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L’information précontractuelle en crédit immobilier : FISE et devoir d’avertissement (post-2016)

Table des matières

Souscrire un crédit immobilier est une étape déterminante dans un projet de vie, engageant l’emprunteur sur une longue durée. La complexité des offres et les enjeux financiers rendent l’information précontractuelle essentielle. Depuis la réforme majeure de 2016, issue de la transposition de la directive européenne sur le crédit immobilier (MCD), le législateur a renforcé les obligations des prêteurs pour assurer un consentement éclairé et protéger l’emprunteur contre les risques de surendettement. Comprendre ces mécanismes, notamment le rôle de la Fiche d’Information Standardisée Européenne (FISE) et le devoir de mise en garde du banquier, est fondamental avant de s’engager.

La Fiche d’Information Standardisée Européenne (FISE) : un document central

La FISE est devenue la pierre angulaire de l’information précontractuelle en matière de crédit immobilier après 2016. Son objectif principal est de permettre à l’emprunteur de comprendre clairement les caractéristiques de l’offre de prêt proposée et de la comparer efficacement avec d’autres offres disponibles sur le marché.

Objectifs et rôle de la FISE

Instaurée par l’article L. 313-7 du Code de la consommation, la FISE vise à standardiser la présentation des informations essentielles relatives à une offre de crédit immobilier. Elle doit être remise gratuitement à l’emprunteur, sur support papier ou durable, au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit. Ce document unique permet à l’emprunteur :

  • De comprendre les termes du prêt : Taux d’intérêt, durée, montant des échéances, coût total, frais annexes, etc.
  • D’évaluer les implications du crédit : Notamment les risques liés aux taux variables ou aux prêts en devises.
  • De comparer les offres : Grâce à un format standardisé, la comparaison entre différentes propositions bancaires est facilitée.
  • De prendre une décision éclairée : En disposant de toutes les informations pertinentes avant de s’engager.

La FISE joue donc un rôle central pour rééquilibrer la relation entre le prêteur, professionnel averti, et l’emprunteur, souvent profane en matière financière et juridique. Pour un aperçu plus large des changements introduits, consultez notre guide complet sur le crédit immobilier post-réforme 2016.

Contenu détaillé et informations obligatoires

Le contenu précis de la FISE est détaillé par l’article R. 313-4 du Code de la consommation et son annexe. Elle doit obligatoirement inclure, de manière claire et concise, les sections suivantes :

  1. Identité du prêteur (et de l’intermédiaire de crédit le cas échéant).
  2. Principales caractéristiques du prêt : Montant, durée, type de prêt (amortissable, in fine…), objet du financement.
  3. Taux d’intérêt et autres frais :
  • Le Taux Annuel Effectif Global (TAEG), indicateur clé du coût total du crédit.
  • Le taux débiteur (nominal), sa nature (fixe, variable, révisable) et les modalités de variation éventuelles.
  • Le détail de tous les frais inclus dans le TAEG (frais de dossier, garanties obligatoires, assurance obligatoire, évaluation du bien…).
  • Les frais non inclus dans le TAEG (frais de notaire, pénalités de remboursement anticipé…).
  1. Nombre et périodicité des versements.
  2. Montant de chaque versement (échéance).
  3. Échéancier indicatif (obligatoire et détaillé pour les prêts à taux fixe).
  4. Obligations supplémentaires : Conditions liées à l’assurance emprunteur, aux garanties exigées (hypothèque, caution…).
  5. Remboursement anticipé : Conditions, indemnités éventuelles (IRA) et leur mode de calcul.
  6. Caractéristiques variables : Pour les prêts à taux variable, une simulation de l’impact d’une variation du taux sur les échéances, la durée et le coût total, ainsi qu’un avertissement sur les risques. Pour les prêts en devises, l’illustration de l’impact d’une fluctuation du taux de change.
  7. Autres droits de l’emprunteur : Délai de réflexion, droit de rétractation éventuel pour les services accessoires.
  8. Réclamations : Coordonnées du service réclamation du prêteur et du médiateur compétent.
  9. Conséquences du non-respect des engagements par l’emprunteur (défaut de paiement).
  10. Informations complémentaires éventuelles (sur document distinct).
  11. Autorités de surveillance (ACPR notamment).

