La saisie-appréhension est une procédure civile d’exécution qui permet d’obtenir l’exécution forcée d’une obligation de livrer ou de restituer un bien meuble corporel détenu par le débiteur ou par un tiers. La saisie-revendication permet de rendre ce bien indisponible, dans l’attente de sa remise.
La saisie-revendication s’analyse donc comme une mesure conservatoire, car elle n’aboutit pas à une vente, seulement à une immobilisation. La saisie-appréhension, en revanche, se termine par une vente amiable ou forcée.
La notion de bien meuble corporel désigne toutes les choses qui ont un corps et qui ne sont pas ancrées dans le sol. Cette mesure peut, par exemple, être utilisée pour obtenir la restitution de marchandises impayées.
La saisie-appréhension
L’appréhension peut être réalisée en vertu d’un titre exécutoire (art. R. 222-1 à R. 222-10 du code des procédures civiles d’exécution), ou sur injonction du juge de l’exécution (art. R. 222-11 à R. 222-16 du même code).
Analyse de son fonctionnement, et des solutions permettant de la combattre.
La saisie-appréhension en vertu d’un titre exécutoire
La saisie-appréhension peut être pratiquée pratiquée en vertu d’un titre exécutoire, entre les mains du débiteur de l’obligation de remettre ou de restituer, ou entre les mains d’un tiers.
La notion de titre exécutoire
La liste des titres exécutoires est donnée à l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution. Dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’une décision de justice (ordonnance, jugement, arrêt) ou d’un acte notarié revêtu de la formule exécutoire.
La saisie-appréhension entre les mains du débiteur de l’obligation de remettre ou de restituer
La procédure peut se dérouler de deux façons.
Première possibilité, la procédure commence par la signification, au débiteur, d’un commandement de délivrer ou de restituer. Ce commandement contient, à peine de nullité :
- La mention du titre exécutoire,
- L’indication que le débiteur peut, sous un délai de 8 jours, transporter le bien à ses frais dans un lieu désigné et aux conditions indiquées,
- L’avertissement qu’à défaut d’une telle remise amiable, le bien peut être appréhendé à ses frais,
- L’indication qu’une contestation peut être portée devant le juge de l’exécution.
Deuxième possibilité, le commissaire de justice (l’huissier) peut appréhender immédiatement le bien, et sans commandement préalable, à certaines conditions. Il faut qu’il se présente muni du titre exécutoire, qu’il demande au débiteur de transporter la chose à ses frais, et que celui-ci réponde par la négative.
Dans cette hypothèse, l’huissier dresse un acte de remise volontaire, ou d’appréhension, selon le cas. Cet acte contient un état détaillé du bien, éventuellement assorti de photographies.
Une fois que bien a été rendu ou appréhendé, il y a à nouveau deux possibilités :
- Soit le bien a été appréhendé pour être remis à son propriétaire,
- Soit le bien a été appréhendé pour être remis à un créancier gagiste.
Si le bien a été appréhendé pour être remis à son propriétaire, une copie de l’acte de remise ou d’appréhension est adressée par lettre recommandée avec avis de réception au débiteur de l’obligation de délivrer ou de restituer.
Si le bien a été appréhendé pour être remis à un créancier gagiste, la procédure est plus complexe et il y a (encore) deux possibilités :
- Soit le créancier avait demandé l’attribution judiciaire au juge qui avait ordonné la restitution. L’appréhension permet au créancier gagiste de s’approprier le bien meuble saisi.
- Soit le créancier n’avait pas demandé l’attribution judiciaire, et la vente doit être ordonnée.
Dans cette deuxième hypothèse, il y a (encore !) deux possibilités :
- Le gage a été constitué en garantie d’une dette professionnelle. La procédure est simplifiée : le créancier peut faire procéder à la vente 8 jours après une signification au débiteur. Celle-ci sera alors réalisée sous le contrôle d’un notaire, d’un commissaire de justice, ou d’un courtier en marchandises assermenté (article 2346 du code civil).
- Dans tous les autres cas, le créancier doit attendre au moins 1 mois après l’acte de saisie pour procéder à la vente amiable. Un affichage doit ensuite être réalisé pour assurer la publicité de l’adjudication. Les affiches doivent être apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur, et devant la salle d’enchères. Elles doivent être placardées au moins 8 jours avant sa date. L’adjudication est faite au plus offrant, après trois criées. Le prix est payable comptant.
La saisie-appréhension entre les mains d’un tiers
Les choses sont plus simples lorsque le bien est détenu par un tiers. Le créancier lui fait signifier une sommation d’avoir à remettre le bien dans un délai de 8 jours.
Le tiers peut accepter la remise, ou la refuser. Le cas échéant, il doit s’expliquer à ce sujet.
Le juge de l’exécution pourra être saisi, par le créancier comme par le tiers, en cas de litige. Le créancier pourra notamment demander au juge d’ordonner la remise. On se rappelle, à ce sujet, que le juge de l’exécution peut fixer une astreinte.
La saisie-appréhension sur injonction du juge
Lorsque le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire, il peut saisir le juge d’une demande d’autorisation. Cette saisine est réalisée par voie de requête. Le créancier devra accompagner cette requête d’une description précise du bien, et produire un maximum d’éléments justificatifs.
