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Partage du secret bancaire sans accord client : les 7 exceptions légales

Table des matières

Le secret bancaire représente une pierre angulaire de la relation de confiance entre une banque et son client. Pourtant, ce principe fondamental, loin d’être intangible, connaît des aménagements précis. La loi permet, dans des cas spécifiques et strictement définis, un partage d’informations confidentielles sans nécessiter l’accord préalable du client. Naviguer dans ces exceptions est essentiel tant pour les professionnels du secteur que pour leurs clients. Comprendre quand et comment le secret peut être légalement partagé permet d’appréhender les limites de cette protection et les droits de chacun.

Le secret bancaire : un principe à géométrie variable

Rappel du fondement et de la portée du secret (CMF art. L.511-33)

Le secret professionnel bancaire, solidement ancré dans le droit français par l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier, impose une obligation de confidentialité à toute personne participant à la direction, à la gestion ou employée par un établissement de crédit ou une société de financement. Ce devoir protège les informations confidentielles relatives aux clients, qu’il s’agisse de leur situation financière, de leurs opérations ou de données personnelles. Fondamentalement, il vise à garantir la confiance, indispensable au bon fonctionnement du système bancaire, et à protéger la vie privée des clients. La violation de ce secret est d’ailleurs pénalement réprimée. Pour une compréhension approfondie de ses implications, il est utile de se référer aux mécanismes du secret bancaire.

Les limites pratiques : pourquoi partager l’information ?

Si le principe est clair, sa mise en œuvre quotidienne révèle des limites pratiques. Les établissements bancaires, dans le cadre de leurs activités complexes, ont souvent besoin de communiquer certaines informations pour mener à bien des opérations courantes. Pensons aux opérations de crédit impliquant plusieurs banques, à la couverture des risques via des assurances ou des garanties, ou encore à l’externalisation de certaines tâches essentielles. Exiger systématiquement le consentement du client pour chaque partage nécessaire à ces opérations rendrait le fonctionnement du secteur bancaire excessivement lourd, voire impossible dans certains cas. Ces nécessités opérationnelles ont conduit à envisager des exceptions encadrées.

La notion de « secret partagé » et la réforme de 2008 (Loi LME)

Face à ces contraintes, la notion de « secret partagé » a émergé. L’idée est qu’un professionnel puisse transmettre une information confidentielle à un autre professionnel, lui-même tenu au secret, lorsque cela est indispensable et dans l’intérêt de l’opération ou du client. Cette théorie, bien que non consacrée formellement comme principe général, a inspiré la réforme introduite par la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008. Cette loi a modifié l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier pour établir une liste précise de situations où le partage d’informations est autorisé sans l’accord préalable du client. Cette réforme visait à fluidifier certaines opérations tout en encadrant strictement la circulation des informations bancaires.

Les 7 dérogations légales au secret (CMF art. L.511-33)

L’article L. 511-33 du Code monétaire et financier énumère sept catégories d’opérations pour lesquelles les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel, sans l’accord du client, aux personnes avec lesquelles ils négocient, concluent ou exécutent ces opérations, si ces informations sont nécessaires. Ces dérogations doivent être interprétées strictement.

1° Opérations de crédit à plusieurs banques (syndication, sous-participation)

Cette exception vise les situations où plusieurs établissements collaborent pour financer une même opération. Typiquement, cela concerne les crédits syndiqués, où un pool bancaire est formé, ou les opérations de sous-participation en risque ou en trésorerie. La communication d’informations entre les banques participantes est ici essentielle pour évaluer le risque global et coordonner le financement. La loi permet ainsi une circulation fluide des données nécessaires au bon fonctionnement du syndicat bancaire.

2° Couverture du risque de crédit (garanties, assurances, dérivés)

Lorsqu’un établissement cherche à couvrir le risque associé à un crédit qu’il octroie, il peut partager les informations nécessaires avec les entités fournissant cette couverture. Sont visées les opérations sur instruments financiers (comme les dérivés de crédit), les garanties (cautionnements par exemple) ou les contrats d’assurance destinés spécifiquement à couvrir ce risque de crédit. Les assureurs ou garants deviennent des « confidents nécessaires » pour l’évaluation et la gestion du risque.