L’omission ou l’inexactitude de ces informations, notamment du TAEG, peut entraîner des sanctions pour le prêteur, principalement la déchéance du droit aux intérêts (article L. 341-25 et L. 341-26 du Code de la consommation).

Modalités et délai de remise

La FISE doit être remise au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit (article L. 313-7). Si des informations générales ou une première simulation ont été fournies antérieurement (via une Fiche d’Information Précontractuelle – FIP -, par exemple), la FISE finale doit reprendre les conditions spécifiques de l’offre ferme. Elle doit être fournie sur support papier ou tout autre support durable (PDF envoyé par email, espace client sécurisé…).

Le prêteur doit pouvoir prouver qu’il a bien remis cette fiche à l’emprunteur. La simple mention dans l’offre de prêt signée par l’emprunteur attestant de sa réception n’est qu’un indice que le prêteur doit pouvoir corroborer par d’autres éléments en cas de litige (Cass. 1re civ., 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Le devoir de mise en garde (ou d’alerte) du prêteur

Au-delà de la simple fourniture d’informations standardisées, le prêteur est tenu à une obligation plus active : le devoir de mise en garde. Consacré par la jurisprudence puis inscrit dans la loi par la réforme de 2016, ce devoir vise à alerter l’emprunteur sur les risques spécifiques que le crédit envisagé pourrait lui faire courir.

Fondement et évolution

Initialement dégagé par la jurisprudence (notamment Cass. Ch. mixte, 29 juin 2007, n° 06-11.673), le devoir de mise en garde a été codifié à l’article L. 313-12 du Code de la consommation par l’ordonnance du 25 mars 2016 : « Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui ».

Ce devoir complète l’obligation d’information. Il ne s’agit plus seulement de décrire le produit, mais d’attirer l’attention de l’emprunteur sur l’adéquation du prêt à sa situation personnelle et sur les dangers potentiels, notamment le risque de surendettement.

Conditions d’application

Le devoir de mise en garde n’est pas systématique. Son application dépend de deux conditions cumulatives :

  1. La qualité de l’emprunteur : La jurisprudence a longtemps réservé ce devoir aux emprunteurs non avertis, c’est-à-dire ceux qui ne disposent pas des compétences et connaissances nécessaires pour apprécier la portée de leurs engagements et les risques encourus. Le caractère averti ou non s’apprécie au cas par cas, en fonction de l’expérience, de la profession, et du niveau de connaissance de l’emprunteur en matière financière. La codification de 2016 ne reprend pas explicitement cette distinction, mais l’esprit du texte et la jurisprudence postérieure suggèrent qu’elle reste pertinente. L’obligation est renforcée face à un emprunteur manifestement profane.
  2. L’existence d’un risque spécifique : Le prêteur doit alerter l’emprunteur si le crédit présente un risque particulier compte tenu de sa situation financière. Cela vise principalement le risque d’endettement excessif, c’est-à-dire le risque que l’emprunteur ne puisse pas faire face à ses obligations de remboursement au vu de ses revenus, de ses charges et de son patrimoine. Ce risque doit être apprécié au moment de l’octroi du crédit, sur la base des informations recueillies lors de l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur (prévue à l’article L. 313-16). Un crédit inadapté aux capacités financières de l’emprunteur déclenche ce devoir d’alerte. La jurisprudence récente précise que l’appréciation prend en compte l’ensemble des ressources, y compris la valeur du bien financé (Cass. 1re civ., 9 novembre 2022, n° 21-16.846).

Le manquement à ce devoir de mise en garde engage la responsabilité civile du prêteur. Le préjudice réparable correspond généralement à la perte de chance pour l’emprunteur de ne pas contracter le crédit s’il avait été correctement alerté des risques. La prescription de l’action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde court à compter de la date d’exigibilité des sommes impayées, et non de la conclusion du contrat (Cass. Com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811).