L’ordonnance sera ensuite signifiée au débiteur.
L’acte de signification devra contenir, à peine de nullité, une sommation d’avoir, sous un délai de 15 jours :
- Soit à transporter le bien à ses frais dans un lieu indiqué dans l’acte,
- Soit à former opposition à l’ordonnance pour la contester. Cette opposition sera déposée au greffe du juge de l’exécution, soit adressée à ce même greffe par lettre recommandée.
En cas d’opposition, le créancier devra saisir le tribunal compétent de se prononcer à propos de la délivrance ou de la restitution. Cette juridiction ne sera pas le juge de l’exécution, mais le tribunal judiciaire, le tribunal de commerce, etc., en fonction de la nature du litige. Cette saisine devra être réalisée dans les 2 mois qui suivent la signification de l’ordonnance, à peine de caducité de la procédure.
En l’absence d’opposition, le créancier peut demander au greffe du juge de l’exécution d’apposer la formule exécutoire sur l’ordonnance. Cela donnera à cette ordonnance tous les effets d’un jugement : un huissier pourra s’en servir pour procéder à l’exécution forcée.
Une fois que le créancier aura obtenu ce titre exécutoire, il pourra procéder comme nous l’avons vu au paragraphe précédent.
La saisie-revendication
La saisie-revendication présente quelques différences avec la saisie-appréhension. Elle est décrite à l’article L. 222-2 du code des procédures civiles d’exécution :
« Toute personne apparemment fondée à requérir la délivrance ou la restitution d’un bien meuble corporel peut, en attendant sa remise, le rendre indisponible au moyen d’une saisie-revendication. »
Le juge de l’exécution est saisi par requête. L’ordonnance qu’il rendra devra désigner le bien et l’identité de la personne tenue de le délivrer ou de le restituer.
La saisie-revendication fonctionne partiellement comme une mesure conservatoire. Notamment, elle sera jugée caduque si elle n’est pas exécutée dans les trois mois de l’obtention de l’ordonnance. Si elle a été pratiquée sans titre exécutoire, le créancier devra faire le nécessaire pour en obtenir un dans le mois qui suit l’exécution de la saisie.
L’ordonnance autorisant la saisie est notifiée au détenteur du bien avec un acte qui rappelle diverses dispositions légales. Fait notable, les dispositions de l’article 314-6 du code pénal sont rappelées :
« Le fait, par le saisi, de détruire ou de détourner un objet saisi entre ses mains en garantie des droits d’un créancier et confié à sa garde ou à celle d’un tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
La tentative de l’infraction prévue au présent article est punie des mêmes peines. »
Si la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, elle est dénoncée au débiteur principal dans les 8 jours de sa notification à ce tiers.
Enfin, le juge de l’exécution peut être saisi d’une demande de remise du bien à un séquestre qu’il désigne.
Foire aux questions
Quels biens peuvent être concernés par une saisie-appréhension ?
La saisie-appréhension permet de saisir les biens meubles corporels. Cela signifie qu’elle ne permettra pas au créancier de saisir un bien immobilier (maison, hangar, etc.) ou un bien meuble incorporel (action, titre, etc.). Pour ces catégories de biens, il existe des procédures spécifiques : la saisie immobilière et la saisie de droits d’associé et des valeurs mobilières.
Concernant les biens meubles corporels, il y a également des exceptions concernant la saisie de véhicule et de biens placés dans un coffre fort.
Quels sont mes droits en tant que débiteur ?
Le débiteur a le droit de procéder à la vente amiable, ou de s’opposer à la vente aux enchères.
Peut-on contester une saisie-appréhension ? Si oui, comment ?
Le juge de l’exécution peut être saisi aux cours des différentes étapes de la procédure. Il sera alors possible de remettre en cause la procédure. Les contestations les plus courantes sont relatives à la régularité de la procédure, à la propriété des biens, et enfin au déroulement de la vente. En effet, une adjudication mal organisée (ex. peu de public à cause d’une publicité trop rare) peut avoir des conséquences désastreuses.
Quel est le rôle des huissiers et des avocats dans le processus de saisie-appréhension ?
La procédure de saisie-appréhension est obligatoirement menée à bien par un commissaire de justice (huissier). Néanmoins, elle intervient souvent dans un contexte de recouvrement plus global qui peut être piloté par un avocat.
Les conseils de l’avocat
La procédure de saisie-appréhension est souvent utilisée en matière de travaux et dans le secteur du BTP. En effet, les factures ont souvent lieu à terme échu dans ce secteur. Cela signifie qu’elles seront émises après que la marchandise (par exemple) ait été livrée. Lorsque le créancier est confronté à un impayé, il aura intérêt à se dépêcher d’appréhender la marchandise qui n’a pas été utilisée, pour limiter ses pertes et mettre le débiteur sous pression.
La saisie-revendication, quant à elle, pourra être mise en place avant tout procès. La référence qu’elle contient aux dispositions du code pénal est extrêmement dissuasive pour les débiteurs et les tiers, bien plus qu’une saisie classique qui sera parfois abordée sous un angle rapport risque / avantage de façon plus décomplexée.