représentation d'un jugement

Le jugement d’orientation en matière de saisie immobilière

Table des matières

Le jugement d’orientation tranche les contestations soulevées par le débiteur, et oriente la saisie vers une vente amiable ou forcée. Ses effets sont importants car il purge les contestations qui pouvaient et devaient être soulevées à l’orientation. Analyse de cette décision qui se trouve au cœur de la procédure de saisie immobilière.

Les effets du jugement d’orientation

L’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte. »

Le jugement d’orientation purge l’ensemble des contestations et demandes incidentes. Une fois qu’il a été rendu, les contestations du débiteur sont limitées aux actes postérieurs à l’orientation. Ces contestations doivent alors être formées dans un délai de 15 jours à compter du fait générateur. C’est très bref et cela donne lieu à beaucoup de difficultés en pratique.

La jurisprudence a apporté des précisions importantes :

  • Les contestations que le débiteur présente pour la première fois devant la cour d’appel sont irrecevables (Civ. 2e, 1e octobre 2009, n° 07-18.630).
  • La cour d’appel doit constater d’office cette irrecevabilité (Civ. 2e, 11 mars 2010, n° 09-13.312).

La règle ne s’applique pas aux tiers à l’instance (Civ. 2, 4 décembre 2014, n° 13-24.870).

Le caractère irréversible du jugement d’orientation explique que l’on recommande toujours au débiteur de se faire assister par un avocat.

L’autorité de la chose jugée du jugement d’orientation

Nous avons vu qu’à l’audience d’orientation, le juge de l’exécution vérifie la régularité de la procédure. Il tranche également les contestations et demandes incidentes du débiteur et des créanciers inscrits.

Le jugement d’orientation devra, par ailleurs, mentionner le montant de la créance. Le texte est précis et emploie expressément le terme mentionner :

« Le jugement d’orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et autres accessoires. » (article R. 322-18 du code des procédures civiles d’exécution)

L’utilisation du terme « mentionne » était à l’origine d’une controverse doctrinale.

En effet, le juge de l’exécution n’a pas le pouvoir de condamner le débiteur. Il se contente de suivre l’exécution d’une décision rendue par un autre juge. En d’autres termes, il est soumis à l’autorité de la chose jugée de la décision d’un autre juge. Dans ces conditions, ses propres décisions sont-elles revêtues de l’autorité de la chose jugée?

Le lecteur pourra consulter l’excellent Dictionnaire juridique de Serge BRAUDO pour une analyse de la notion d’autorité de la chose jugée.

Pendant longtemps, la jurisprudence a répondu à cette question de façon nuancée. La cour de cassation estimait que ses décisions n’étaient revêtues de l’autorité de la chose jugée que lorsqu’elles tranchaient une contestation.

Cela aboutissait à des situations difficiles car il devenait possible de remettre en cause le montant d’une créance après la mise en œuvre d’une procédure de recouvrement. Une saisie était donc validée pour un montant donné, que l’on pouvait remettre en cause a posteriori. Pour mettre un terme aux difficultés pratiques que cela engendrait, la cour de cassation a fini par faire évoluer sa jurisprudence.

C’est ainsi qu’à présent :

  • Le juge de l’exécution doit mentionner le montant de la créance. Il n’est pas tenu par le montant qui figure dans le commandement de payer valant saisie (Civ. 2e, 24 septembre 2015, n° 14-20.009).
  • Le jugement d’orientation a autorité de la chose jugée au principal à propos du montant de la créance, même en l’absence de contestation à ce sujet (Civ. 2e, 24 septembre 2015, n° 14-20.009).
  • Les décisions du juge de l’exécution ont toujours autorité de la chose jugée (demande d’avis n° P 18-70.004, avis n° 15008)

Les différents types de jugements d’orientation

Le juge de l’exécution, à l’audience d’orientation, peut autoriser la vente amiable ou ordonner la vente par adjudication.

Le jugement d’orientation autorisant la vente amiable

L’article R. 322-21 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« Le juge de l’exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente.

Le juge taxe les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant.

