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L’exécution transfrontalière et l’exequatur des jugements étrangers

Table des matières

Gagner un procès ne garantit pas le paiement. Cette réalité s’aggrave quand le débiteur ou ses biens se trouvent à l’étranger.

L’exequatur en droit commun français

L’exequatur transforme un jugement étranger en titre exécutoire en France. Ce processus repose sur l’article 509 du Code de procédure civile : « les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi ».

Le tribunal judiciaire, statuant à juge unique, détient la compétence exclusive pour l’exequatur (article R. 212-8, 2° du Code de l’organisation judiciaire).

La jurisprudence a fixé les conditions strictes pour obtenir l’exequatur. L’arrêt Cornelissen du 20 février 2007 constitue le socle de référence. La Cour de cassation vérifie trois critères sans réviser le fond de la décision :

  • La compétence internationale du tribunal étranger
  • La conformité à l’ordre public français (substantiel et procédural)
  • L’absence de fraude

Cette procédure présente des difficultés techniques considérables, nécessitant souvent une expertise juridique pour éviter un rejet.

Les mécanismes européens de reconnaissance et d’exécution

L’Europe a simplifié la circulation des décisions de justice entre pays membres. L’espace judiciaire européen facilite l’exécution des décisions pour les créanciers.

Depuis le 10 janvier 2015, le règlement (UE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012, dit « Bruxelles I bis », a révolutionné l’exécution transfrontalière.

Le règlement Bruxelles I bis et la suppression de l’exequatur

Le changement majeur introduit par ce règlement ? La suppression de l’exequatur.

Avant, un créancier devait obtenir une déclaration constatant la force exécutoire du jugement étranger. Maintenant, l’article 39 du règlement stipule qu’« une décision rendue dans un État membre jouit de la force exécutoire dans les autres États membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire ».

Pour exécuter un jugement étranger européen en France, il suffit de présenter à l’huissier :

  • Une copie authentique du jugement
  • Un certificat standardisé délivré par la juridiction d’origine
  • Une traduction si nécessaire

Le débiteur peut s’opposer à l’exécution uniquement devant le tribunal judiciaire de Paris pour des motifs limitativement énumérés à l’article 45 du règlement. Ce mécanisme préserve le droit à un recours tout en accélérant l’exécution.

Les autres instruments européens facilitant l’exécution transfrontalière

L’Europe a développé plusieurs outils pour simplifier l’exécution :

  1. Le titre exécutoire européen (règlement n°805/2004) pour les créances incontestées
  2. L’injonction de payer européenne (règlement n°1896/2006), procédure uniforme pour les créances pécuniaires
  3. La procédure européenne de règlement des petits litiges (règlement n°861/2007) pour les affaires transfrontalières inférieures à 5000 euros
  4. L’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (règlement n°655/2014), permettant le gel des comptes dans toute l’Union

En matière familiale, le règlement Bruxelles II ter (n°2019/1111) applicable depuis le 1er août 2022 supprime l’exequatur pour les décisions concernant la responsabilité parentale.

Les conventions internationales et leurs effets

Hors Union européenne, l’exécution dépend des conventions bilatérales ou multilatérales. La Convention de Lugano du 30 octobre 2007 étend un régime proche du règlement Bruxelles I aux relations avec la Suisse, la Norvège et l’Islande.

La Convention de La Haye du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale, entrée en vigueur le 1er septembre 2023, représente une avancée majeure.

Certains pays maintiennent une approche protectionniste. Les États-Unis, par exemple, acceptent les jugements étrangers selon des critères variables d’un État à l’autre.

Conseils pratiques pour l’exécution à l’étranger

L’exécution transfrontalière présente des pièges :

  1. Vérifier l’existence d’un traité bilatéral ou multilatéral applicable
  2. Anticiper le coût et la durée des procédures. Au Royaume-Uni, depuis le Brexit, l’exécution suit le droit commun, impliquant des frais importants
  3. S’informer sur les immunités d’exécution. L’article L.111-1-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit des conditions strictes pour l’exécution contre un État étranger
  4. Identifier les biens saisissables dans le pays d’exécution. La Cour de cassation considère qu’un bien doit simplement avoir « un lien avec l’entité contre laquelle la procédure est intentée » (Civ. 1re, 3 novembre 2021, n°19-25.404)
  5. Évaluer l’opportunité d’une mesure conservatoire préalable

L’exécution transfrontalière demande une stratégie adaptée. Dans un dossier récent, une PME française tentait d’exécuter un jugement contre une société allemande. Un problème de notification a failli compromettre l’exécution. L’intervention d’un professionnel connaissant les spécificités du droit allemand a permis de sauver la procédure.

Les conséquences d’une erreur peuvent être graves. Une simple formalité omise peut retarder l’exécution ou entraîner sa nullité. L’expertise et l’expérience des procédures internationales deviennent alors déterminantes.

Notre cabinet dispose d’un réseau de correspondants dans plus de 40 pays. Cette collaboration permet de sécuriser l’exécution transfrontalière et d’éviter les erreurs coûteuses. N’hésitez pas à nous consulter pour évaluer les chances de succès de votre exécution à l’étranger et définir la stratégie optimale.

Sources

  • Code de procédure civile, article 509
  • Code de l’organisation judiciaire, article R. 212-8
  • Code des procédures civiles d’exécution, article L.111-1-2
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 février 2007, pourvoi n°05-14.082 (arrêt Cornelissen)
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 3 novembre 2021, pourvoi n°19-25.404
  • Règlement (UE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012 (Bruxelles I bis)
  • Règlement (UE) n°805/2004 du 21 avril 2004 (Titre exécutoire européen)
  • Règlement (UE) n°1896/2006 du 12 décembre 2006 (Injonction de payer européenne)
  • Règlement (UE) n°861/2007 du 11 juillet 2007 (Procédure européenne de règlement des petits litiges)
  • Règlement (UE) n°655/2014 du 15 mai 2014 (Saisie conservatoire des comptes bancaires)
  • Règlement (UE) n°2019/1111 du 25 juin 2019 (Bruxelles II ter)
  • Convention de Lugano du 30 octobre 2007
  • Convention de La Haye du 2 juillet 2019 sur la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers

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