Ce montant, initialement fixé à 100 000 DTS, est révisé périodiquement par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). La dernière révision a eu lieu en 2019.

Seule la faute de la victime peut réduire ou écarter la responsabilité du transporteur à ce premier niveau, comme le prévoit l’article 20 de la Convention.

Le second niveau : responsabilité pour faute présumée au-delà du seuil

Au-delà du seuil de 128 821 DTS, la responsabilité du transporteur reste en principe illimitée, mais il peut s’exonérer s’il prouve :

  • Que le dommage n’est pas dû à sa négligence ou à celle de ses préposés ou mandataires
  • Ou que le dommage résulte uniquement de la négligence ou d’un acte d’un tiers

Cette disposition correspond à une responsabilité pour faute présumée : c’est au transporteur d’apporter la preuve qu’il n’a pas commis de faute, et non à la victime de prouver une faute.

Les moyens d’exonération possibles pour le transporteur

Outre les moyens d’exonération spécifiques au second niveau d’indemnisation, l’article 20 de la Convention prévoit un cas général d’exonération totale ou partielle : lorsque le transporteur prouve que « la négligence ou un autre acte ou omission préjudiciable de la personne qui demande réparation » a causé le dommage ou y a contribué.

L’application de cet article reste strictement encadrée par les tribunaux. La jurisprudence de la CJUE (arrêt du 2 juin 2022, aff. C-589/20) a précisé que le transporteur doit apporter une preuve concrète de la négligence du passager, et non se contenter d’allégations générales.

Si vous êtes victime d’un accident aérien, il est recommandé de solliciter notre assistance en cas de litige aérien pour maximiser vos chances d’obtenir une indemnisation adéquate.

La responsabilité du transporteur pour retard

Les retards constituent une source fréquente de litiges dans le transport aérien, et la Convention de Montréal établit un cadre précis pour leur indemnisation.

Dommages résultant d’un retard dans le transport de passagers, bagages ou marchandises

L’article 19 de la Convention pose le principe de la responsabilité du transporteur pour le préjudice résultant d’un retard dans le transport de passagers, de bagages ou de marchandises. Cette disposition ne définit pas précisément ce qu’est un « retard », laissant cette appréciation aux juridictions nationales.

La jurisprudence a généralement considéré qu’il s’agit d’un décalage significatif par rapport à l’heure d’arrivée initialement prévue. Il convient de noter que cette responsabilité pour retard est distincte du système d’indemnisation forfaitaire prévu par le Règlement européen n° 261/2004, qui peut s’appliquer cumulativement pour les vols au départ ou à destination de l’Union Européenne.

Plafonds d’indemnisation spécifiques pour le retard

La responsabilité du transporteur en cas de retard est plafonnée à des montants inférieurs à ceux prévus pour les dommages corporels :

  • 5 346 DTS par passager (environ 6 500 euros)
  • 1 288 DTS par passager pour les bagages (environ 1 550 euros)
  • 22 DTS par kilogramme pour les marchandises (environ 26 euros)

Ces plafonds sont prévus à l’article 22 de la Convention. Ils ne s’appliquent toutefois pas en cas de faute intentionnelle ou inexcusable du transporteur, comme l’a précisé la Cour de cassation (Civ. 1re, 13 mars 2013, n° 09-72.962).

Pour les questions relatives à la responsabilité pour les marchandises, nous vous invitons à consulter notre article détaillé sur ce sujet.

L’exonération si le transporteur prouve avoir pris toutes les mesures raisonnables

Contrairement au régime applicable aux dommages corporels, le transporteur peut s’exonérer de sa responsabilité pour retard s’il prouve « que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre » (art. 19).

Cette exonération est interprétée strictement. Ainsi, dans un arrêt du 13 mars 2013, la Cour de cassation a jugé que « la force majeure extérieure au transporteur ne pouvait constituer qu’un des éléments permettant à celui-ci de rapporter la preuve qu’il avait pris toutes les mesures raisonnables » et ne constituait pas en soi une cause d’exonération automatique.

Les conditions météorologiques exceptionnelles, les grèves du contrôle aérien ou certains problèmes techniques imprévisibles ont pu être reconnus comme justifiant une exonération, mais le transporteur doit démontrer qu’il a tout mis en œuvre pour limiter les conséquences de ces événements pour les passagers.

Documents de transport et leurs exigences

La Convention définit précisément les documents qui doivent être émis lors d’un transport aérien et les informations qu’ils doivent contenir.

Billet de passage, bulletin de bagages, lettre de transport aérien

L’article 3 de la Convention prévoit qu’un titre de transport individuel ou collectif doit être délivré pour le transport des passagers. Ce document doit contenir l’indication des points de départ et de destination, ainsi que celle des escales prévues si ces points se trouvent dans un même État partie.

Pour les bagages enregistrés, une fiche d’identification doit être remise au passager (art. 3§3). Le transport de marchandises doit quant à lui être constaté par une lettre de transport aérien (LTA) ou, avec l’accord de l’expéditeur, par tout autre moyen conservant les informations relatives au transport (art. 4).

La Convention a modernisé ces exigences en prenant en compte la dématérialisation progressive des documents de transport. Elle reconnaît expressément la validité des documents électroniques, ce qui constitue une avancée notable par rapport au système de la Convention de Varsovie.

Conséquences de l’absence ou de l’irrégularité des documents

Une autre évolution majeure concernant les documents de transport réside dans les conséquences attachées à leur absence ou à leur irrégularité. Contrairement à la Convention de Varsovie qui sanctionnait ces manquements par une déchéance du droit à limitation de responsabilité, la Convention de Montréal adopte une approche plus pragmatique.

L’article 3§5 précise que l’inobservation des dispositions relatives aux documents de transport « n’affecte ni l’existence ni la validité du contrat de transport, qui n’en sera pas moins soumis aux règles de la présente convention, y compris celles qui portent sur la limitation de responsabilité. »

Cette disposition reflète l’évolution des pratiques commerciales et la généralisation des billets électroniques, tout en préservant les droits fondamentaux des passagers.

Pour connaître les délais et procédures applicables en cas de litige avec une compagnie aérienne, nous vous recommandons notre guide pratique sur ce sujet.

En cas de litige concernant l’application de la Convention de Montréal, n’hésitez pas à consulter notre cabinet d’avocats. Notre équipe, forte de son expérience en droit du transport aérien, pourra vous accompagner efficacement dans vos démarches d’indemnisation.

Sources

  • Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai 1999
  • Règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002 modifiant le règlement (CE) n° 2027/97 relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident
  • Code des transports, articles L. 6421-1 et suivants
  • Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), Document 9740, Manuel sur la mise en œuvre de l’article 83 bis de la Convention relative à l’aviation civile internationale

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