3° Prises de participation ou de contrôle (audit d’acquisition)

Dans le cadre d’une opération de fusion, d’acquisition, ou de prise de participation ou de contrôle visant un établissement de crédit, une entreprise d’investissement ou une société de financement, les informations nécessaires peuvent être partagées avec les acquéreurs potentiels. Cette dérogation facilite notamment les phases d’audit préalable (« due diligence ») indispensables pour évaluer la cible, même si l’acquéreur potentiel n’est pas lui-même soumis au secret bancaire.

4° Cessions d’actifs ou de fonds de commerce bancaires

Le partage d’informations est autorisé lors de la négociation ou de l’exécution de cessions d’actifs ou de fonds de commerce appartenant à un établissement de crédit ou une société de financement. Cette exception est justifiée par les nécessités pratiques de telles transactions, qui impliquent une évaluation détaillée des actifs ou du fonds cédé.

5° Cessions ou transferts de créances/contrats (titrisation, recouvrement)

Cette dérogation couvre un large éventail d’opérations, incluant la cession de créances (mobilisation de crédits, titrisation) et le transfert de contrats. Elle permet notamment de communiquer les informations nécessaires aux cessionnaires de créances ou aux sociétés chargées du recouvrement pour le compte de la banque. La jurisprudence a toutefois précisé que si un acte de cession contient des informations sur des tiers non concernés par un litige, seule la communication d’un extrait pertinent est admise.

6° Contrats de prestations de services essentiels (externalisation)

Lorsqu’un établissement confie à un tiers des « fonctions opérationnelles importantes » par le biais d’un contrat de prestation de services (externalisation), il peut lui transmettre les informations nécessaires à l’exécution de cette mission. Cela concerne des activités variées comme la gestion informatique, la fabrication de chéquiers, la gestion des cartes bancaires, voire des prestations de services juridiques si l’établissement ne dispose pas de service interne. La notion de « fonction opérationnelle importante » est définie par référence à l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne.

7° Opérations intragroupe (étude, élaboration)

La communication d’informations est autorisée entre entités appartenant au même groupe « lors de l’étude ou l’élaboration de tout type de contrats ou d’opérations ». Cette disposition vise à faciliter la collaboration et la gestion centralisée des risques ou des projets au sein des groupes bancaires, surmontant l’obstacle antérieur où une filiale devait opposer le secret à sa maison mère. La notion de « groupe » s’entend ici au sens du droit des sociétés, incluant potentiellement les réseaux coopératifs.

Conditions et limites strictes du partage autorisé

Le partage d’informations sans consentement du client, même dans les sept cas légaux, n’est pas sans limites. Il est soumis à des conditions strictes visant à protéger les intérêts du client.

Information « strictement nécessaire » à l’opération

La loi insiste sur le fait que seules les informations « strictement nécessaires » à la négociation, la conclusion ou l’exécution de l’opération visée peuvent être communiquées. Ce critère de nécessité implique une appréciation au cas par cas et un principe de minimisation des données partagées. Il appartient à l’établissement qui communique l’information de s’assurer que ce partage est justifié et limité à ce qui est indispensable.

Obligation de confidentialité pour les destinataires

Les personnes qui reçoivent ces informations confidentielles sont elles-mêmes tenues de les conserver confidentielles. Cette obligation de confidentialité s’impose que l’opération aboutisse ou non. Même si le destinataire n’est pas un établissement soumis au secret bancaire (par exemple, un prestataire de services externalisés ou un acquéreur potentiel non bancaire), il est légalement tenu à cette confidentialité. En pratique, la signature d’un accord de confidentialité est fortement recommandée pour matérialiser cette obligation. La violation de cette confidentialité par le destinataire pourrait engager sa propre responsabilité.