Distinction avec le devoir de conseil

Il est important de ne pas confondre le devoir de mise en garde avec le devoir de conseil.

  • Le devoir de mise en garde est une obligation négative : alerter sur un risque. Le prêteur doit déconseiller l’opération si elle est manifestement inadaptée ou dangereuse pour l’emprunteur.
  • Le devoir de conseil (ou service de conseil, articles L. 313-13 et L. 313-14) est une obligation positive : orienter l’emprunteur vers la solution la plus adaptée à ses besoins et objectifs parmi les produits disponibles. Ce service peut être payant s’il est fourni de manière indépendante. Le prêteur n’est pas systématiquement tenu à un devoir de conseil général sur l’opportunité de l’opération immobilière elle-même, mais doit s’assurer que le produit de crédit proposé correspond aux besoins exprimés par l’emprunteur.

La mise en garde est donc une obligation de sécurité minimale, tandis que le conseil implique une démarche d’optimisation pour l’emprunteur.

Autres informations précontractuelles pertinentes

Outre la FISE et le devoir de mise en garde, d’autres informations précontractuelles encadrent l’offre de crédit immobilier.

  • La publicité et l’information générale : Avant même la FISE, toute publicité chiffrée doit respecter des règles strictes de présentation (TAEG, coût total, durée, identité du prêteur… cf. articles L. 313-3 à L. 313-5). De plus, le prêteur doit mettre à disposition permanente des informations générales claires sur ses produits (article L. 313-6 et R. 313-3). Ces éléments constituent une première couche d’information pour l’emprunteur explorant le marché.
  • Les explications adéquates : L’article L. 313-11 impose au prêteur de fournir gratuitement des « explications adéquates » sur l’offre et les services accessoires, permettant à l’emprunteur de déterminer s’ils sont adaptés à ses besoins et sa situation financière. Cela va au-delà de la simple remise de la FISE et implique une discussion personnalisée pour s’assurer de la bonne compréhension des éléments clés et des conséquences du crédit (y compris défaut de paiement).
  • L’information sur l’assurance emprunteur : La Fiche Standardisée d’Information sur l’assurance (FSI Assurance), distincte de la FISE du prêt, doit être remise dès la première simulation. Elle détaille les garanties, le coût de l’assurance (exprimé notamment en TAEA – Taux Annuel Effectif d’Assurance) et rappelle le droit de l’emprunteur à choisir librement son assureur (délégation d’assurance).

L’impact des obligations précontractuelles

L’ensemble de ces obligations d’information et de mise en garde précontractuelles, renforcées depuis 2016, vise une meilleure protection de l’emprunteur immobilier. En lui donnant accès à une information claire, complète, standardisée et personnalisée, et en l’alertant sur les risques potentiels, la loi cherche à garantir un consentement plus libre et éclairé.

Pour les prêteurs, ces obligations impliquent une plus grande rigueur dans l’évaluation des dossiers, la formalisation des offres et le dialogue avec les clients. Le non-respect de ces devoirs peut entraîner des sanctions significatives, allant de la déchéance (partielle ou totale) du droit aux intérêts à l’engagement de leur responsabilité civile. La complexité de ces règles et les enjeux financiers importants justifient souvent une vigilance accrue de la part des emprunteurs.

Si vous estimez que vos droits en matière d’information précontractuelle n’ont pas été respectés lors de la souscription de votre crédit immobilier, ou si vous avez des questions sur une offre reçue, n’hésitez pas à contacter notre cabinet d’avocats pour une analyse de votre situation.

Sources

  • Code de la consommation : articles L. 313-1 et suivants (notamment L. 313-3 à L. 313-16), R. 313-1 et suivants (notamment R. 313-3, R. 313-4), L. 341-21 et suivants (sanctions).
  • Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation.
  • Loi n° 2017-203 du 21 février 2017 ratifiant l’ordonnance précitée.
  • Jurisprudence de la Cour de cassation (citée dans le texte).

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