Au bout de combien de temps un compte bancaire se trouve bloqué après le décès du titulaire de ce compte ? La question du sort du ou des comptes bancaires en cas de décès est loin d’être rhétorique et elle peut se révéler déterminante non seulement pour les héritiers, mais aussi pour les créanciers, et plus largement, pour la conduite de la succession.
Réponse rapide : ce n’est évidemment pas au jour du décès que le blocage intervient. Dès qu’elle est informée du décès d’une personne, la banque procède au blocage des comptes bancaires du défunt, ces derniers ne peuvent plus fonctionner normalement. Le blocage n’est donc pas automatique en cas de décès. Les héritiers doivent accomplir une démarches d’information pour régler le devenir des comptes bancaires.
Le temps de la notification du décès à la banque
L’établissement bancaire ne dispose d’aucun moyen d’être immédiatement prévenu du décès du titulaire du compte bancaire. Cette information peut par conséquent provenir de différents interlocuteurs :
- La famille ou les ayants-droits : ils auront tout à intérêt à avertir la banque s’ils veulent éviter une utilisation frauduleuse des comptes du défunt. Ils devront pour ce faire solliciter auprès des services d’état civil la délivrance d’un acte de décès qui sera transmis à la banque.
- Le notaire en charge du règlement de la succession : le notaire qui aura été désigné pour administrer le règlement de la succession du défunt doit notamment tenir informé les établissements bancaires dans lesquels le défunt avait ouvert un compt. Il doit en effet procéder à l’inventaire des biens de ce dernier afin de pouvoir dresser un acte de notoriété.
- Le tuteur ou le curateur dans l’hypothèse d’une mesure de protection : si le défunt était un majeur protégé au sens des articles 425 et suivants du code civil, l’information est alors susceptible de venir du tuteur ou du curateur.
Il n’existe en outre aucun délai légal pour prévenir la banque. Toutefois, certains établissements exigent d’être informés dans un délai contractuel d’un mois. Dès lors que la banque est informée, elle prend des mesures pour sécuriser les comptes du défunt.
La banque peut également ne jamais être informée, faute d’héritier ou de manifestation de ceux existants. La loi du 13 juin 2014 a prévu une telle configuration qui se trouve réglée en même temps que tous les comptes inactifs. Conformément aux articles L.312-19 à L. 312-21 du code monétaire et financier, la banque doit recenser chaque année les comptes bancaires inactifs. Sont qualifiés comme tels, tous les comptes qui n’ont enregistré aucune opération depuis douze mois consécutifs et pour lesquels ni les héritiers, ni le notaire ne s’est manifesté.
Elle doit également consulter annuellement les données figurant au répertoire national d’identification des personnes physiques et relatives au décès des personnes inscrites.
Les fonds présents sur le compte devront être transférés à la caisse des dépôts et consignations à l’issue d’une durée de trois ans après le décès du titulaire du compte.
Le fonctionnement général du blocage des comptes du compte de dépôt (ou compte courant)
A réception de la copie de l’acte de décès, la banque procède à une mise à jour et à l’arrêt du fonctionnement des comptes du défunt.
Il s’agit de protéger les intérêts des héritiers de la succession, le temps qu’un inventaire des avoirs du défunt puisse être réalisé.
Sur un plan pratique, et de façon générale, toutes les opérations bancaires sont par principe suspendues :
- les dépots ne sont plus enregistrés ;
- les retraits, prélèvements et règlements par virement ou par carte bancaire sont interdits par principe.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le plafond de dépenses autorisées pour faire face aux dépenses immédiates ne constitue pas une protection légale mais seulement une faveur contractuelle que les banques sont libres d’insérer dans leurs stipulations contractuelles ou non. On retrouve effectivement une limite de 5 000 euros dans un certain nombre de conventions de compte.
Le compte n’est cependant pas automatiquement clôturé, notamment si la banque et les héritiers s’accordent sur la reprise de celui-ci.