Possibilité de retransmission limitée par les bénéficiaires

Si l’opération pour laquelle l’information a été initialement partagée aboutit, le destinataire initial peut, à son tour, communiquer ces informations. Toutefois, cette retransmission est encadrée par les mêmes conditions strictes : elle ne peut se faire que dans le cadre des sept cas légaux, uniquement aux personnes avec lesquelles ce nouveau détenteur négocie, conclut ou exécute l’une de ces opérations, et seulement si l’information est strictement nécessaire. Il ne s’agit donc pas d’une autorisation de diffusion large, mais d’une possibilité de circulation contrôlée de l’information, toujours soumise à une obligation de confidentialité pour les nouveaux destinataires.

Articulation avec la protection des données personnelles (RGPD)

Le partage d’informations bancaires doit impérativement respecter les règles relatives à la protection des données personnelles, notamment le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Même si l’article L. 511-33 autorise le partage sans consentement au titre du secret bancaire, cela ne dispense pas de respecter les exigences du RGPD si les informations constituent des données personnelles. Cela implique notamment :

  • Une base légale pour le traitement (qui peut être l’exécution d’un contrat ou l’intérêt légitime, mais nécessite une analyse).
  • Le respect des principes de minimisation des données et de limitation des finalités.
  • L’information des personnes concernées sur le traitement de leurs données.
  • La mise en place de mesures de sécurité appropriées.L’articulation entre secret bancaire et RGPD requiert une vigilance particulière de la part des établissements.

Distinguer le partage légal de la levée sur consentement

Il est fondamental de ne pas confondre les sept exceptions légales permettant un partage sans accord, et la possibilité, toujours existante, de lever le secret bancaire avec le consentement explicite du client.

Hors des 7 cas : le consentement exprès et spécifique reste la règle

En dehors des sept situations très précisément définies par l’article L. 511-33, alinéa 3, toute communication d’information couverte par le secret bancaire à un tiers nécessite impérativement le consentement du client. La loi LME de 2008 a d’ailleurs renforcé cette exigence en précisant que ce consentement doit être recueilli « au cas par cas » et doit être « exprès ». Une clause générale de levée du secret insérée dans une convention de compte n’est généralement pas considérée comme suffisante ou valide, car elle ne garantit pas un consentement libre, spécifique et éclairé au sens du RGPD et de la jurisprudence.

L’importance pour les banques de vérifier le cadre juridique

Avant toute communication d’information confidentielle, l’établissement bancaire doit scrupuleusement vérifier le cadre juridique applicable. Relève-t-on de l’une des sept exceptions légales où le partage est autorisé sans consentement ? Si oui, les conditions de nécessité et de confidentialité sont-elles remplies ? Sinon, un consentement exprès, spécifique et éclairé du client doit impérativement être obtenu au préalable. Agir en dehors de ces cadres expose l’établissement à de lourdes sanctions, engageant potentiellement sa responsabilité du banquier.

Que faire en cas de communication litigieuse ?

Si un client estime que des informations le concernant ont été partagées en violation du secret bancaire (soit hors des 7 cas sans son consentement, soit via un consentement non valable), plusieurs recours sont envisageables. Il peut saisir l’établissement concerné, puis le médiateur bancaire. Une action en justice peut être intentée pour obtenir réparation du préjudice subi (matériel ou moral) du fait de la violation du secret. Une plainte pénale peut également être déposée sur le fondement de l’article 226-13 du Code pénal. Compte tenu de la complexité de ces questions, l’assistance d’un avocat en droit bancaire est vivement recommandée pour évaluer la situation et déterminer la meilleure stratégie à adopter.

Naviguer entre le principe protecteur du secret bancaire et ses exceptions légales demande rigueur et vigilance. Pour toute question relative à une situation spécifique ou en cas de doute sur la légalité d’un partage d’information, notre cabinet se tient à votre disposition pour vous apporter conseil et assistance.

Sources

  • Code monétaire et financier, notamment articles L. 511-33, L. 511-34, L. 561-15, L. 561-18, L. 561-20, L. 561-22.
  • Code pénal, notamment article 226-13.
  • Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME).
  • Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD).
  • Arrêté du 3 novembre 2014 relatif au contrôle interne des entreprises du secteur de la banque, des services de paiement et des services d’investissement.

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