Comprendre les crédits au fournisseur : préfinancement et mobilisation

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Les opérations d’exportation exigent des ressources financières considérables. Les exportateurs doivent souvent engager des dépenses importantes bien avant de recevoir le paiement de leurs clients étrangers. C’est pourquoi le système bancaire a développé plusieurs mécanismes de financement adaptés à ces besoins spécifiques.

Les crédits de préfinancement : financer la période de fabrication

Les crédits de préfinancement couvrent les besoins des fournisseurs durant la période d’exécution d’un marché. Ces financements interviennent quand les dépenses de l’exportateur dépassent le montant des acomptes reçus.

Préfinancement spécialisé

Ces crédits sont accordés pour une opération d’exportation précise. Ils sont généralement à court terme et peuvent être assortis d’une garantie de la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur).

Selon l’article dans le JurisClasseur Droit bancaire et financier (2009), « Les crédits de préfinancement spécialisés sont accordés à court terme. La COFACE délivre toutefois, pour le compte de l’État, une police d’assurance permettant au banquier qui a consenti un crédit de préfinancement en euros lié à une exportation identifiable de réduire le risque de non-remboursement par l’exportateur. »

Les banques proposent ces crédits :

  • En euros à taux variable (généralement indexé sur le taux de base bancaire)
  • En devises étrangères à taux variable, utile aux exportateurs qui engagent des dépenses dans ces devises

À noter : un sous-traitant peut bénéficier indirectement de ce préfinancement par délégation du financement principal, ou directement lorsque l’opération de sous-traitance dépasse un certain montant.

Préfinancement « revolving »

Ce type de crédit finance la fabrication de biens dans le cadre d’un courant régulier d’affaires. Il fonctionne comme un découvert autorisé renouvelable automatiquement : si l’exportateur rembourse tout ou partie du crédit, il peut l’utiliser à nouveau dans la limite du plafond fixé.

Les crédits de trésorerie spécialisés

Distincts des crédits de préfinancement, ces financements couvrent des besoins spécifiques liés à l’exportation.

Crédits de prospection

Ces crédits permettent aux exportateurs de financer leurs actions de prospection commerciale à l’international : déplacements, création de bureaux locaux, recrutement de personnel export ou publicité.

Ils sont généralement accordés aux entreprises bénéficiant d’une police d’assurance-prospection de la COFACE. Les banques exigent souvent un « parrainage bancaire » et peuvent bénéficier d’une garantie de remboursement grâce au nantissement ou à la cession du droit à indemnité.

Financement des stocks à l’étranger

Ces crédits offrent aux exportateurs la trésorerie nécessaire pour supporter les coûts de détention de stocks dans un pays étranger. L’octroi peut être conditionné par l’obtention d’une police d’assurance sur les biens stockés.

Historiquement, la COFISE (Compagnie de financement des stocks à l’étranger) avait été créée pour couvrir ces besoins, mais elle a cessé ses activités en 1992.

Mobilisation des indemnités d’assurance-crédit

Lorsqu’un exportateur couvert par une police d’assurance-crédit subit un sinistre, l’indemnité est due mais l’assureur dispose d’un délai pour la verser. Ces crédits permettent à l’exportateur de faire face à l’attente du versement de l’indemnité.

Attention à ne pas confondre ce délai avec le délai constitutif de sinistre prévu par certaines polices d’assurance-crédit.

La mobilisation des créances nées sur l’étranger

Une fois l’exportation réalisée, l’exportateur dispose de créances sur ses clients étrangers qu’il peut mobiliser auprès du système bancaire.

Crédits fournisseurs au sens strict

La pratique française distingue les crédits de mobilisation des créances nées sur l’étranger (court terme) et les crédits fournisseurs stricto sensu (moyen et long terme). Ces opérations ont pourtant une nature juridique semblable : l’escompte d’effets de commerce représentatifs de créances sur des importateurs étrangers.

Forfaitage

Le forfaitage est un crédit fournisseur sans recours. Comme l’indique le fascicule 1050 du JurisClasseur, cette technique permet à « la banque [d’acquérir] la créance sur l’étranger ainsi que la totalité des risques de l’opération. »

Le forfaitage porte généralement sur des opérations importantes (entre 1 et 10 millions USD) d’une durée de six mois à sept ans. Il peut compléter un crédit acheteur ou fournisseur bénéficiant d’un soutien public, ou financer l’intégralité d’une exportation.

Aspects juridiques et techniques de mobilisation

Escompte

La mobilisation d’une créance sur un tiers étranger s’effectue généralement par l’escompte d’effets de commerce. La créance est matérialisée par un billet à ordre émis par l’acheteur au bénéfice de l’exportateur, ou par une lettre de change tirée par le fournisseur et acceptée par l’importateur.

Pour garantir le banquier escompteur contre le risque de non-paiement, on exige souvent un engagement du banquier de l’acheteur, soit par un aval apposé sur les effets, soit par une lettre de garantie distincte.

Traites « pro forma »

Lorsque les importateurs étrangers refusent de souscrire des billets à ordre ou d’accepter des lettres de change, la pratique a développé l’utilisation de traites « pro forma ». Ces lettres de change n’ont pas vocation à être présentées à l’acceptation du tiré.

La Cour de cassation a reconnu la validité de cette pratique. Le banquier porteur bénéficie, comme tout porteur d’une lettre de change, d’un droit exclusif sur la provision (article L. 511-7, alinéa 3, du Code de commerce).

Bordereau Dailly

En l’absence d’effets de commerce, la mobilisation peut recourir au bordereau Dailly (loi du 2 janvier 1981, désormais article L. 313-27 du Code monétaire et financier). L’avantage est de conférer au banquier un droit sur la créance opposable à l’importateur à la date portée sur le bordereau.

Points d’attention et suggestions pratiques

  1. Le choix du crédit dépend de la phase de l’opération d’exportation : préfinancement pour la fabrication, mobilisation pour les créances existantes.
  2. La sécurisation des opérations est essentielle : les garanties (COFACE, avals bancaires) protègent contre les risques inhérents au commerce international.
  3. L’expertise d’un conseil juridique permet d’optimiser ces montages financiers complexes, notamment pour les aspects relatifs à la loi applicable, aux garanties et aux modalités de mobilisation.
  4. L’évolution de la réglementation internationale et les exigences de l’Arrangement de l’OCDE impactent ces financements et nécessitent une veille constante.

La complexité juridique de ces opérations et leurs implications fiscales justifient l’accompagnement par un spécialiste. N’hésitez pas à nous contacter pour évaluer vos besoins de financement export et sécuriser vos opérations internationales.

Sources

  • JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 1050 : Crédits à l’exportation. Crédits acheteurs et fournisseurs, Gautier Bourdeaux, publié le 2 septembre 2009.
  • Code de commerce, article L. 511-7 et L. 511-15.
  • Code monétaire et financier, article L. 313-27 et L. 313-28.
  • Loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises.
  • Jurisprudence : Cass. com., 28 juin 1983 (RTD com. 1984, p. 115) et Cass. com., 15 déc. 1986 (RTD com. 1987, p. 223).

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