Il fixe la date de l’audience à laquelle l’affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.

A cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d’un engagement écrit d’acquisition et qu’à fin de permettre la rédaction et la conclusion de l’acte authentique de vente. Ce délai ne peut excéder trois mois. »

L’article R. 322-20 du code des procédures civiles d’exécution ajoute que :

« La demande tendant à la vente amiable de l’immeuble peut être présentée et jugée avant la signification de l’assignation à comparaître à l’audience d’orientation sous réserve pour le débiteur de mettre en cause les créanciers inscrits sur le bien.

La décision qui fait droit à la demande suspend le cours de la procédure d’exécution à l’exception du délai imparti aux créanciers inscrits pour déclarer leur créance. »

Le jugement autorisant la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne peut être vendu.

Par ailleurs, le juge fixe la date d’une audience de rappel dans un délai qui ne peut excéder 4 mois.

En pratique, le débiteur dispose souvent d’un délai plus long. En effet, le délai de 4 mois est décompté à partir du délibéré qui intervient lui-même plusieurs semaines après l’audience de plaidoiries. A l’audience de rappel, le débiteur peut à nouveau disposer d’un délai plus long pour les mêmes raisons.

schéma saisie immobilière vente amiable
Schéma des délais de procédure de la vente amiable.

Ce jugement suspend le cours de la procédure (Civ. 2e, 23 octobre 2008, n° 08-13.404).

La suspension des poursuites entraînera la suspension du délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière. Cette suspension prend effet à compter de la publication du jugement en marge du commandement.

Le jugement d’orientation ordonnant la vente par adjudication

L’article R. 322-26 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« Lorsque le juge de l’exécution ordonne la vente forcée, il fixe la date de l’audience à laquelle il y sera procédé dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de sa décision.

Le juge détermine les modalités de visite de l’immeuble à la demande du créancier poursuivant. »

Le juge fixe une date d’adjudication dans un délai compris entre +2 et +4 mois à compter du délibéré.

Il autorise la visite de l’immeuble selon les modalités qu’il fixe. Généralement, elle a lieu dans les quinze jours qui précèdent la vente. L’huissier (le commissaire de justice) se voit toujours accorder le concours de la force publique et d’un serrurier.

schéma saisie immobilière adjudication
Schéma des délais de la vente aux enchères.

La notification du jugement d’orientation

 L’article R. 311-7, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« La notification des décisions est faite par voie de signification. Toutefois, lorsqu’en vertu d’une disposition particulière le juge de l’exécution statue par ordonnance rendue en dernier ressort, sa décision est notifiée par le greffe simultanément aux parties et à leurs avocats. Il en va de même pour la notification du jugement d’orientation vers une vente amiable lorsque le débiteur n’a pas constitué avocat et des décisions rendues en application des articles R. 311-11 et R. 321-21. »

Le jugement d’orientation qui ordonne la vente forcée et les jugements d’incident doivent être notifiés par voie de signification.

En revanche, le jugement d’orientation qui ordonne la vente amiable, le jugement qui constate la caducité du commandement et le jugement qui constate la péremption du commandement sont notifiés par le greffe aux parties et à leurs avocats, par voie de lettre recommandée.

La publication du jugement d’orientation

L’article 80, 3°, du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 dispose que :

« Sont publiés, sous forme de mentions en marge de la copie du commandement valant saisie :

[…]

3° Le jugement d’orientation ; »

L’absence de publication du jugement d’orientation n’est pas sanctionnée, néanmoins elle informe les tiers de l’accomplissement, par le créancier poursuivant, des diligences mises à sa charge.

La publication sera requise en adressant au service de la publicité foncière compétent l’original et la copie de l’acte à publier, avec la certification d’identité des parties et, au besoin, une demande d’état sur formalité (CERFA n° 3233-SD), ainsi qu’un chèque libellé à l’ordre Trésor public d’un montant de :

  • 15 € pour la publication,
  • 12 € par immeuble et / ou lot de copropriété pour la fiche d’immeuble,
  • 2 € de frais de port pour le retour de la fiche d’immeuble.

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