Dans le cas contraire, si les héritiers ne consentent pas à la reprise du compte bancaire, le mandat de prélèvement qui était donné par le défunt prend fin avec son décès, conformément aux dispositions de l’article 2003 du code civil. A cet égard, il a été jugé qu’une banque ne pouvait procéder à des prélèvements sur un compte bancaire en règlement des échéances du prêt après le décès du défunt et qu’en l’absence de ratification par les héritiers, les prélèvements réalisés étaient irréguliers (CA Aix en Provence, 8 juin 2017, RG n° 15/08979).
Le fonctionnement spécifique du compte joint et du compte indivis
Souvent confondus, le compte joint et le compte indivis ont en commun d’organiser la cotitularité du compte bancaire. Néanmoins, tandis que le compte indivis (ou collectif) nécessite l’accord de tous les co-titulaires dans son fonctionnement, sauf mandat de gestion confié à l’un des indivisaires, le compte joint repose sur un principe de souplesse et chacun des co-titulaires peut en prévoir le fonctionnement sans l’assentiment préalable de l’autre.
Dans le cas du compte indivis : on retrouve la situation de blocage de la convention de compte de dépôt, puisque le mode de fonctionnement normal implique l’accord de tous les indivisaires.
Dans le cas du compte joint : deux personnes étaient titulaires du compte bancaire depuis la souscription du contrat, et il ne subsiste désormais que le co-titulaire survivant. La co-titularité a pour conséquence de permettre au survivant de continuer à faire fonctionner le compte sous sa seule signature, sauf s’il est contractuellement prévu une situation de blocage temporaire et / ou en cas d’opposition des héritiers ou du notaire à la poursuite du fonctionnement du compte. Quant à la banque, elle doit se conformer aux règles de la solidarité active, laquelle est prévue par l’article 1311 du code civil. Ainsi, elle doit obéir au donneur d’ordre co-titulaire.
Pour être certain des modalités de blocage, il faut donc se référer aux conditions générales de la convention de compte de dépôt.
Les implications pratiques du blocage du compte bancaire
Les implications pratiques varient selon la situation dans laquelle se trouvent les protagonistes :
- Le titulaire survivant d’un compte joint : pour le titulaire survivant, il s’agit avant tout de continuer à pouvoir faire face à ses charges, notamment lorsque le décès est brutal. Il peut également être menacé par les héritiers du défunt d’avoir à rendre des comptes sur sa gestion. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains établissements bancaires prévoient la mise en place d’un blocage temporaire dans leurs conditions générales, indépendamment du fait qu’il s’agisse d’un compte-joint.
- Les héritiers : les héritiers peuvent avoir intérêt à une certaine continuité de fonctionnement pour faire face aux dépenses funéraires, ainsi qu’aux dettes de leur proche. Ils peuvent au contraire vouloir empêcher que le titulaire survivant ne vide le compte.
On comprend donc bien les enjeux qui sous-tendent la question du blocage du compte, et avec eux, le rôle du notaire.
La mission de surveillance du notaire
Le notaire a pour mission de dresser un inventaire des biens du défunt, y compris les fonds présents sur les comptes bancaires, afin de les répartir entre les héritiers selon les dispositions légales ou testamentaires.
Il doit donc solliciter auprès des établissements bancaires concernés un arrêté comptable afin de lui permettre de déterminer le solde positif ou négatif de chacun des comptes.
En cas de compte-joint, le notaire peut solliciter de la banque qu’elle procède au blocage du compte si celui-ci n’est pas contractuellement prévu. Il formalise alors une opposition auprès de la banque.
Une fois cette étape accomplie, le notaire peut donner l’instruction à la banque de libérer les fonds, qui seront alors distribués aux héritiers conformément à la dévolution successorale.
Conclusion
En somme, le délai avant que le compte bancaire d’un défunt soit bloqué dépend principalement de la rapidité avec laquelle la banque est informée du décès. Ce blocage est généralement immédiat une fois la notification officielle reçue, à l’exception de certaines situations spécifiques comme les comptes joints.
Ce mécanisme vise à sécuriser les fonds du défunt en vue de la répartition de la succession. Pour les héritiers, il est donc indispensable de s’organiser rapidement pour gérer cette période de transition jusqu’à la libération des fonds par le notaire.