La procédure de saisie immobilière a été réformée par l’ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 et par son décret d’application n° 2006-936 du 27 juillet 2006, modifié par les décrets n° 2006-805 du 23 décembre 2006 et n° 2009-160 du 12 février 2009.
La sanction de l’adjudicataire défaillant sous l’empire de l’ancien texte
Sous l’empire de l’ancien texte, l’article 707 du code de procédure civile disposait à son premier alinéa que :
« L’avocat dernier enchérisseur est tenu, dans les trois jours de l’adjudication, de déclarer l’adjudicataire et de fournir son acceptation ou de représenter son pouvoir, lequel demeure annexé à la minute de la déclaration ; faute de ce faire, l’avocat est réputé adjudicataire en son nom. »
L’avocat qui ne déclarait pas l’identité de son mandant était ainsi déclaré adjudicataire en son nom et les cabinets rompus à la procédure de saisie immobilière regorgent d’anecdotes à propos de confrères qui ont été déclarés adjudicataires en leur nom propre faute de parvenir à déclarer l’identité de leur mandant : erreur de bien, client qui se désiste et absence de pouvoir écrit, etc.
Sous l’empire du nouveau texte, la sanction n’a pas été reconduite et rien n’est prévu pour le cas où l’avocat est incapable de déclarer l’identité de son mandant. La question a naturellement fini par se poser lorsque le tribunal judiciaire de Marseille a été saisi de la difficulté.
La sanction de l’adjudicataire défaillant sous l’empire du nouveau texte
Les faits sont simples : Maître X requière la vente aux enchères publiques d’un appartement et, dans le brouhaha de l’audience, Maître Y s’en porte acquéreur au bénéfice d’un mandat qui lui était confié par un client.
La pratique locale veut que l’avocat remette au greffier une déclaration d’identité de l’adjudicataire entre deux ventes ou à la fin de l’audience, contrairement à d’autres juridictions devant lesquelles l’identité de l’adjudicataire est publiquement déclamée.
L’affaire se fait donc avec une certaine discrétion.
Maître Y s’aperçoit qu’il s’est trompé de bien et ne déclare pas l’identité de son mandant.
Le juge de l’exécution fait alors une application combinée des dispositions des articles R. 322-46 et 48 du code des procédures civiles d’exécution. L’article R. 322-46 dispose que :
« Avant l’issue de l’audience, l’avocat dernier enchérisseur déclare au greffier l’identité de son mandant et lui remet l’attestation mentionnée à l’article R. 322-41-1. »
L’article R. 322-48 dispose que :
« Les dispositions de la présente section sont prescrites à peine de nullité de l’enchère soulevée d’office. Toute nouvelle enchère régulièrement portée couvre la nullité des enchères précédentes. La nullité de la dernière enchère entraîne de plein droit la nullité de l’adjudication. »
Il constate que les dispositions de l’article R. 322-46 imposent à l’avocat de déclarer l’identité de son mandant, et qu’en l’absence de déclaration de l’identité du mandant, la nullité de l’adjudication est de droit et doit être soulevée d’office.
Les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sont ensuite imprécises à propos de la marche à suivre.
En effet, l’article R. 322-48 est inséré sous le paragraphe 3 intitulé « La nullité des enchères ». L’article R. 322-49 qui suit dispose que :
« Les contestations relatives à la validité des enchères sont formées verbalement à l’audience, par ministère d’avocat. Le juge statue sur-le-champ et, le cas échéant, reprend immédiatement les enchères dans les conditions prévues à l’article R. 322-43. »
En l’espèce, l’avocat du créancier poursuivant (Maître X) avait quitté la salle, et peut-on affirmer que l’avocat qui s’était trompé (Maître Y) avait formé verbalement une contestation relative à la validité de l’enchère ?
C’est l’analyse qui paraît la plus logique.
Le cas échéant, le magistrat aurait dû ordonner immédiatement la remise en vente du bien… mais devant une salle vide et avec à la clef une carence d’enchères, puisque l’affaire se déroulait à la fin de l’audience et après le départ du public.
En cas de carence d’enchères, le créancier poursuivant est déclaré d’office adjudicataire sur le montant de la mise à prix, par application des dispositions du premier alinéa de l’article L. 322-6 du code des procédures civiles d’exécution :
« Le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant. A défaut d’enchère, celui-ci est déclaré adjudicataire d’office à ce montant. »
La remise en vente immédiate du bien aurait donc provoqué une situation très pénalisante pour le créancier poursuivant.
Le magistrat a donc décidé de renvoyer d’office l’affaire à une nouvelle audience d’adjudication, et surtout, a condamné Maître Y à supporter les frais de procédure que le créancier poursuivant allait devoir exposer pour organiser cette nouvelle audience d’adjudication.
La solution est, en équité, pleine de bon sens : elle fait supporter à Maître Y les conséquences financières de son erreur, tout en neutralisant ses conséquences négatives pour le créancier poursuivant. Elle est, en revanche, en droit, hautement discutable :
– La condamnation de Maître Y au paiement d’une somme indéterminée, et surtout, indéterminable à la date du prononcé, paraissait impossible.
– Le renvoi de l’affaire à une nouvelle audience d’adjudication n’avait aucun fondement juridique. L’audience d’adjudication ne peut être renvoyée que dans un nombre limité de cas et à la demande des parties, pas à l’initiative du juge.
Insatisfait de la décision rendue, le créancier poursuivant a décidé d’interjeter appel.
L’avis de la cour d’appel d’Aix-en-Provence
Le créancier poursuivant a demandé à la cour d’appel de déclarer Maître Y personnellement adjudicataire de l’immeuble par application des dispositions de l’ancien article 707 du code de procédure civile.
La cour d’appel rejette, bien naturellement, cette demande en relevant qu’elle ne reposait sur aucun fondement juridique.
Elle explique ensuite que Maître Y avait saisi le juge de l’exécution d’une contestation de la régularité de la dernière enchère, mais refuse d’appliquer les dispositions de l’article R. 322-49 du code des procédures civiles d’exécution, et plus spécifiquement du corps de phrase selon lequel « Le juge statue sur-le-champ et, le cas échéant, reprend immédiatement les enchères dans les conditions prévues à l’article R. 322-43. »
Bien au contraire, elle approuve la décision de renvoi de l’audience d’adjudication qui avait été prise par le juge de l’exécution, en exposant de façon très elliptique « qu’il appartenait dès lors au juge de l’exécution de renvoyer la vente, ce qu’il n’avait pas à motiver spécialement puisqu’il y était tenu ». Mais pourquoi y était-il tenu ?
Le texte semble, bien au contraire, indiquer qu’il était tenu de remettre en vente l’immeuble sur-le-champ. Sans faire preuve de plus de clarté, elle approuve le juge de l’exécution en ce qu’il a condamné Maître Y à supporter les frais de la deuxième vente, alors que le créancier poursuivant demandait, en tant que de besoin, sa condamnation à supporter les frais de la première vente.
L’exemple illustre combien le texte du code des procédures civiles d’exécution est incomplet : au-delà des libertés que semblent prendre le juge de l’exécution et la cour d’appel avec la lettre du texte, il transparaît avant tout et surtout des mésaventures de Maîtres X et Y que le législateur a supprimé un texte qui répondait à un besoin pratique bien concret, sans chercher à le remplacer.